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Il faut agir vite. Les accidents vasculaires cérébraux (AVC)) tuent toutes les trois minutes dans le monde. Chaque année, ils concernent 150.000 Français. Dans 25 % des cas, le décès survient très rapidement suite à l'attaque cérébrale. Cinq ans après l'accident, la moitié des victimes en succombent. Pour les survivants, des séquelles parfois très lourdes les handicapent à vie.
Que propose la médecine pour contrer ces événements vasculaires ? Une thrombolyse. Il s'agit de détruire à l'aide d'une enzymeenzyme le caillot sanguin à l'origine de l'ischémie (l'artèreartère étant obstruée), celui-là même qui prive les neuronesneurones d'oxygène et de nutrimentsnutriments indispensables à leur survie. Mais l'urgence est de mise. Au-delà de 4 heures 30 après la survenue de l’AVC, la destruction du caillot n'est plus salvatrice. Seuls 5 % des patients peuvent ainsi être traités, le temps qu'on les amène à l'hôpital et qu'on identifie la raison de leur trouble.
Que faire alors une fois ce délai dépassé ? Pas grand-chose... Sur le marché, il n'existe aucun médicament capable de protéger les neurones. La raison en est simple. Tous les traitements testés se sont révélés malheureusement inefficaces, et les laboratoires pharmaceutiques ont dépensé des milliards sans succès.
Nicolas Blondeau est neurophysiologiste et spécialiste des effets des acides gras oméga-3 sur les AVC. Ses travaux ont été publiés dans les revues les plus prestigieuses. © John Pusceddu
Des oméga-3 en prévention des AVC
La recherche n'a quant à elle pas oublié de poursuivre les investigations. Et parmi les pistes explorées, celle des oméga-3. Non pas à cause du matraquage publicitaire qu'on entend ici et là, mais parce que cela pourrait fonctionner, comme l'explique à Futura-Sciences Nicolas Blondeau, auteur de nombreuses études sur le sujet.
« On a remarqué que les oméga-3oméga-3 avaient un effet neuroprotecteur important, avance le neurophysiologiste de l'équipe du docteur Catherine Heurteaux, à l'Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (IPMC-CNRS). In vitroIn vitro, aussi bien que dans les modèles animaux d'AVCAVC, il est clair qu'ils limitent la mortalité des neurones. » Or, depuis un siècle, la part totale de lipideslipides dans l'alimentation augmente, tandis que celle des oméga-3 diminue. Ces acides grasacides gras sont dits essentiels, c'est-à-dire que le corps humain ne les synthétise pas et qu'ils doivent être impérativement apportés par l'alimentation.
Ces lipides existent sous plusieurs formes. L'acide alpha-linolénique (ALA) est transformé par des enzymes (élongase et désaturase) en acide eicosapentaénoïque (EPA) et acide docosahexaénoïque (DHADHA). Ces deux derniers sont retrouvés à hautes doses chez les poissons et ont été les plus étudiés. Quant à l'ALA, quelques travaux seulement se sont focalisés dessus.
On sait par exemple qu'il augmente l'espérance de vieespérance de vie de rats souffrant d'hypertension, trouble à l'origine de 50 à 70 % des AVC. Et une augmentation de sa concentration plasmatique est corrélée à la diminution des risques de déclarer l'accident vasculaire. « Nous avons également pu montrer chez l'animal qu'en cas d'ischémie de 20 minutes, l'ALA préservait 80 % de la population neuronale quand, en temps normal, la quasi-totalité des cellules succombent. »
L'acide alpha-linolénique (ALA), dont on voit ici une représentation tridimensionnelle, est un oméga-3 avec pour formule chimique C18H30O2. On le trouve en grande quantité dans certaines huiles de graines végétales, comme le lin, le colza ou les noix. © Benjah-bmm27, Wikipédia, DP
L’ALA en guise de traitement une fois l’ischémie déclarée ?
Le vieil adage dit qu'il vaut mieux prévenir que guérir. Mais que faire une fois que le mal est fait ? « Nous avons voulu tester l'efficacité de l'oméga-3 chez des souris qui avaient déclenché un AVC suite à l'obstruction de l'artère sylvienne, impliquée dans 70 % de ces événements, reprend Nicolas Blondeau. L'ALA a donc été injecté chez ces animaux et le traitement a été efficace jusque dans les 6 heures suivant le déclenchement de l'attaque. Plusieurs administrations répétées ont permis d'aboutir à un taux de survie trois fois plus élevés après un mois. »
L'ALA dispose semble-t-il d'un atout supplémentaire par rapport aux moléculesmolécules pharmaceutiques testées dans les essais cliniquesessais cliniques. « La plupart de ces candidats médicaments agissaient à un niveau spécifique et ne se focalisaient que sur les neurones. Les oméga-3 ont un spectrespectre d'action plus large. Si des études épidémiologiques récentes suggèrent qu'ils pourraient limiter les risques de survenue de l'AVC, nos expériences précliniques montrent que par leur effet vasodilatateurvasodilatateur (jusqu'à 30 % du diamètre ex vivoex vivo) et par leur effet protecteur sur les neurones, ils permettent à une partie des cellules du cerveau de mieux supporter l'ischémie. De plus, on a aussi remarqué que l'ALA stimulait la formation de nouveaux neurones et de nouvelles synapsessynapses » conclut Nicolas Blondeau.
De ces travaux, on en retient donc que l'ALA pourrait être une molécule adaptée pour préserver (au moins partiellement) le cerveau des AVC, que ce soit en préventionprévention, en guérisonguérison, et pour la récupération. Pour l'heure, il n'existe aucun médicament sur le marché pour les AVC, mais la nature dispose de nombreuses plantes et graines dont les huiles contiennent beaucoup d'oméga-3. La population française étant déficitaire en oméga-3, il ne faut pas hésiter à en consommer régulièrement comme le recommande l'ANSES.