Selon un modèle développé en laboratoire, la structure interne de la plus grosse lune du Système solaire, Ganymède, serait plus complexe qu’escompté. Il y aurait ainsi un empilement de couches d’océans liquides et d’épaisseurs de glace, évoquant un immense club sandwich. Ces couches seraient de plus en plus denses et compactées au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans les profondeurs. Pour les chercheurs, les couches d’eau salée en contact avec le noyau rocheux constituent un milieu potentiellement favorable à l’apparition de la vie.

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    Dans notre Système solaire, la Terre n'est pas le seul endroit habitable. En effet, selon les enquêtes de terrain opérées par le rover Curiosity, Mars la Rouge a pu l'être voici plusieurs milliards d'années. Quant au présent, citons les satellites naturels TitanTitan et Encelade (autour de SaturneSaturne) ainsi qu'Europe, CallistoCallisto et GanymèdeGanymède (autour de JupiterJupiter), tous considérés par les astronomesastronomes et les exobiologistes comme autant de milieux favorables. Cependant, en attendant de pouvoir explorer les profondeurs de ces mondes gelés, les chercheurs travaillent sur des modélisations en laboratoire afin de mieux comprendre la structure interne de chacun. Ganymède, le plus gros de tous, apparaît particulièrement complexe, ainsi que le révèle une étude récemment publiée dans la revue Planetary and Space Science.

    Plus grand que Mercure et gravitant autour de Jupiter, Ganymède (5.268 km de diamètre) est la plus grosse lune du Système solaire. Sa surface de glace et de roches (silicatessilicates) mêlées, rayée et émaillée d'une pléthore de jeunes cratères d'impact, pourrait cacher en réalité un impressionnant empilement d'eau liquideliquide et solidesolide jusqu'au plancherplancher rocheux. « L'océan de Ganymède pourrait être organisé comme un véritable sandwich Dagwood », déclarait à ce propos Steve Vance, spécialiste des mondes glacés au Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory. L'astrobiologiste fait ici référence à la bande dessinée Blondie où apparaissent de gigantesques sandwichs multicouches... Un millefeuille ferait aussi bien l'affaire.

    En assemblant les images de Ganymède, plus gros satellite naturel de Jupiter, recueillies par les sondes spatiales Voyager 1 et 2 avec celles collectées par Galileo (qui explora Jupiter dans les années 1990), des chercheurs ont élaboré la carte géologique la plus précise riche en informations sur sa surface. © <em>USGS Astrogeology Science Center</em>, Wheaton, Nasa, JPL-Caltech

    En assemblant les images de Ganymède, plus gros satellite naturel de Jupiter, recueillies par les sondes spatiales Voyager 1 et 2 avec celles collectées par Galileo (qui explora Jupiter dans les années 1990), des chercheurs ont élaboré la carte géologique la plus précise riche en informations sur sa surface. © USGS Astrogeology Science Center, Wheaton, Nasa, JPL-Caltech

    Dans l'étude menée en laboratoire, le chercheur et ses collègues ont constaté que contrairement à ce que de précédents modèles postulaient, le taux de sels dans une eau liquide peut accroître significativement sa densité dans les conditions qui règnent à l'intérieur. Aussi, renfermant 25 fois le volumevolume d'eau de la Terre, le satellite galiléen (découvert par GaliléeGalilée le 11 janvier 1610) se composerait-il de plusieurs océans intercalés d'épaisses couches de glace. Selon l'étage, celles-ci auraient des densités de plus en plus importantes à mesure que l'on s'enfonce vers le noyau. Qualifiée de glace de niveau I, la première couche est donc la plus légère et flotterait au-dessus de l'eau, comme c'est le cas sur notre planète. Pour les suivantes, la pressionpression les ferait littéralement couler. La plus lourde de toutes est notée glace de niveau VI.

    Profondeurs océaniques favorables à la vie sur Ganymède

    Certes plus complexe, ce modèle rompt avec le précédent qui représentait un océan prisonnier entre (seulement) deux couches de glace. Avec cette nouvelle configuration, il apparaît qu'un important volume d'eau liquide peut être en contact avec le manteaumanteau rocheux, lequel, rappelons-le, enveloppe un noyau ferreux liquide (Ganymède est la seule lune connue à posséder un champ magnétiquechamp magnétique). Des conditions qui retiennent l'attention des chercheurs, car beaucoup soupçonnent qu'elles sont favorables à l'émergenceémergence de la vie, à l'instar de ce qui a pu se passer sur Terre il y a environ 3,8 milliards d'années. « Notre compréhension de la façon dont la vie est née sur Terre implique l'interaction entre l'eau et la roche, résume Steve Vance. Cette étude fournit une forte possibilité pour que ces types d'interactions aient lieu sur Ganymède. » Cependant, « nous ne savons pas combien de temps cette structure en sandwich peut exister », remarque Christophe Sotin, autre membre de l'équipe, qui s'interroge sur sa stabilité.

    In extenso, ces recherches peuvent s'appliquer à la compréhension des exoplanètesexoplanètes lointaines, superterressuperterres (certaines pourraient être des planètes océansplanètes océans) ou exolunes, que l'on découvre toujours plus nombreuses et diversifiées. Il ne nous reste plus qu'à patienter l'arrivée en 2030 de la sonde spatiale Juice (Jupiter Icy Moon Explorer), dont la mission sera d'enquêter sur les trois grandes lunes de Jupiter chargées de glace d'eau, respectivement Europe, Ganymède et Callisto.

    Signalons également que la Nasa a récemment lancé un appel à idées pour la réalisation d'une mission vers Europe dont le coût, hors véhicule d'exploration, serait inférieur à un milliard de dollars. « Europe est un des sites les plus intéressants pour la recherche de la vie ailleurs que sur Terre », explique John Grunsfeld, administrateur adjoint au bureau des missions scientifiques de la NasaNasa à Washington. « Le défi d'explorer Europe n'est pas seulement stimulant pour son intérêt scientifique, mais aussi pour l'ingéniosité de ses ingénieurs et les concepts innovants de ses scientifiques. »