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Conscience du rêve, illusions, rêve lucide... De nombreuses théories s'affrontent lorsqu'il s'agit d'expliquer certains phénomènes proches du rêve. Revue des théories qui s'opposent.
La conscience du rêve
Tout le monde a déjà ressenti cette sensation bizarre. Une personne est en train de rêver et, chose étrange, elle le sait. Elle a pleinement conscience d'être dans un rêve, mais cela ne l'empêche pas de le poursuivre et de le vivre, parfois encore plus pleinement que lorsqu'elle n'a pas conscience qu'il s'agit d'un rêve. C'est ce que les chercheurs appellent communément le rêve lucide. La plupart d'entre nous l'ont expérimenté à l'occasion. Chez certaines personnes, il revient plus fréquemment.
Certains chercheurs ont eu l'idée de vérifier s'il s'agissait bien d'un rêve et, si oui, pendant quelle période de sommeilsommeil il avait lieu. Ils ont demandé à des rêveurs lucides de leur faire signe, dans leur songe, au moment où ils avaient conscience de rêver. Problème : on l'a vu, quand on rêve, du moins pendant la phase paradoxale, on est pratiquement paralysé, alors comment faire signe ? Avec les yeux, puisqu'ils sont les seuls à pouvoir encore se mouvoir pendant la période de sommeil paradoxalsommeil paradoxal.
Chercheurs et dormeurs ont donc convenu d'un signe : quand les dormeurs commenceraient à rêver, ils bougeraient les yeuxyeux de haut en bas, par exemple, pour l'indiquer aux observateurs. Et cela a fonctionné : non seulement ces rêveurs lucides se souvenaient qu'ils devaient indiquer qu'ils étaient en train de rêver, mais ils sont en outre parvenus à faire un signe sans équivoque au moment du rêve. Plus tard, une fois réveillés, ils ont pu raconter leur rêve et estimer sa durée, qui correspondait généralement à la durée réelle du temps écoulé. Les chercheurs ont ainsi pu identifier des périodes de rêve lucide de 2 à 50 minutes, qui se produisaient dans la majorité des cas pendant le sommeil paradoxal.
Le rêve lucide
Si l'on a pu observer ce phénomène en revanche, on ne sait pas l'expliquer scientifiquement aujourd'hui. Tout ce que l'on peut affirmer, c'est que ces songes sont souvent particulièrement réalistes et très riches en émotions et en sensations. Le dormeur est capable de raisonner, de prendre des décisions. Il garde souvent un souvenir précis de son rêve au réveil.
La théorie du rêve lucide ne fait toutefois pas l'unanimité. Beaucoup de spécialistes considèrent que la conscience est mise hors-jeu pendant le sommeil paradoxal : comment, dès lors, pourrait-on imaginer avoir conscience de rêver ? « Mon sentiment, estime le chercheur Pierre-Hervé Luppi, directeur de laboratoire au CNRS, c'est qu'il s'agirait plutôt d'une façon de prolonger le rêve par plaisir, alors que l'on est plus ou moins éveillé. »
Autre scénario : une personne se réveille vaguement au milieu de la nuit, elle a conscience d'être dans son lit, probablement entre deux cycles de sommeil mais, tout d'un coup, la réalité et le rêve semblent se mélanger, sa pensée est irrémédiablement attirée vers un songe. Plusieurs chercheurs, notamment aux XIXe et XXe siècles, ont avancé une théorie reprise maintes fois depuis : le rêve se déroulerait en réalité au sortir du sommeil, juste au moment où l'organisme est en train de se réveiller. Ce songe correspondrait au retour des capacités perceptives. Le cerveaucerveau, encore confus, aurait du mal à décrypter les informations, d'où une perception erronée de la réalité : le rêve.
Le Français Edmond Goblot, notamment, a élaboré toute une théorie sur le sujet, qui a fait de nombreux adeptes. Parmi les exemples fréquemment cités pour l'illustrer, l'expérience de l'auteur Alfred Maury : il raconte un rêve révolutionnaire. Tout se passe pendant la période de la Terreur, après la Révolution française. Emprisonné, il est jugé, puis condamné à la guillotine. Il vit toute la scène de l'arrivée sur la place publique et raconte même le moment fatidique où il sent « [sa] tête se séparer de [son] corps » ! Il se réveille bien sûr dans l'instant, le cœur battant, pour découvrir que la flèche de son lit s'est abattue sur sa nuque, à la manière d'une guillotine ! La théorie des rêves lucides vient également changer un peu la donne, soutenue notamment par le marquis d'Hervey de Saint-Denys. Certains rêveurs semblent capables de discerner les moments où ils sont en train de rêver, alors qu'ils sont profondément endormis, selon l'EEGEEG. Cela va précisément à l'encontre de la thèse de Michel Jouvet, de ses successeurs parmi lesquels Pierre-Hervé Luppi mais aussi de nombreux chercheurs, selon laquelle le rêve du sommeil paradoxal est complètement inconscient.
Les stimuli du rêve
Edmond Goblot se sert de cette histoire pour illustrer son propos : selon lui, les stimuli du réveil sont décryptés avec des erreurs : c'est ce qui provoque le rêve, qui se déroulerait donc à une vitesse accélérée par rapport à la réalité. Le Dr Sylvie Royant-ParolaSylvie Royant-Parola, médecin du laboratoire du sommeil de la clinique du Château à Garches, adhère plus ou moins à cette théorie : « Je pense que l'on peut effectivement rêver éveillé, mais que ce sont des moments très brefs, qui surviennent notamment quand on a trop longtemps été privé de sommeil. On peut alors vivre des fragments de rêve, qui sont d'ailleurs plutôt de fausses perceptions de la réalité, des sortes d'illusions. » Tout dépend donc de la définition que l'on fait du rêve.
Voilà un phénomène que l'on peut éprouver de temps à autre. Alors que l'on est en train de s’endormir ou que l'on commence doucement à sombrer dans un rêve, on a soudainement l'impression de tomber dans le vide. La sensation est fulgurante, elle réveille souvent en sursaut, dans un mouvement brusque pour tenter de se rattraper. Sans que l'on puisse l'affirmer avec certitude, il semblerait que ce phénomène intervienne au moment où commence un épisode de sommeil profondsommeil profond, qui se caractérise, on l'a vu, par une atonie musculaire : soudainement, le cerveau se trouve déconnecté des muscles, il interprète ce manque d'information comme une chute. Comme le corps n'est pas encore totalement paralysé par l'atonie musculaire, le réflexe de survie l'emporte : on se réveille avec le cœur qui bat fortement et en général après un mouvement soudain pour tenter de se rattraper.
Autre phénomène intéressant : cette fois, c'est votre conjoint qui vous a raconté votre nuit. Vous vous êtes levé vers 3 h du matin, vous ne lui avez pas répondu quand il ou elle vous a demandé ce qui se passait. Vous avez farfouillé dans la commode, marmonné quelque chose d'incompréhensible. Puis vous vous êtes obstiné à essayer d'ouvrir les volets et, n'y parvenant pas, vous êtes retourné vous coucher. Vous avez probablement eu un accès de somnambulisme : 10 % à 20 % des adultes en sont victimes. Cette fois, le phénomène est clairement identifié : il n'a rien à voir avec le rêve.