Il y a cinquante ans jour pour jour, Spoutnik, le premier satellite artificiel de la Terre, ouvrait un nouveau chapitre de l’histoire des hommes, celle de leur arrivée dans l’espace. Né en pleine guerre froide des efforts pour concevoir des missiles à tête nucléaire, le petit Spoutnik inaugure la conquête de l’espace et émerveille les foules. Pour fêter l’événement, Futura-Sciences vous propose deux rendez-vous aujourd’hui et des reportages télévisuels extraits des archives de l’INA.

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    Le 4 octobre 1957, en plein désertdésert kazakh, à 22 h 58 (heure locale), quelque part entre les villes de Tyura et de Tam (mais à 370 kilomètres de BaïkonourBaïkonour, un nom que les Soviétiques utiliseront ensuite pour égarer les Occidentaux), une puissante fuséefusée R-7 s'élève dans le ciel.

    A son sommet, sous sa coiffe, elle porteporte une sphère d'aluminium de 58 centimètres de diamètre, pesant 83,8 kilogrammes et flanquée de quatre antennes (deux de 2,4 mètres et deux de 2,9 mètres). A l'intérieur, dans de l'azote pressurisé à 1,3 atmosphèreatmosphère, elle abrite deux émetteurs radio, dans les bandes de 20 et 40 MHz. Au-dessus de l'atmosphère, la fusée largue la boule métallique à huit kilomètres par seconde. L'objet PSPS-1, pour Prostriechii SpoutnikSpoutnik (Prostriechii pour simplifié et spoutnik pour satellite), se satellise autour de la Terre sur une orbite elliptique, de 215 kilomètres de périgée et 939 kilomètres d'apogéeapogée.

    Les émetteurs commencent à envoyer un son aigu intermittent, un bip-bip. Cette émissionémission permanente permet de localiser PS-1 et de vérifier qu'il tourne bien autour de la planète. C'est bien le cas. L'agence Tass (organe de presse officiel de l'Union soviétique) publie la nouvelle.


    Reportage Euronews-ESA pour les 60 ans du lancement de Spoutnik. Version française. © Euronews, ESA

    Succès planétaire

    Le lendemain matin, l'information a, elle aussi, fait le tour du monde. Le retentissement est phénoménal. La Terre a un second satellite et il est artificiel ! L'humanité vient de débarquer dans l'espace. L'anniversaire d'aujourd'hui n'est donc pas que celui du lancement d'un satellite, c'est celui d'une ère nouvelle. A l'époque, nombreux sont ceux qui le ressentent ainsi. L'événement est salué de diverses manières mais on retient surtout cette percée humaine hors de l'atmosphère. Il est difficile, aujourd'hui, de réaliser l'émerveillement et l'enthousiasme générés partout dans le monde. Du jour au lendemain, le mot « spoutnik » devient célèbre, tout autant que le bip-bip, puis carrément familier. Une recherche sur le Web avec le mot clé spoutnik démontre que cinquante plus tard, ce terme est toujours présent dans le langage courant. Pour mieux comprendre ce phénomène, les archives de l'INA sont précieuses. L'Institut national de l'audiovisuel a pieusement conservé des émissions de télévision de l'époque et les a regroupées sur son site. Nous avons sélectionné deux d'entre elles pour illustrer nos articles d'aujourd'hui. Vous pourrez retrouver les autres, les regarder et les télécharger sur le site de l'INA.


    Reportage de l'Agence spatiale russe sur le lancement de Spoutnik. © Roscosmos

    De la guerre à la science

    Pourtant, les raisons qui ont abouti à cet exploit sans précédent sont essentiellement guerrières. Le monde d'alors est partagé en deux blocs qui s'ignorent et se haïssent, l'Est et l'Ouest. Dans chaque camp, on cherche avec beaucoup d'énergieénergie le moyen d'expédier de l'autre côté et le plus vite possible une bombe nucléaire (à uraniumuranium, comme celles qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki) ou thermonucléaire (à hydrogènehydrogène). Soviétiques et Américains s'appuient sur l'expérience du missilemissile V2, mis au point par les scientifiques de l'Allemagne nazie et récupéré par les deux camps. L'un de ses concepteurs, Wernher von BraunWernher von Braun travaille désormais pour les Etats-Unis. Ces derniers ont aussi une avance technologique nette, qui permet de réaliser des bombes plus légères. Mais cet avantage devient un inconvénient pour l'accès à l'espace : la bombe H soviétique pèse plus de cinq tonnes. A l'Est, il faut donc mettre au point une fusée très puissante... Ce sera la R-7, avec ses propulseurspropulseurs multiples assemblés en faisceau. Par ailleurs, les Soviétiques disposent d'un maître d'œuvremaître d'œuvre hors pair : Sergueï Korolev.

    L'année géophysique internationale de 1957 permet aux militaires de tester leurs engins à des fins scientifiques et de propagande. L'un des sujets est l'étude de la haute atmosphère. Les Etats-Unis, champions de la miniaturisation, envisagent un satellite de quelques kilogrammes. Avec leur grosse fusée R-7, encore en expérimentation, les Soviétiques peuvent envoyer des charges bien plus lourdes. Pour aller plus vite encore et voler la vedette aux capitalistes, les scientifique russes réduisent le poids prévu de leur premier satellite, de plus d'une tonne à moins de 84 kilogrammes. Il n'y aura aucun instrument scientifique à bord, juste cet émetteur de bip-bip.

    Les Etats-Unis mettront un bon moment à se remettre ce « Pearl Harbor technologique ». Au mois de décembre, une fusée Vanguard, qui s'apprêtait à lancer un minuscule satellite de moins de deux kilogrammes, explose devant les caméras. Mais en janvier 1958, le satellite Explorer 1 parvient en orbite terrestre et découvre des radiations, communément appelées aujourd'hui ceinture de van Allen.

    Une autre compétition venait de démarrer, celle de la course à l'espace, qui allait mener des hommes sur la LuneLune.

    Retrouver Spoutnik

    Sur le Web :

    Dans la presse :

    • Ciel & Espace publie un numéro spécial hors-série baptisé Spoutnik et retraçant, avec de nombreuses images, beaucoup d'explications et quelques informations inédites d'un demi-siècle de « conquête de l'espace ». La préhistoire de l'activité spatiale soviétique, ancrée dans la guerre froide et appuyée sur les travaux des scientifiques de l'Allemagne nazie est bien rapportée. On y trouvera notamment le témoignage de Boris Chertok, un des adjoints de Sergueï Korolev pour le projet Spoutnick.
    • Espace Magazine consacre un copieux dossier au sujet dans son numéro 31 (daté de septembre-octobre). Comme à son habitude, cette revue traite le sujet avec beaucoup de soin et nous gratifie d'une histoire très détaillée de la préparation et du lancement de Spoutnik-1 mais aussi du contexte de l'époque et du retentissement international du fameux bip-bip. On y trouve un entretien avec un autre adjoint de Korolev, Oleg Ivanovski.

    En librairie :

    • De Spoutnik à la Lune, Pierre Baland, Ed. Jacqueline Chambon, septembre 2007