L’absence de gravité produit une série de changements physiologiques, dont une modification du débit veineux. Des chercheurs ont ainsi observé une quasi stagnation de la circulation chez un astronaute sur deux lors de leur séjour dans la Station spatiale internationale (ISS) et même l’inversion du débit chez certains d’entre eux, avec un gros risque de thrombose à la clé.


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    Les voyages dans l'espace produisent décidément des effets surprenants sur les organismes des astronautesastronautes. Il était déjà su que la microgravitémicrogravité entraînait une perte musculaire, une extension de la colonne vertébrale, une perte de vision, une décalcification osseuse, des troubles de la mémoire ou même une modification de la forme du cœur. On s'est également aperçu que les astronautes voient leur température corporelle augmenter d'environ 1 °C au cours de leur séjour dans l'espace. Une nouvelle étude publiée dans la revue JAMA vient ajouter un détraquement de plus à cette longue liste : le ralentissement de la circulation sanguine, pouvant aller jusqu'à une inversion du sens d'écoulement.

    Une remontée du sang vers le cerveau

    En temps normal, le flux de sang est régulé par un gradientgradient de pressionpression hydrostatique qui empêche le sang de s'accumuler dans le bas du corps lorsque nous sommes debout. En position couchée, c'est l'inverse qui se produit : le sang a tendance à s'accumuler dans la tête et il faut donc l'envoyer vers le reste du corps. C'est le rôle de la veine jugulaire interne, une grosse veine du cou partant du crâne jusqu'à la clavicule. Une fois en position verticale, cette veine se collapse partiellement ou totalement pour offrir une « résistancerésistance » empêchant le sang de s'écouler hors de la tête.

    Mais, en l'absence de gravitégravité, cette belle mécanique se grippe : la disparition du gradient de pression hydrostatique entraîne une redistribution des liquidesliquides vers la région thoracique et le cerveau. Ce transfert, évalué entre 1,5 et 2 litres, produit notamment un gonflement du visage, une turgescenceturgescence des veines du cou, une diminution du volumevolume des jambes avec un aspect caractéristique en « jambes de poulet ».

    La circulation sanguine ralentit jusqu’à s’arrêter… ou même s’inverser

    L'équipe, constituée de chercheurs américains et français, s'est demandé comment cette modification de la circulation affectait la veine jugulaire interne. Ils ont demandé à 11 membres de la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale (ISS) de mesurer leur pression artérielle, leur flux sanguin ou encore leur débit cardiaque après 50 et 150 jours de séjour dans l'espace, et ce, en 3 positions différentes (debout, couché ou la tête inclinée à 15°). La veine jugulaire a également été observée par ultrasonsultrasons avant et après la mission.

    La stase du sang favorise les thromboses veineuses. © koti, Adobe Stock
    La stase du sang favorise les thromboses veineuses. © koti, Adobe Stock

    Les conclusions s'avèrent plutôt inquiétantes pour nos voyageurs de l'espace. Le flux sanguin a été quasiment stoppé chez sept des participants, soit plus de la moitié, au bout de 50 jours. Chez deux d'entre eux, le sens de circulation dans la veine jugulaire s'est même inversé. Un astronaute a été victime de thrombosethrombose avec la formation d'un caillotcaillot dû à la stagnation du flux sanguin, et un autre s'est vu diagnostiquer une thrombose partielle à son retour. D'après les chercheurs, cette congestion veineuse cérébrale subie par les astronautes pourrait être due à la compression d'une veine inférieure par le déplacement d'un organe plus bas dans le corps. Bloqué, le sang remonterait alors vers le cerveau d'autant plus que la microgravité diminue la résistance de la veine jugulaire.

    Encore une injustice pour les femmes !

    Un constat « alarmant » pour les auteurs de l'étude qui mettent en garde sur ce nouveau risque associé aux voyages dans l'espace. Manque de chance pour la féminisation des équipages, ce risque est encore plus élevé chez les femmes qui prennent la pilule, car cette dernière est connue pour augmenter le risque de thrombose. Il leur est donc conseillé d'abandonner leur traitement contraceptif durant leur séjour à bord de l'ISS.