Le remplacement des moustiques sauvages par des moustiques OGM incapables de transmettre le paludisme est l’une des solutions antipaludiques proposées par les scientifiques. Ils viennent d’ailleurs de franchir une étape, en montrant que la transmission forcée de gènes (et donc de gènes de résistance) à la descendance des moustiques est possible : de quoi donner de l’espoir à des milliards de personnes menacées par le parasite.

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    Anopheles gambiae est l'un des moustiques vecteurs du paludisme les plus actifs. © James D. Gathany, CDC, domaine public

    Anopheles gambiae est l'un des moustiques vecteurs du paludisme les plus actifs. © James D. Gathany, CDC, domaine public

    Des moustiquesmoustiques génétiquement modifiés qui combattent la propagation de maladies humaines, ce n'est pas une nouveauté. Au mois de décembre dernier, plusieurs milliers de moustiques OGM destinés à lutter contre la dengue avaient été discrètement lâchés en Malaisie. D'autres insectesinsectes, quant à eux, avaient été « fabriqués » pour limiter la transmission du paludisme. Si la stratégie peut choquer, notamment pour les fervents défenseurs de l'environnement pour qui les OGMOGM paraissent dangereux, l'idée vient au départ d'une bonne intention.

    Car le paludisme, en particulier, est à l'origine de nombreux décès (plus d'un million) chaque année. Plasmodium, le parasiteparasite responsable de la maladie, infecte plus de 500 millions de personnes chaque année et en menace bien plus. Le moustique vecteur, qui transmet le parasite d'Homme à Homme par la prise de repas de sang, habite les régions tropicales et équatoriales où vit la moitié de la population mondiale.

    Remplacer durablement les moustiques sauvages

    Le manque de traitements efficaces étant un frein à la limitation de l'expansion de la maladie, le remplacement des populations locales de moustiques vecteurs par des moustiques incapables de transmettre la maladie est l'une des stratégies actuellement les plus étudiées. Pour l'instant, les chercheurs, prudents, tentaient de trouver des parades pour rendre les moustiques stériles afin qu'ils ne se multiplient pas dans la nature de façon incontrôlée.

    Le nombre de moustiques qui perdent la fluorescence (et qui insèrent la deuxième copie du gène de l'endonucléase) sont en nette augmentation (courbe rouge). Les moustiques fluorescents (qui n'ont pas encore reçu le gène de l'endonucléase) sont eux en diminution (courbe verte). La courbe violette correspond aux moustiques qui ont perdu la GFP mais aussi d'autres marqueurs. © <em>Nature</em>

    Le nombre de moustiques qui perdent la fluorescence (et qui insèrent la deuxième copie du gène de l'endonucléase) sont en nette augmentation (courbe rouge). Les moustiques fluorescents (qui n'ont pas encore reçu le gène de l'endonucléase) sont eux en diminution (courbe verte). La courbe violette correspond aux moustiques qui ont perdu la GFP mais aussi d'autres marqueurs. © Nature

    Aujourd'hui au contraire, la stratégie est inverse. Les chercheurs tentent de trouver un moyen de donner un avantage évolutif aux moustiques OGM, afin de remplacer durablement les insectes vecteurs par des moustiques inoffensifs. Une équipe de chercheurs de l'Imperial College à Londres, de l'Université de Washington et de l'Université de Pérouse en Italie, ont mis au point une méthode qui permettrait de répandre rapidement les moustiques sains, et l'ont publié dans la revue Nature.

    Forcer la transmission du gène de résistance

    Pour y parvenir, la stratégie était de rendre un gène (en l'occurrence le gène de résistancerésistance au paludisme) ubiquitaire, c'est-à-dire qu'il puisse se transmettre très rapidement et de façon un peu forcée, de génération en génération. Une telle chose avait pu être réalisée chez les drosophilesdrosophiles (l'organisme modèle des scientifiques) mais n'avait jamais pu être reproduite chez notre insecte d'intérêt. C'est aujourd'hui chose faite.

    Les scientifiques ont utilisé l'un des moustiques vecteurs du paludisme les plus importants, Anopheles gambiae, et lui ont inséré un élément génétiquegénétique que l'on qualifie d'« égoïste ». Il s'agit d'un gène codant pour une endonucléase (une enzymeenzyme qui coupe l'ADNADN), habituellement codée par des intronsintrons. Il possède la particularité de pouvoir se dupliquer chez des individus qui ne possèdent qu'une seule copie du gène, et ce sur le chromosomechromosome homologue. Ce mécanisme assure le passage du gène dans la génération suivante, puisque quel que soit le chromosome transmis à la descendance, le gène de l'endonucléase le sera aussi inévitablement.

    Encore du travail

    Ce processus a été validé expérimentalement par l'utilisation du gène de l'endonucléase permettant d'éteindre la fluorescence de la protéineprotéine GFPGFP, un phénotypephénotype facilement observable dans la descendance. Selon des tests effectués in vitroin vitro et en accord avec les modélisationsmodélisations, il a suffi de douze générations pour voir disparaître la fluorescence chez 50 % des moustiques, alors que seulement un pour cent de la population possédait la version éteinte du gène au départ.

    Puisque la stratégie semble fonctionner, il reste maintenant à faire de même en remplaçant le gène fluorescent par un gène rendant les moustiques résistants au paludisme. Ce genre de gène existant déjà, l'obtention de moustiques permettant une lutte efficace contre la maladie parasitaire devrait être rapide. Reste à savoir si tout le monde accueillera avec enthousiasme l'idée de la propagation d'insectes OGM dans la nature...