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    C'est le chercheur lyonnais Michel Jouvet qui a permis, dans les années 1950, de découvrir l'existence de la phase de sommeil paradoxalsommeil paradoxal et de la relier aux rêves.

    Le rêve est le moment crucial du sommeil paradoxale. © Igor Zh., Shutterstock 
    Le rêve est le moment crucial du sommeil paradoxale. © Igor Zh., Shutterstock 

    Rêve et sommeil paradoxal

    Aucun examen scientifique ne permet de s'assurer à 100 % que le sujet en période de sommeil paradoxal est en train de rêver. Mais l'expérience empirique montre, lorsque l'on réveille les dormeurs pendant cette phase par exemple, que c'est très souvent le cas. Ainsi, les personnes que l'on réveille pendant le sommeil paradoxal se souviennent de leur rêve dans 85 % des cas, contre 10 % à 15 % pendant le sommeil lent.

    À raison de 15 à 20 minutes de sommeil paradoxal par cycle et de 4 à 5 cycles par nuit, on estime qu'un individu rêve en moyenne 100 minutes soit 1 heure 40 minutes chaque nuit. Ainsi, une personne de 60 ans a passé environ 5 années de sa vie à rêver et, au total, 20 à dormir !

    Le sommeil paradoxal est la phase du rêve. © Valua Vitaly, Fotolia
    Le sommeil paradoxal est la phase du rêve. © Valua Vitaly, Fotolia

    Durée des rêves et cycles du sommeil

    Les cycles d'une nuit de sommeil ne sont pas tous égaux : pendant le premier cycle, la phase de sommeil lent et profond est très longue, celle de sommeil paradoxal est au plus court. Au fil de la nuit, le cycle de sommeil lent devient plus court, tandis que la phase de sommeil paradoxal s'allonge. Cela explique deux phénomènes :

    • la durée des rêves s'allonge au fil de la nuit. Le premier rêve dure une dizaine de minutes environ, le second une vingtaine, tandis que les suivants peuvent durer une demi-heure. Ce sont ceux dont on se souvient le mieux, puisqu'ils ont lieu en fin de nuit ;
    • on dit que les premières heures de sommeil comptent double car la quantité de sommeil « réparateur », celui où le corps et le cerveaucerveau sont au repos, est plus importante dans les premiers cycles.

    Rêver et se souvenir de ses rêves : les inégalités

    Nous ne sommes cependant pas tous égaux devant le rêve. Ainsi, il y a de plus ou moins « bons rêveurs », sans que l'on sache expliquer pourquoi. Sans pathologiepathologie ou traitement médical particulier, tout le monde rêve. Mais nous n'avons pas tous la même capacité à rêver et, encore moins, à nous souvenir de nos rêves.

    Ainsi, les femmes semblent rêver davantage que les hommes. Réveillées lors d'une phase de sommeil paradoxal, 95 % d'entre elles se souviennent de ce qu'elles étaient en train de rêver, contre 80 % des hommes seulement. Elles sont également capables de faire un récit plus détaillé des évènements, qui semblent par ailleurs durer plus longtemps. Les femmes sont aussi plus susceptibles de faire des cauchemars que leurs homologues masculins. Les chercheurs n'ont pas, aujourd'hui, d'explication scientifique à apporter à ce phénomène. Tout au plus peut-on établir un parallèle avec le fait que les femmes sont souvent douées d'une plus grande « imagination émotionnelle » que les hommes et donc peut-être plus enclines à rêver de façon riche et détaillée.

    On ne rêve pas non plus de la même façon à tous les âges. Il est d'ailleurs très compliqué de déterminer à partir de quel âge un enfant se met à rêver et les spécialistes ne sont pas d'accord entre eux. Il semble que dans les premiers mois, voire les premières années de vie, le bébé puis l'enfant soient plutôt victimes de terreurs nocturnesnocturnes, un phénomène qui ne s'apparente pas au rêve et qui survient lors du sommeil lent plutôt que lors du sommeil paradoxal. « C'est très compliqué de dire à partir de quel âge un enfant se met à rêver », estime le chercheur Pierre-Hervé Luppi (spécialiste du sommeil). « Il faut qu'il ait la maturité nécessaire pour réaliser que c'est un rêve et qu'il possède le vocabulaire pour le raconter », poursuit-il.

    Le cycle veille-sommeil chez le rat. Plus on avance dans la nuit, plus les périodes de sommeil paradoxal sont longues, au détriment de la phase de sommeil lent. © DR
    Le cycle veille-sommeil chez le rat. Plus on avance dans la nuit, plus les périodes de sommeil paradoxal sont longues, au détriment de la phase de sommeil lent. © DR

    Âge et capacité à rêver

    Il semble donc que la capacité à rêver monte en puissance dans les premiers mois de la vie, tout comme l'ensemble des capacités cognitives d'un individu. À l'inverse, cette capacité à rêver diminuerait aussi avec l'âge et les seniors feraient ainsi moins de rêves que les adultes en pleine fleur de l'âge. Là encore, impossible de généraliser ou d'avoir des certitudes, mais deux éléments viennent étayer cette hypothèse :

    • les seniors dorment souvent moins longtemps que les plus jeunes : or, on l'a vu, le sommeil paradoxal s'allonge en fin de nuit, lors des troisième et quatrième cycles. Il est donc probable que les personnes âgées aient tout simplement moins de temps de sommeil paradoxal à leur disposition pour rêver ;
    • comme les autres organes, le cerveau vieillit et se « rouille » avec l'âge. La plasticité neuronaleplasticité neuronale diminue, c'est-à-dire que les neuronesneurones deviennent moins adaptables, les connexions entre eux sont parfois moins bonnes. C'est la raison pour laquelle il est plus difficile d'apprendre de nouvelles choses en vieillissant que lorsque l'on est lycéen ou étudiant. De la même façon, ce manque de plasticité pourrait jouer un rôle sur l'imagination et le rêve.

    Michel Jouvet est internationalement reconnu pour ses travaux, entamés dans les années 1950, qui ont permis de mettre en évidence les particularités du sommeil paradoxal ainsi que son fonctionnement. Il soutient, comme une majorité de chercheurs, que l'essentiel du rêve sous sa forme aboutie se déroule pendant la phase de sommeil paradoxal. À la fin du XIXe siècle, Edmond Goblot lançait une théorie inverse, reprise plus récemment par le neurobiologiste Jean-Pol Tassin : nous rêverions pendant de courtes périodes d'éveil, entre deux cycles de sommeil. Une théorie qu'ils défendent grâce à l'existence des fameux rêves réveille-matin où les stimuli extérieurs, qui finissent par réveiller, sont intégrés au rêve.

    L'évolution et la capacité de se souvenir des rêves et de pouvoir les raconter tiennent à la vigueur des neurones que tout un chacun possède. Ce mécanisme neuronal varie selon l'âge et le sexe mais toute personne passe par les mêmes phases de sommeil et donc la même possibilité de rêver.