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Un adénovirus, entouré de sa coque protéique. © Licence Commons
Les cellules souches, capables, comme celles de l'embryon, de se transformer en n'importe quel type cellulaire, mobilisent de nombreux scientifiques dans le monde depuis des années. En médecine, elles pourraient être utilisées pour reconstituer des tissus lésés, par exemple. La solution la plus simple pour en obtenir est de les prélever sur un embryon. S'il est suffisamment jeune, composé de quelques cellules au plus, les cellules sont dites totipotentes. Complètement indifférenciées, elles sont théoriquement capables de devenir une cellule de n'importe quel tissu, épiderme, muscle ou autre, et même, toujours théoriquement, de donner un organisme complet. Prélevées plus tard, ces cellules souches embryonnaires sont dites pluripotentes et pourront se différencier en cellules d'un tissu quelconque. Mais la méthode pose bien sûr un problème éthique, le prélèvement étant, selon les pays, au mieux très encadré et au pire interdit. Dans tous les cas, elle est difficilement praticable.
Une autre solution consiste à transformer de cellules déjà spécialisées, par exemple de peau, que l'on obtient alors par simple prélèvement. On sait en effet par quels mécanismes une cellule peut être ainsi déprogrammée pour revenir quasiment au stade embryonnaire. On obtient alors une cellule souche pluripotente induite, ou CSPi, ou encore iSP (induced Plutipotent Stem cell)). Pour y parvenir, la méthode consiste à introduire des gènesgènes supplémentaires qui serviront à fabriquer quatre protéinesprotéines. Repérées en 2007 par le travail de deux équipes, l'une américaine et l'autre japonaise, elles avaient permis la transformation en cellules souches de simples cellules de peau. Jouant le rôle de facteurs de transcriptiontranscription spécifiques, ces protéines iront activer une série de gènes qui, eux, feront de la cellule une iPS.
Pour introduire les gènes des facteurs de transcription, les chercheurs utilisent des virusvirus. Les plus efficaces sont les rétrovirusrétrovirus, dont le génomegénome, constitué d'ARNARN, s'intègre dans celui de la cellule infectée après avoir été copié sous forme d'ADNADN. Ces sont aussi les plus redoutables pour l'organisme. Cette intégration, notamment, peut conduire à la formation de tumeurstumeurs, ce qui fait des rétrovirus des vecteurs dangereux pour la réalisation de cellules souches.
Konrad Hochedlinger, l'un des co-auteurs, âgé de 32 ans, a été récompensé cette année par le magazine Technology Review, émanation du MIT (Massachusetts Institute of Technology), dans la catégorie « Innovateur de moins de 35 ans ». © Harvard News Office
Des virus inoffensifs
Une équipe de l'université de Harvard (Harvard Stem Cell Institute) et une autre du Massachusetts General Hospital (Center for Regenerative Medicine) sont parvenus à utiliser des adénovirusadénovirus pour transformer des cellules fœtales de foiefoie de souris. Leurs résultats viennent d'être publiés dans Science. Moins dangereux, les adénovirus n'incorporent pas leur génome (fait d'ADN) dans celui de la cellule infectée. Ils se contentent de faire fonctionner à leur profit la machinerie chimique de la cellule pour qu'elle fabrique de nouveaux virus, dont le nombre finit par faire éclater la cellule. Nous leur devons de multiples infections, comme les pharyngitespharyngites.
L'idée que ces adénovirus puissent servir de vecteurs semblait saugrenue. Leurs gènes restant en dehors du génome de la cellule infectée, les facteurs de transcription qui auront été introduits par leur intermédiaire n'ont que peu de chance d'aller agir sur l'ADN de la cellule infectée. D'ailleurs, effectivement, ils le font très mal...
En utilisant des rétrovirus, les chercheurs parviennent à transformer environ une cellule sur mille en cellule souche, ce qui est déjà peu. Les auteurs de l'étude, eux, ne parviennent qu'à une réussite d'une iSP pour 10.000 à 100.000 cellules traitées ! Pire, il leur a fallu infecter un million de cellules pour obtenir une seule lignée stable de cellules souches.
Oui, mais ces cellules, injectées dans des embryons de souris, se sont correctement spécialisées en de nombreux types de tissus (neuronal, pulmonaire et cardiaque entre autres) et aucun des animaux n'a par la suite développé de tumeurs.
Ce résultat est d'importance. Sur le plan théorique, il démontre que l'intégration dans le génome des gènes produisant les facteurs de transcription n'est pas indispensable. Sur le plan médical, il ouvre une voie mieux sécurisée pour produire des cellules souches réparatrices.