Pour éviter le recours à des cellules embryonnaires humaines, un biologiste britannique a cherché et réussi à utiliser des ovules de vache dont le noyau a été retiré et remplacé par celui d'une cellule humaine. A la clé : une voie thérapeutique nouvelle... et un débat de société.

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    Un blastocyste, quelques jours après la fécondation. © Institute of Human Genetics/Newcastle University

    Un blastocyste, quelques jours après la fécondation. © Institute of Human Genetics/Newcastle University

    Lyle Armstrong a fait ce qu'il avait dit : construire des cellules souches humaines sans utiliser d'embryons. En novembre 2006, lui et son équipe du NESCI (North East England Stem Cell Institute), à l'université de Newcastle, avait demandé l'autorisation de mener ce projet à bien à l'autorité britannique compétente, la HFEA (Human Fertilisation and Embryology Authority). Le gouvernement avait tout d'abord refusé l'autorisation puis l'avait acceptée quelque temps plus tard et l'équipe obtient aujourd'hui ses premiers résultats.

    La voie thérapeutique des cellules souches est envisagée depuis longtemps pour soigner différentes lésions où elles viendront reconstruire, espère-t-on, un tissu disparu ou dégradé. On pense notamment aux maladies de Parkinson. Les cellules souches, en effet, sont peu ou pas différenciées. Il est possible, pour peu que l'on s'y prenne bien, de les transformer en l'un des types cellulaires qui constituent notre organisme (muscle, peau, neurones, etc.). Selon leur état de différenciation, on pourra obtenir certains types - on parle alors de cellules souches pluripotentes - ou de n'importe lequel - on les dit totipotentes -, ce qui est le cas des cellules du tout jeune embryon.

    Pour obtenir des cellules souches, la méthode techniquement la plus simple est d'utiliser des embryons humains de quelques jours, au stade dit blastocysteblastocyste, dont les cellules sont encore indifférenciées. Mais il est bien sûr délicat de s'en procurer et une telle destinée pose des problèmes éthiques. Alors pourquoi ne pas aller en chercher ailleurs ? Les études ne manquent pas pour trouver une source alternative. En juin 2007, une équipe américano-japonaise annonçait, chez la souris, l'obtention de cellules souches totipotentes (dites embryonnaires) à partir de cellules de peau.

    Une demie réussite

    L'équipe britannique, elle, a choisi une voie plus simple : des ovulesovules de vachesvaches dont le noyau a été extrait. Il ne reste donc plus de matériel génétiquematériel génétique (si ce n'est l'ADNADN des mitochondriesmitochondries, qui leur est propre). A l'intérieur, les biologistes ont glissé un noyau prélevé sur une cellule humaine et reprogrammé pour qu'il devienne similaire à celui d'un œuf et non plus celui d'une cellule de peau. La cellule est devenue un embryon, qui a survécu trois jours, jusqu'au stade à 32 cellules, ce qui est insuffisant pour en obtenir des cellules souches (l'autorisation de la HFEA impose de toute manière de ne pas conserver l'embryon au-delà de 14 jours). L'expérience n'est donc pas un succès complet mais elle représente une étape.

    Elle aura également soulevé un débat national, d'autant que Lyle Armstrong a annoncé précocement son travail à la BBC alors même que le parlement britannique discute d'une nouvelle loi sur la bioéthiquebioéthique. Un cardinal écossais, Keith Michael Patrick O'Brien, fustige le gouvernement et parle d'une « attaque monstrueuse contre les droits de l'homme ».

    Le débat s'est focalisé autour de l'idée que l'équipe a réalisé un être hybridehybride homme-vache, ce qui, exprimé ainsi, peut heurter les sensibilités et enflammer tous les fantasmes. Il ne s'agit bien sûr pas de réaliser une chimèrechimère, ce qui n'a d'ailleurs pas été fait puisque les cellules résultantes ont un génome purement humain. Mais avec cette annonce, les scientifiques de Newcastle montrent clairement ce que l'on peut obtenir, sans recours aux embryons. De quoi alimenter le débat...