Pourra-t-on un jour démontrer l'échange d'une énergie psychique entre deux personnes ? Des progrès considérables ont été accomplis dans la compréhension de ce mystérieux cerveau mais est-il permis d'espérer pouvoir lire un jour dans les pensées de quelqu'un ? Autrement dit, où en sont les recherches sur la télépathie ?


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    The ConversationCommuniquer par la pensée est chose courante chez les X-Men du Professeur Xavier. Cette capacité psychique a toujours fasciné les auteurs de science-fiction, mais saviez-vous que les scientifiques se sont également intéressés à la question ? Hans Berger, un psychiatre allemand du début du XXe siècle, était convaincu que la télépathie était possible et voulait en découvrir les fondements biologiques. Dans sa quête, il a mis au point une technique d'enregistrement des signaux électriques de l'ensemble du cerveau humain : l’électroencéphalographie. Il n'a, par contre, jamais réussi à démontrer l'existence d'une énergieénergie psychique qui s'échangerait entre deux humains...

    Qu'en est-il aujourd'hui ? Depuis son invention, l'EEGEEG a ouvert de nouvelles fenêtresfenêtres sur le fonctionnement mystérieux du cerveau. Cette technique nous permet-elle cependant de lire dans les pensées ? La réponse est... pas vraiment ; en tout cas, pas comme dans les films de science-fiction ! Les neuroscientifiques s'intéressent à la cognition, c'est-à-dire aux processus mentaux comme les pensées, le raisonnement, la mémoire ou la manière dont on perçoit le monde. Enregistrer l'activité cérébrale permet de comprendre certains mécanismes de la cognition, mais de manière très cadrée et limitée.

    Pour comprendre, il faut revenir à ce qui est mesuré par EEG : des électrodesélectrodes, placées sur la tête, captent le champ électriquechamp électrique créé par des centaines de milliers de neurones à la fois. Le signal EEG ainsi enregistré montre souvent des fluctuations d'activité. En 1924, Hans Berger a été le premier à observer que l’activité EEG pouvait varier de manière cyclique, augmentant puis diminuant toutes les 100 millisecondes. Il a appelé ce phénomène les oscillations alpha. Il remarque que ces oscillations sont plus amples lorsque les participants ferment les yeux, ce qui suggère un lien entre ces oscillations cérébrales et un comportement humain (fermer les yeux) et donc de potentiels processus mentaux (le traitement de l'information visuelle par exemple).

    Session d’enregistrement EEG dans les années 1960 par le professeur Léonide Goldstein. En dessous, on peut voir un des premiers tracés EEG historiques de Hans Berger (1929), qui révèlent des oscillations autour de 10 Hz, appelées oscillations alpha. © Pierre Etevenon, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0
    Session d’enregistrement EEG dans les années 1960 par le professeur Léonide Goldstein. En dessous, on peut voir un des premiers tracés EEG historiques de Hans Berger (1929), qui révèlent des oscillations autour de 10 Hz, appelées oscillations alpha. © Pierre Etevenon, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    Toutefois, dans les années 1940, les oscillations alpha ont été plutôt considérées comme des marqueurs du cerveau lorsqu'il est au repos, ce qui a mené certains chercheurs à penser qu'elles n'impactent pas vraiment la naissance des pensées. La question des scientifiques de l'époque devient ainsi la suivante : les oscillations cérébrales jouent-elles un rôle direct dans la cognition ?

    Les ondes alpha : la clé pour lire dans les pensées ?

    La science avançant, 50 ans d'accumulation de preuves expérimentales soutiennent l'hypothèse que les oscillations cérébrales organisent l'activité neuronale et déterminent certains de nos processus cognitifs. Les oscillations alpha ne sont plus considérées comme un rythme du cerveau au repos mais comme un marqueur d’excitabilité neuronale : à fréquence constante, plus les oscillations présentent une activité électrique importante, moins les neurones sont susceptibles de réagir.

    Cela signifie que, lorsque le signal EEG oscille fortement toutes les 100 ms, les neurones communiquent plus difficilement entre eux et transmettent donc moins d'informations. Ce mécanisme neurophysiologique a des conséquences sur l'esprit : les oscillations alpha ont un impact sur de nombreuses capacités cognitives comme la perception de signaux auditifs ou visuels ou encore l'attention.

    Imaginez-vous en train de scruter le centre de votre écran. Des flashsflashs lumineux de très faible intensité apparaissent de temps en temps sur la partie droite de l'écran : vous y focalisez donc votre attention pour les détecter. Dans ce cas, on observe une diminution des oscillations alpha dans le cortex visuel qui traite l'information de la partie droite du champ visuelchamp visuel (figure ci-dessous).

    Les neurones sont donc prêts à réagir à ce qui s'y passe. Au contraire, le cortex qui traite l'information du champ visuel gauche est inhibé par une augmentation des oscillations alpha. Vous ne serez pas perturbé par ce qui se passe à gauche de l'écran. Ce double phénomène permet de détecter plus facilement des flashs brefs. Il existe donc un lien entre le signal mesuré par EEG, et les oscillations qu'on peut y détecter, et nos pensées et perceptions sensorielles.

    L’amplitude des oscillations alpha dans le cortex visuel est modulée par l’attention spatiale. Le cortex occipital (visuel) gauche traite l’information du champ visuel droit (flèche bleue). Lorsque la personne porte attention à ce qui se passe à droite (à l’endroit indiqué par la flèche jaune) tout en fixant son regard au centre de l’écran, on observe une diminution des oscillations alpha dans le cortex occipital gauche. L’amplitude des oscillations dans le cortex occipital droit, qui traite l’information du champ visuel auquel on ne prête pas attention, augmente (en rouge). La situation est inversée lorsque la personne porte son attention sur la gauche de l’écran. © Laetitia Grabot
    L’amplitude des oscillations alpha dans le cortex visuel est modulée par l’attention spatiale. Le cortex occipital (visuel) gauche traite l’information du champ visuel droit (flèche bleue). Lorsque la personne porte attention à ce qui se passe à droite (à l’endroit indiqué par la flèche jaune) tout en fixant son regard au centre de l’écran, on observe une diminution des oscillations alpha dans le cortex occipital gauche. L’amplitude des oscillations dans le cortex occipital droit, qui traite l’information du champ visuel auquel on ne prête pas attention, augmente (en rouge). La situation est inversée lorsque la personne porte son attention sur la gauche de l’écran. © Laetitia Grabot

    Comme on vient de le voir, les neuroscientifiques sont capables d'extraire d'un enregistrement EEG des informations sur l'état attentionnel d'une personne et ce qu'elle perçoit. Cependant ces informations ne sont pas visibles à l'œilœil nu, et le signal EEG doit passer par plusieurs étapes d'analyse pour être interprétable. Il faut d'abord nettoyer le signal en retirant notamment le bruit électrique créé par les mouvementsmouvements de la personne, les battements du cœur, et les machines environnantes. Différentes techniques de traitement du signal sont ensuite appliquées pour isoler les oscillations alpha du reste du signal, par exemple.

    Que mesure-t-on vraiment avec un EEG ?

    Plus important encore, on ne peut pas extraire le contenu de la pensée d'une personne grâce à un unique échantillon d'enregistrements EEG : il faut plusieurs répétitions. Le contenu d'un signal EEG est très riche et reflète potentiellement tout ce qu'il se passe dans la tête d'une personne au moment de son enregistrement : son implication dans une tâche attentionnelle par exemple, mais également des pensées parasitesparasites sur son repas du soir, sur la sensation du bonnet EEG sur sa tête, ou sur l'ennui qui commence à poindre...

    L'astuce utilisée par les neuroscientifiques est de répéter de nombreuses fois (des centaines habituellement !) la tâche à effectuer : pendant une heure, le participant à une expérience de recherche devra, par exemple, détecter de faibles flashs de lumièrelumière présentés sur un écran. Le scientifique fera ensuite la moyenne du signal obtenu pour toutes ces répétitions dans l'espoir d'identifier le processus commun qui devrait être celui à l'œuvre dans la tâche. Nous sommes donc encore loin de la lecture des pensées à partir d'un seul enregistrement EEG de quelques minutes...

    Chaque expérience menée en neurosciences cognitives est très cadrée et vise à répondre à une question précise. L'information que l'on en retire sera nécessairement très spécifique. Dans l'exemple précédent, on peut seulement prédire grâce au signal EEG si la personne va percevoir un flash ou pas. Mais on ne déduira rien sur son repas du soir ou toutes autres pensées l'ayant traversé... Souvent, seule une petite partie du signal cérébral que l'on enregistre explique le comportement qu'on étudie.

    Les résultats d'une seule étude ne sont pas non plus facilement transférables à la vie quotidienne : on passe rarement des heures à détecter des flashs sur des écrans, mais il faudra par exemple prêter attention au feufeu qui passe au rouge, tout en gardant un œil sur le rétroviseur et les piétons sur le trottoir. De multiples processus vont donc interagir et participer à la richesse de l'activité cérébrale que les neuroscientifiques s'efforcent de décoder. L'EEG est un puissant outil pour parvenir à ces fins, mais ne mettra pas de sitôt à la retraite la machine Cerebro.