La crise économique associée aux mesures protectionnistes et aux catastrophes environnementales pourrait provoquer une hécatombe encore pire que le coronavirus, préviennent plusieurs experts. Voici pourquoi la menace couve.


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    « Nous sommes à l'aubeaube d'une pandémie de la faim », déclarait David Beasley, directeur exécutif du Programme alimentaire mondial des Nations unies, le 26 avril dernier. Alors que la pandémie de coronavirus semble marquer le pas dans la plupart des pays dans le monde, la famine est l'autre bombe qui s'apprête à exploser.

    Le 20 avril, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agricultureagriculture (FAO) dressait un bilan déjà inquiétant pour 2019, avec plus de 135 millions de personnes faisant face à une situation d'insécurité alimentaire « grave et aiguë », dont plus de la moitié vivent en Afrique. Un chiffre appelé à doubler d'ici la fin 2020 en raison de la crise du coronavirus.

    Une perte définitive de capacité de production

    Dans le milieu rural, les paysans ont très peu de moyens d'amortir le choc de la récession engendré par la mise à l'arrêt de l'économie. « Si [les personnes vulnérables] tombent malades ou se voient limitées dans leurs mouvementsmouvements ou activités, elles ne pourront pas se rendre sur leurs terres pour travailler, s'occuper de leurs animaux, aller pêcher ou accéder aux marchés pour vendre leurs produits, acheter de la nourriture, se procurer des semences ou encore de l'équipement, explique Dominique Burgeon, directeur de la Division des urgences et de la réhabilitation de la FAO. Ils peuvent être contraints de vendre leurs animaux ou à manger toutes leurs semences au lieu d'en conserver certaines pour pouvoir les replanter plus tard. Une fois passé ce cap, il est ensuite très difficile de redevenir autonome ».

    Les pays les plus dépendants pour leur alimentation. © The Economist, Twitter

    La montée du protectionnisme

    Chaque année les échanges de riz, soja, maïs et bléblé permettent de nourrir 2,8 milliards de personnes dans le monde. Mais, face à l'insécurité sanitaire et économique, la tentation protectionniste revient au galop. En mars, le Kazakhstan, 8e producteur mondial de blé, a décidé l'interdiction des exportations, imité par la Russie et le Vietnam, qui a suspendu ses expéditions de riz durant plusieurs semaines. Des mesures qui privent les pays dépendants de nourriture essentielle à leur survie et font grimper les prix, augmentant de fait leur difficulté à s'approvisionner. « Lors de la crise financière de 2008-2011, les gouvernements ont décrété 85 restrictions à l'exportation sur les denrées alimentaires. Des études ont montré que ces décisions ont fait grimper les prix mondiaux de 13 % supplémentaires en moyenne et même de 45 % pour le riz », note la Banque mondiale.

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    D’énormes quantités de nourriture jetées à la poubelle

    « Aujourd'hui, nous n'avons pas de problème de production mais un problème d'accès à la nourriture », résume Martin Cole, spécialiste de l'agriculture à l'Université d'Adelaide (Australie) sur le site New Scientist. Les récoltes mondiales de riz et de blé sont paradoxalement à un niveau historique et les États-Unis, premier exportateur de viande, ont vu leur cheptel porcin atteindre un record. Sauf qu'avec la rupture des chaînes d'approvisionnement et l'étranglement du trafic routier, cette surproduction est tout simplement jetée à la poubelle plutôt que consommée. Aux États-Unis, 10.000 à 14.000 tonnes de lait sont jetées quotidiennement. Au Nigéria, la fermeture des commerces et des restaurants a conduit les producteurs à détruire des milliers d'œufs et en Europe, les pommes de terrepommes de terre pourrissent dans les champs.

    Face au manque de débouchés, les producteurs de lait jettent des milliers de litres de lait. © Nikki Boxler, Twitter

    À tout cela, viennent s'ajouter des catastrophes conjoncturelles. L'Afrique de l'Est est confrontée à une invasion de criquets jamais vue depuis 30 ans, alors que la région compte déjà 20 millions de personnes en état de crise alimentaire. La Pologne et l'Europe centrale se préparent à « l'une des pires sécheressessécheresses depuis plus de 100 ans », rapporte le site Le Courrier d’Europe Centrale.

    Confinement, fermeture des frontières, constitution de stocks de sécurité... Autant de mesures adoptées dans l'urgence par les gouvernements et qui risquent d'enclencher un nombre de morts encore plus élevé que le virusvirus lui-même.