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À gauche : cellules musculaires de souris sauvagesÀ droite : cellules musculaires de souris chez lesquelles le gène S6K1 a été inhibé(crédit : INSERM)
Les travaux de l'équipe Avenir-Inserm dirigée par Mario Pende et Athanassia Sotiropoulos dévoilent une partie du mécanisme de régulation de la croissance musculaire et permettent d'ouvrir de nouvelles perspectives dans l'amélioration des thérapies actuelles. Les résultats de cette étude sont détaillés dans l'édition de mars de Nature Cell Biology.
La perte de massemasse musculaire est une des conséquences de l'inactivité prolongée et du vieillissement mais aussi de nombreuses pathologies telles que le sida, le diabète ou le cancer. Pour pallier cette atrophieatrophie, divers facteurs anabolisants (hormoneshormones de croissance, IGF1 (insulin-like growth factor), stéroïdesstéroïdes...) qui agissent sur le volumevolume des muscles peuvent être prescrits. Malheureusement la plupart de ces thérapies ne sont pas sélectives et induisent à la fois une augmentation du volume et du nombre des cellules musculairescellules musculaires. Avec un risque majeur : une prolifération anarchique des cellules susceptible d'engendrer des tumeurstumeurs.
C'est pourquoi Mario Pende et ses collègues ont étudié les mécanismes de cette croissance musculaire au niveau cellulaire. L'équipe s'est attachée notamment à déterminer si l'augmentation du volume des cellules musculaires et leur multiplication étaient des processus imbriqués ou indépendants l'un de l'autre.
Deux voies bien distinctes
On sait aujourd'hui que les modifications de la masse musculaire font intervenir la protéineprotéine kinasekinase mTOR (mammalian target of rapamycine) : l'exercice physiquephysique ou un régime protéique s'accompagnent d'une activation de mTOR et d'une augmentation de la masse musculaire tandis que l'inactivité, la privation de nourriture ou une thérapie à base de glucocorticoïdes inhibent mTOR et provoquent une atrophie musculaire.
L'équipe s'est donc penchée sur les mécanismes d'action de mTOR et notamment l'activation de l'un de ses substratssubstrats dont le rôle précis restait méconnu : la protéine S6K1(S6 kinase1). Il s'agissait de comprendre d'une part comment cette protéine pouvait agir sur le volume des cellules et déterminer d'autre part si son activation était à la fois impliquée dans la multiplication et dans la croissance des cellules musculaires.
A l'issue de ces recherches, Mario Pende et ses collègues ont mis en évidence le rôle essentiel joué par cette protéine S6K1 dans un mécanisme qui coordonne la croissance des différents tissus musculaires en fonction des nutrimentsnutriments apportés. On savait que dans le cas d'un régime protéique, les acides aminésacides aminés des protéines agissent directement sur les muscles et libèrent parallèlement des substances anabolisantes dans le sang. L'équipe a démontré que le gènegène S6K1 intégrait tous ces signaux pour produire de nouvelles protéines qui augmentent la masse musculaire. En fait, c'est en inhibant ce gène que les chercheurs ont pu démontrer son rôle. « Nous avons montré que les animaux chez lesquels le gène S6K1 a été invalidé restent maigres, même s'ils sont nourris avec un régime riche en protéines qui devrait normalement accroître leur masse musculaire » précise Mario Pende. L'inhibitioninhibition de S6K1 suffit donc à produire une atrophie musculaire et une perte de poids.
Dans un deuxième temps, l'équipe a montré que l'inhibition du gène S6K1 n'avait aucun effet sur la prolifération cellulaire : les cellules musculaires sont plus petites mais leur nombre reste normal. « En clair, nous avons prouvé que le contrôle du cycle cellulaire musculaire par mTOR ne passait pas par S6K1 » Les chercheurs concluent qu'il existe bien deux branches distinctes et indépendantes dans la voie mTOR, dont l'une nécessite l'activation de S6K1 et agit uniquement sur le volume des cellules. L'autre voie qui contrôle la prolifération reste donc à explorer.
Etant donné que S6K1 est indispensable à l'augmentation de la taille des cellules mais n'a pas d'action sur la prolifération, ces travaux sur la souris ouvrent des perspectives dans la recherche de nouvelles thérapies. On peut notamment envisager d'ici une dizaine d'années de mettre au point des traitements de l'atrophie musculaire basés sur l'activation de S6K1 et qui présenteraient un faible risque de tumeurs.