Bien que les araignées soient souvent considérées comme des perdantes en ce qui concerne l'affection que leur portent les humains, elles ont en réalité de nombreux avantages sur d'autres plans. En tant que chasseuses expertes, elles possèdent plusieurs yeux, mais leur vision peut souvent être floue. Comment les araignées perçoivent-elles leur environnement alors ?


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    Si vous les avez en horreur, vous savez ce que l'on dit : mieux vaut connaître son ennemi ! Sinon, pourquoi ne pas simplement en apprendre un peu plus sur les outils qu'ont à leur disposition ces êtres si différents pour naviguer dans le monde que nous partageons ? Il sera question d'aborder les organes sensoriels qui donnent aux araignées différents « sens », dont certains ne nous sont pas très familiers. Dans ce domaine, lorsqu'un élément extérieur active des cellules qui lui sont sensibles, on appelle ça un stimulus (au pluriel : stimuli). Par exemple, lire cet article revient à interpréter tout un lot de stimuli visuels captés par vos yeux !

    Même s'ils ne sont pas les seuls que possède l'être humain, les 5 sens auxquels nous sommes habitués, ne se transposent pas exactement chez les araignées, car leurs organes sensoriels sont bien différents des nôtres. Beaucoup sont des sortes de poils, appelés soies, situés aux extrémités de leur corps afin d'être orientés de façon à correctement déterminer la direction d'où provient le stimulus. Directement attachés près de la bouche des arachnides, on peut voir deux appendices articulés qui remplissent très bien cette fonction, les pédipalpes. Ils ressemblent peut-être à des pattes, mais ne supportent généralement pas le poids du corps et portent tout un arsenal d'organes et de poils sensibles à différents stimuli !

    Ce schéma anatomique montre les différents organes et structures de l’araignée, on y voit bien la division du corps en deux parties appelées tagmes. Le céphalothorax (ou prosome) qui est à l’avant porte les pattes (invisibles sur ce schéma) et comprend la plupart des organes sensoriels, l’abdomen (ou opisthosome) est à l’arrière. Les pédipalpes sont visibles à l’avant, près des crochets. © John Henry Comstock (original), traduction Berru, <em>Wikimedia Commons</em>
    Ce schéma anatomique montre les différents organes et structures de l’araignée, on y voit bien la division du corps en deux parties appelées tagmes. Le céphalothorax (ou prosome) qui est à l’avant porte les pattes (invisibles sur ce schéma) et comprend la plupart des organes sensoriels, l’abdomen (ou opisthosome) est à l’arrière. Les pédipalpes sont visibles à l’avant, près des crochets. © John Henry Comstock (original), traduction Berru, Wikimedia Commons

    Avoir de nombreux yeux ne garantit pas une bonne vision…

    La plupart des arachnides ont une vue peu développée par rapport à d'autres de leurs sens, malgré leurs nombreux yeux. Effectivement, ils possèdent deux types d'organes dédiés à la vision : une paire d'yeuxyeux médians utilisée pour discerner les objets, et plusieurs organes appelés « ocelles », qui détectent finement les changements de luminositéluminosité et sont placés sur les côtés de leur corps. C'est pour cela que l'on a l'impression qu'une araignée peut voir derrière elle, ce n'est pas tout à fait faux puisqu'elle arrive la plupart du temps à détecter un mouvementmouvement grâce à ces « yeux » rudimentaires. 

    Bien souvent, la vue n'est utilisée chez les araignées que pour se rapprocher (phototaxie positive) ou s'éloigner (phototaxie négative) de la lumièrelumière, mais certaines font exception. Les Salticidae (araignées sauteuses) et les Deinopidae, qui chassent activement leurs proies, utilisent majoritairement leur sens de la vue pour s'orienter, se déplacer, chasser et faire la cour. On le comprend aisément en mesurant la taille de leurs yeux médians par rapport à leur corps !

    Les araignées, contrairement aux insectes ou aux crustacés, n'ont pas d'yeux composés. Elles en ont typiquement huit, mais certaines en ont moins, généralement disposés en deux rangs, antérieur et postérieur. La plupart ont des yeux qui réfléchissent la lumière, mais pas les araignées sauteuses. © Thomas Shahan, Flickr, CC by-nc-nd 2.0
    Les araignées, contrairement aux insectes ou aux crustacés, n'ont pas d'yeux composés. Elles en ont typiquement huit, mais certaines en ont moins, généralement disposés en deux rangs, antérieur et postérieur. La plupart ont des yeux qui réfléchissent la lumière, mais pas les araignées sauteuses. © Thomas Shahan, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    Et l'absence d'oreilles n'empêche pas d'entendre

    Les Deinopidae justement, font partie des araignées qui entendent plutôt bien. Elles sont, comme beaucoup d'autres arachnides, recouvertes de poils rigides, les trichobothries. Celles-ci sont mobilesmobiles et ne s'articulent que selon un seul plan, si bien que lorsqu'elles bougent sous l'action d'un courant d'airair, l'araignée sait exactement dans quelle direction celui-ci souffle. Sur leurs pattes, les Deinopidae portent des trichobothries si sensibles qu'elles leur permettent de capter les basses fréquences, et ainsi d'entendre à au moins 2 mètres de distance ! Impressionnant pour cette petite bête. 

    Les araignées se déplacent à tâtons 

    D'autres soies sont aussi très utiles aux araignées, celles qui détectent quand elles touchent ou frottent une surface, on dit qu'elles sont mécanoréceptrices. En fait, nos propres poils réagissent aussi aux stimuli mécaniques, mais contrairement à nous les araignées s'en servent massivement, pour comprendre où elles s'engagent la nuit par exemple. Ces soies flexibles sont situées sur tout leur corps mais sont concentrées à leurs extrémités.

    L'extrémité de la patte d'une mygale. Son coussinet est recouvert d'une myriade de poils sensibles aux signaux chimiques avec lesquelles elle « goûte » son environnement. © Jan A. Neethling, 2015
    L'extrémité de la patte d'une mygale. Son coussinet est recouvert d'une myriade de poils sensibles aux signaux chimiques avec lesquelles elle « goûte » son environnement. © Jan A. Neethling, 2015

    Les araignées ont décidément beaucoup de poils différents. Cette fois, ils leur servent à « goûter » (ou bien « sentir » ?) l'environnement dans lequel elles se déplacent, en captant les composés chimiques par leurs pores, comme des phéromones sexuelles. Ils sont situés sur les appendices que les araignées utilisent pour avancer et analyser les alentours, comme leurs pédipalpes et les extrémités de leurs pattes. Imaginez, pouvoir sentir le goût de ce que vous touchez avec vos doigts...

    Des perceptions qui ne font pas grand sens

    Nos chères amies velues ont aussi accès à un monde de sensations qui nous sont inconnues. La détection fine des vibrationsvibrations est peut-être le sens le plus important d'entre tous pour la vaste majorité des araignées, celles qui tissent une toile. Comme l'explique Markus Buehler, chercheur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), « elles sentent le monde à travers les vibrations qui se produisent, par exemple, lorsqu'elles tirent un brin de soie pendant la constructionconstruction de leur toile ou lorsqu'une mouche s'y retrouve piégée ».

    L'organe lyriforme des araignées, ici observé au microscope électronique. Ces fentes détectent l'infime déformation de la cuticule provoquée par les vibrations de la toile, elles parsèment le corps de l'araignée mais sont regroupées comme sur cette image principalement au niveau des articulations des pattes. © F.G. Barth, 2004
    L'organe lyriforme des araignées, ici observé au microscope électronique. Ces fentes détectent l'infime déformation de la cuticule provoquée par les vibrations de la toile, elles parsèment le corps de l'araignée mais sont regroupées comme sur cette image principalement au niveau des articulations des pattes. © F.G. Barth, 2004

    Ce sens primordial est possible grâce aux organes lyriformes, qui sont particulièrement nombreux sur les pattes locomotrices des araignées. Les araignées peuvent distinguer différents types de vibrations, et même déterminer quelle proie s'est empêtrée sur leur toile ! Cela les prépare à ce qu'elles vont rencontrer et elles peuvent ainsi éviter de s'attaquer à plus dangereux qu'elles. Les mâles utilisent aussi ce moyen pour s'annoncer lorsqu'ils s'aventurent sur la toile d'une femelle qu'ils comptent courtiser, afin de ne pas finir dévoré avant d'avoir pu se présenter. Enfin, les araignées peuvent aussi ressentir l'humidité de l'air. Cela n'a rien à voir avec notre capacité limitée à percevoir cette humidité avec notre peau, imaginez plutôt que vous puissiez sentir l'humidité comme une odeur ou un goût, plus ou moins prononcé.

    Voir aussi

    Partez à la découverte d'un animal sur Bêtes de sciences, le podcast de Futura