Les images de la banquise à la surface d'Europe, cette lune de Jupiter, laissent penser depuis quelques années qu'une tectonique des plaques y existerait. Un modèle numérique sur ordinateur soutient désormais cette hypothèse en faisant intervenir de la glace enrichie en sel plongeant sous son poids par subduction.

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    Europe, une des lunes de JupiterJupiter, est probablement le lieu du Système solaire où la recherche d'une forme de vie extraterrestre a le plus de chances d'être couronnée de succès. Mars est plus proche de la Terre, mais nous pouvons penser qu'aujourd'hui, la Planète rouge n'est plus qu'un désertdésert. Quant aux océans d'Encelade, lune de SaturneSaturne, ils sont plus lointains encore.

    Europe n'est cependant pas un environnement facile pour l'électronique, car le niveau de radiation n'est pas négligeable. Il ne va donc pas de soi de concevoir une mission de longue durée pour arpenter les reliefs glacés de sa banquisebanquise. L'idée d'envoyer une sonde forant la surface d'Europe pour atteindre les océans n'est sans doute pas facile à mettre en œuvre.

    Toutefois, comme l'avait proposé Freeman Dyson, il suffit peut-être d'aller inspecter des fragments de la croûtecroûte d'Europe éjectés sur des orbites dans sa banlieue proche par des impacts de grosses météorites pour toucher le jackpot. L'étude de la banquise d'Europe laisse penser que des mouvementsmouvements de glace profonds amènent en surface des échantillons de l'eau de ces océans qui pourraient contenir des formes de vie.

    Cette image a été prise non loin de l'équateur d'Europe. Elle montre environ 135 kilomètres carrés de la lune glacée de Jupiter. Une bande grise se détache clairement. Il s'agit de Phaidra Linea, qui montre que la banquise d'Europe a été déchirée à cet endroit. Certaines structures se correspondent de part et d'autre de la région occupée par de nouveaux matériaux. L'ensemble fait irrésistiblement penser à l'expansion des fonds océaniques sur Terre. © Nasa, JPL

    Cette image a été prise non loin de l'équateur d'Europe. Elle montre environ 135 kilomètres carrés de la lune glacée de Jupiter. Une bande grise se détache clairement. Il s'agit de Phaidra Linea, qui montre que la banquise d'Europe a été déchirée à cet endroit. Certaines structures se correspondent de part et d'autre de la région occupée par de nouveaux matériaux. L'ensemble fait irrésistiblement penser à l'expansion des fonds océaniques sur Terre. © Nasa, JPL

    Que cache donc la banquise d'Europe ?

    Mais est-ce bien le cas ? Les océans d’Europe contiennent-ils effectivement des sources chaudessources chaudes hydrothermales alimentées par un volcanismevolcanisme issu du chauffage par des forces de maréeforces de marée similaires à celles malaxant Io ? La chimiechimie de ces océans et de ces sources est-elle en mesure de faire apparaître la vie, comme cela s'est peut-être produit sur Terre ? Autant de questions sans réelles réponses... Nous pouvons toutefois déjà tenter de modéliser l'intérieur d'Europe et de nourrir ces modèles des informations pouvant être déduites de l'étude de la surface de cette lune de Jupiter.

    Il y a quelques années, comme Futura vous l'avait expliqué dans l'article ci-dessous, des planétologues états-uniens avaient suggéré que certaines caractéristiques de la banquise d'Europe laissaient penser qu'une tectonique des plaquestectonique des plaques similaire à celle de notre Planète existait sur cette lune glacée. Selon eux, l'équivalent des zones d'expansion des fonds océaniques était visible, les zones n'étant pas formées de basaltebasalte, comme sur la Terre, mais de glace.

    Et, comme la surface d'une planète est constante, à tout phénomène d'expansion avec fabrication d'une nouvelle croûte doit correspondre un phénomène de subductionsubduction, où de la croûte disparaît dans les entrailles de l'astreastre. Des traces de subduction existeraient bien sur Europe selon les chercheurs.

    De la glace enrichie en sel qui plonge par subduction

    Pour tester la validité des affirmations de leurs collègues, d'autres planétologues, travaillant à l'université Brown, située à Providence, dans l'État de Rhode Island, aux États-Unis, ont modélisé le comportement de la couverture de glace d'Europe. Les résultats de leurs travaux ont été publiés dans Journal of Geophysical Research: Planets.

    Il faut savoir que les spécialistes pensent que cette couverture serait en fait double :

    • une première couche mince en surface serait la plus froide et la plus rigide, avec des plaques tectoniquesplaques tectoniques ;
    • la seconde couche, sous la première, serait plus chaude et en convectionconvection, comme le manteau terrestremanteau terrestre sous la lithosphèrelithosphère.

    Lorsqu'une plaque de la première couche plongerait dans la seconde, elle s'échaufferait par conduction jusqu'à devenir moins dense, à tel point que la force d'ArchimèdeArchimède stopperait cette subduction.

    Toutefois, un second mécanisme pourrait intervenir, selon les simulations numériquessimulations numériques des chercheurs. Des remontées de glace ou d'eau chargées en sel et issues des océans profonds pourraient localement enrichir en sel cette plaque, augmentant suffisamment la densité de la glace jusqu'à ce qu'elle plonge par subduction.

    En tout état de cause, la surface d'Europe doit contenir des matériaux organiques déposés par des chutes de comètescomètes et de chondrites carbonées. Les mouvements de subduction pourraient donc aider la vie à prospérer en injectant ces matériaux dans les océans d'Europe.


    Dans les glaces d'Europe, il y a peut-être une tectonique des plaques

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 27/03/2014

    La Terre semblait jusqu'à présent être la seule planète rocheuseplanète rocheuse où existe une tectonique des plaques. Mais dans une communication faite en décembre 2013 lors d'un colloque de l'American Geophysical Union, deux planétologues états-uniens ont annoncé qu'ils avaient découvert des traces possibles de subduction sur Europe, la lune glacée de Jupiter.

    Voilà un siècle, le volcanisme était considéré comme un phénomène mineur sur Terre, mais on pensait qu'il en était tout autrement sur la Lune. On sait maintenant que les deux hypothèses étaient fausses. Les cratères lunaires sont essentiellement des cratères d'impact, et le volcanisme est une manifestation importante de la géodynamique de notre planète. Mieux : le volcanisme est maintenant considéré comme très répandu dans le Système solaire, ce qu'ont démontré les missions d'explorations de Mars, de VénusVénus et tout particulièrement de Io. Il existe même une nouvelle forme de volcanisme inconnue sur Terre : le cryovolcanismecryovolcanisme.

    Mais qu'en est-il de la tectonique des plaques ? Il n'y en a pas actuellement sur Vénus et Mars, mais certains suspectent que dans un passé lointain, elles en possédaient peut-être une. On pouvait aussi spéculer sur Europe et Ganymède, deux lunes de Jupiter. Les missions Voyager et GalileoGalileo ont permis des découvrir des banquises glacées sous lesquelles doivent se trouver des océans. Par endroit, la surface de ces croûtes de glace présente des zones de fractures occupées par un matériaumatériau qui semble frais. Ces zones font d'ailleurs penser à l'occurrence d'un processus de création de croûte et d'expansion similaire à celui se produisant au niveau des dorsales océaniquesdorsales océaniques sur Terre.

    Une vue d'artiste de la mission Juice en orbite autour de Ganymède. Au fond à gauche se trouvent Io, la volcanique avec son tore de soufre, et en bas, au premier plan, Europe. On attend beaucoup de cette mission, qui devrait nous aider à percer les secrets de Ganymède et d'Europe. Elle sera lancée en 2022. © M. Caroll, ESA

    Une vue d'artiste de la mission Juice en orbite autour de Ganymède. Au fond à gauche se trouvent Io, la volcanique avec son tore de soufre, et en bas, au premier plan, Europe. On attend beaucoup de cette mission, qui devrait nous aider à percer les secrets de Ganymède et d'Europe. Elle sera lancée en 2022. © M. Caroll, ESA

    Tectonique des plaques et Système solaire

    La surface d'Europe en particulier est peu cratérisée : la preuve en est que l'on a seulement nommé 41 cratères d'impact sur ce satellite de Jupiter. L'exploration de la Lune nous a permis d'établir un lien entre l'âge d'un terrain et son taux de cratérisation. Comme la fréquencefréquence des impacts a diminué depuis les premiers temps de la formation et de l'évolution du Système solaire, une surface peu cratérisée implique un âge jeune. Dans le cas d'Europe, on l'estime de 40 à 90 millions d'années.

    Sur Terre, les roches les plus âgées constituant les plaques océaniques ne dépassent guère les 270 millions d'années. Mais à la différence d'Europe jusqu'à maintenant, les zones de création des fonds océaniques sur Terre sont aussi accompagnées de zones de destruction, où les plaques subductent dans le manteau de notre planète, ainsi que de zones où des montagnes se forment. On ne pouvait donc pas soutenir l'idée qu'une tectonique des plaques était active sur Europe.

    Des indices de subduction sur Europe

    Mais depuis quelque temps, deux planétologues états-uniens, Simon Kattenhorn et Louise Prockter, laissent entendre qu'ils ont commencé à trouver des traces de subduction sur la surface d'Europe. Ainsi, alors que de part et d'autre des zones de fractures associées à des expansions il est possible de trouver des structures qui se correspondent, même décalées, les scientifiques auraient trouvé des zones où des structures s'interrompent brusquement. Cela s'explique bien si l'on fait intervenir une destruction de terrain par subduction, compensant la création de terrain ailleurs sur Europe. Simon Kattenhorn et Louise Prockter ont récemment exposé un peu plus en détail leurs arguments dans une communication à l'occasion de la Lunar and Planetary Science Conference en mars aux États-Unis.

    S'il y a effectivement une tectonique des plaques active sur Europe recyclant sa banquise, cela va intéresser les exobiologistes. En effet, la subduction de plaques doit faire pénétrer dans l'océan d'Europe des argiles et des composés prébiotiquesprébiotiques apportés par des impacts de comètes et d'astéroïdesastéroïdes. En raison du bombardement des radiations à la surface de la lune glacée, des réactions chimiquesréactions chimiques exotiquesexotiques ont pu conduire à la formation de moléculesmolécules importantes pour l'apparition de la vie dans les eaux d'Europe.