En passant vingt momies au scanner, une équipe de cardiologues a diagnostiqué chez neuf d'entre elles la présence d'athéromes dans les artères. Ce genre de pathologie n'est donc pas l'apanage des sociétés modernes.

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    Une momie égyptienne entre dans un CT-scan. En médaillon, un cœur (rarissime sur une momie) dans lequel les chercheurs repèrent des calcifications, traces de la présence d'athéromes du vivant de cette personne. © Egyptian Antiquities Commission

    Une momie égyptienne entre dans un CT-scan. En médaillon, un cœur (rarissime sur une momie) dans lequel les chercheurs repèrent des calcifications, traces de la présence d'athéromes du vivant de cette personne. © Egyptian Antiquities Commission

    Dans un congrès de cardiologie organisé à Orlando, en Floride, par la American Heart Association, Gregory Thomas a présenté le cas de patients très particuliers : vingt-deux momies égyptiennes de l'époque pharaonique. L'étude a notamment porté sur le système vasculaire, analysé en tomographie assistée par ordinateurordinateur, autrement un classique scanner médical à rayons Xrayons X. Ce n'est pas la première fois que l'on cherche à identifier des pathologies chez des momies ni qu'on les soumet au scanner. Toutankhamon a eu droit à ce traitement mais il s'agissait alors de savoir s'il avait été assassiné...

    Le cœur étant en principe retiré pendant la momification, ce sont les artères qu'ont explorées les chercheurs, lorsqu'il en restait suffisamment. Certaines momies, en revanche, contenaient encore le muscle cardiaquemuscle cardiaque. Deux de ces momies avaient déjà subi l'épreuve du scanner et l'analyse avait montré la présence de tissu cardiovasculaire. L'équipe a pu se pencher sur le cas des vingt autres, conservées au Musée national égyptien des antiquités et dont l'origine s'étale sur 18 siècles.

    Finalement, seize des momies contenaient encore suffisamment de matériel vasculaire pour se prêter à une analyse intéressante. Diverses pathologies ont été repérées, comme de l'arthrite ou des lésions dentaires, et, surtout, l'équipe a découvert chez neuf d'entre elles (quatre femmes et cinq hommes) des traces de calcificationcalcification sur la paroi interne des artères. Pour les auteurs, il s'agit des restes d'athéromesathéromes, c'est-à-dire des dépôts graisseux (du cholestérolcholestérol). Ce mécanisme est aujourd'hui bien connu de la médecine.

    Comment vivaient les riches Egyptiens ?

    En s'accumulant, ces dépôts peuvent finir par boucher le vaisseau, provoquant un infarctus, du myocarde par exemple ou dans le cerveaucerveau (c'est l'accident vasculaire cérébralaccident vasculaire cérébral). Ces dépôts se forment en général là où l'artère commence à se scléroser par vieillissement - c'est l'artérioscléroseartériosclérose - et on parle alors d'athéroscléroseathérosclérose pour désigner le cumul des deux phénomènes, lorsqu'apparaissent ces plaques blanchâtres (les athéromes) sur une artère sclérosée.

    Pour expliquer la fréquence actuelle de cette pathologie, on accuse le mode de vie (sédentarité, alimentation riche, stressstress...) ainsi que le tabagisme et l'alcoolisme. On ne s'attendait donc pas forcément à découvrir une telle prévalenceprévalence d'athérosclérose chez des personnes ayant vécu il y a plus de deux mille ans (la plus ancienne des neuf momies présentant des calcifications date d'environ 1550 avant Jésus-Christ). Chez ces momies, les chercheurs remarquent que les traces de calcification sont plus fréquentes chez les sujets décédés après l'âge de 45 ans.

    Ces momies ne sont pas des pharaons mais la momification était inaccessible au peuple et il s'agissait donc de personnages haut placés, par conséquent bien nourris. On ne sait pas trop ce que mangeaient les Egyptiens de cette époque mais on suppose, expliquent les auteurs, que les prêtres et prêtresses, les fonctionnaires de haut rang, la famille royale et les pharaons avaient une alimentation riche, où les gâteaux et la viande étaient fréquents. Pour autant, il était difficile à l'époque d'être aussi sédentaire qu'on peut l'être aujourd'hui.

    Les chercheurs, qui publient leurs résultats dans une revue scientifique (The Journal of the American Medical Association), ne concluent cependant rien sur la cause des décès. Ils soulignent seulement qu'il faudrait peut-être relativiser l'influence de nos modes de vies actuels sur l'apparition de maladies considérées comme modernes...