Un député américain demande une enquête au ministère de la Défense au sujet d’une thèse controversée affirmant que l’épidémie de Lyme en cours aux États-Unis est liée à une expérimentation sur des armes biologiques ayant mal tourné. En France aussi, certains sont persuadés que les autorités leur cachent des choses.


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    Nouvelle thèse complotiste ou véritable scandale d'État ? La Chambre des représentants des États-Unis a approuvé le 11 juillet l'amendement d'un élu du New Jersey, Chris Smith, visant à déterminer si les États-Unis ont mené des expériences d'armes biologiques, en particulier la maladie de Lyme, à l'aide de tiques ou d'autres insectesinsectes entre 1950 et 1975. « Alors qu'on assiste à une explosion de la maladie de Lyme et d'autres maladies transmises par les tiques aux États-Unis - environ 300.000 à 437.000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année et 10 à 20 % de patients souffrant de la maladie de Lyme chronique - les Américains ont le droit de savoir si tout cela est vrai », a déclaré Chris Smith devant la Chambre des représentants. « Quels étaient les paramètres du programme ? Qui l'a commandé ? Des tiques infectées ont-elles été libérées intentionnellement ou accidentellement et à quel endroit ? » s'interroge l'élu.

    Une thèse qui s’appuie sur plusieurs livres controversés

    Chris Smith appuie notamment sa requêterequête sur le livre de Kris Newby, « Bitten : The Secret History of Lyme Disease and Biological Weapons », dans lequel cette scientifique de Stanford affirme que l'épidémie de la maladie de Lyme en cours aux États-Unis provient d'une expérience militaire ayant mal tourné. Le livre comprend notamment des entretiens avec Willy Burgdorfer, un scientifique américain d'origine suisse ayant identifié la maladie en 1982 (la borrélie, responsable de la maladie, Borrelia burgdorferiBorrelia burgdorferi, porteporte d'ailleurs son nom).

    En France, on enregistre environ 84 cas de maladie de Lyme pour 100.000 habitants, principalement dans l'est et le centre. © gabort, Fotolia
    En France, on enregistre environ 84 cas de maladie de Lyme pour 100.000 habitants, principalement dans l'est et le centre. © gabort, Fotolia

    Dans le livre, Willy Burgdorfer (décédé en 2014), explique avoir personnellement travaillé à inoculer à des insectes des maladies transmissibles à l'Homme et détenir des preuves que des tiques infectées ont été accidentellement relâchées dans des zones résidentielles. En 2004, un précédent livre (« Laboratoire 257 : la troublante histoire du laboratoire biologique gouvernemental secret de Plum Island ») avait déjà évoqué une thèse semblable, affirmant que les Américains avaient exfiltré des scientifiques de l'Allemagne nazie dans les années 1950 pour travailler sur des armes biologiques. Si le laboratoire 257 se trouve en effet à proximité de Lyme - la petite ville du Connecticut qui a donné son nom à la maladie -, rien n'indique une quelconque relation entre les recherches menées à l'époque et la découverte des premiers cas apparus 25 ans plus tard. Cette thèse est pourtant relayée y compris en France sur des sites se voulant « sérieux ». Toutes ces théories sont également alimentées par les recherches actuelles menées par la Darpa, l'Agence de recherche de l'armée américaine qui a notamment lancé, en octobre 2018, un programme baptisé Insect Allies, visant à inoculer des virus à des insectes pour modifier les caractéristiques génétiques des plantes.

    Titres alarmistes et patients en colère

    La maladie de Lyme n'est pourtant pas née aux États-Unis. Cette zoonose a été cliniquement décrite en Europe déjà au XIXe siècle. En France, le nombre de nouveaux cas diagnostiqués a atteint 67.000 cas en 2018, contre 45.000 en 2017. Mais rien à voir avec une quelconque expérimentation : cette hausse serait due aux conditions climatiques plus favorables aux tiques et à une meilleure sensibilisation des professionnels de santé. Ce qui n'empêche pas les théories du complot de fleurir chez nous aussi, comme cette Une du 14 juillet 2016 de L'Obs intitulée « Maladie de Lyme : l'épidémie qu'on vous cache » ou l'ouvrage controversé d'un médecin titré « La Vérité sur la maladie de Lyme » paru en 2017. Le président de l'association « Le droit de guérir » Matthias Lacoste dénonce même « un scandale sanitaire avec un sida bactérien que les autorités ne veulent pas voir ».

    80 % de « faux malades »

    Le problème est que le diagnosticdiagnostic de la maladie est difficile à établir. Il repose essentiellement sur la symptomatique (érythème migrantérythème migrant, puis affections chroniques comme une grande fatigue, des douleursdouleurs articulaires ou musculaires, des maux de tête ou encore des troubles nerveux), les tests sérologiquestests sérologiques ayant montré une faible valeur prédictive et n'étant pas standardisés. Ce manque de fiabilité et l'hétérogénéité des symptômessymptômes conduit de nombreuses personnes à se croire malades à tort. Selon trois études réalisées en France, jusqu’à 80 % de patients se croyant atteints par la maladie de Lyme souffrent en réalité d'une autre pathologiepathologie.