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La mastication est utilisée pour couper ou déchirer la nourriture présente dans la cavité buccale, à l'aide de dents. Elle serait principalement employée par les mammifères. Il n'en fallait pas plus à certains scientifiques pour affirmer que seuls des animaux présentant un métabolismemétabolisme élevé, et donc des organismes à sang chaud, pouvaient exploiter une telle méthode. Il semble maintenant qu'ils aient été un peu vite en besogne. Un reptile néozélandais, le tuatara, effectue lui aussi des mouvementsmouvements de mastication particulièrement complexes.
La plupart des reptiles se contentent d'avaler leurs proies entières, à l'image des serpents, ou après les avoir brisées ou déchiquetées par de nombreuses morsures. Le tuatara peut quant à lui prendre sa proie en bouche et la découper en morceaux, un peu comme s'il utilisait des couteaux à viande. C'est ce que révèle une nouvelle étude publiée par Marc Jones de l'University College of London dans la revue Anatomical Record.
Présentation des mouvements de mastication du tuatara par Marc Jones (en anglais). Les mouvements réalisés par les mâchoires durant l'ingestion de la nourriture sont visibles à partir de la 26e seconde. © UCLTV, Youtube
La mâchoire du tuatara ne manque pas de tranchant
Le tuatara, du genre sphénodon, est le seul survivant d'un groupe pourtant largement répandu du temps des dinosaures. Cet animal est endémiqueendémique de la Nouvelle-Zélande et vit actuellement sur 35 petites îles. Autant dire qu'il est protégé... et qu'il est donc particulièrement difficile de l'étudier, surtout pour des études morphoanatomiques, invasives voire impliquant de sacrifier l'animal. Mais comment faire alors pour observer sa mastication sous tous les angles ?
Les chercheurs ont utilisé plusieurs spécimens morts et ont virtuellement reconstruit les os du crânecrâne grâce à des clichés pris par tomographietomographie assistée par ordinateurordinateur. ces images ont ensuite été assemblées pour créer un modèle informatique musculosquelettique du crâne et de la mâchoire en trois dimensions. À partir de données anatomiques, par exemple de la forme des articulationsarticulations, un logiciellogiciel d'ordinaire utilisé en ingénierie a recréé les mouvements que doivent effectuer les tuataras lorsqu'ils s'alimentent.
Une fois la nourriture en bouche, la mâchoire inférieure, qui a au préalable effectué un mouvement de recul, remonte et vient s'insérer entre deux autres rangées de dents portées par la mâchoire supérieure. Elle effectue alors un déplacement vers l'avant de quelques millimètres, découpant ou déchirant ainsi les mets coincés par les dents de la mâchoire supérieure. Le mouvement peut être répété à plusieurs reprises, le temps de faire descendre la nourriture vers le fond de la gueule. Par ailleurs, chaque demi-mâchoire inférieure (gauche et droite) réalise un mouvement de rotation lors de sa remontée, améliorant l'efficacité du processus. Ces structures ne sont donc pas fusionnées sur le devant comme chez les mammifères.
Ces deux rangées de dents de la mâchoire supérieure accueillent entre elles les dents de la mâchoire inférieure lorsque celle-ci est remontée. La nourriture est bloquée. Le mouvement de la mandibule vers l'avant se charge alors de la découper. © Adapté de Jones et al. 2012, Anatomical Record
Une spécialisation plus fréquente du temps des dinosaures
Cette spécialisation du mécanisme d'alimentation expliquerait la grande variété de proies dont peuvent se repaître ces reptiles. Leur régime alimentaire se compose de scarabées, d'araignées, de crickets, d'autres lézards et parfois... d'oiseaux marins. Des volatiles ont en effet déjà été trouvés décapités à proximité de tuataras, mais les témoignages ne sont pas forcément fiables à ce sujet et aucun de ces reptiles n'a été observé en train d'attaquer un oiseauoiseau.
Ce type de mâchoire spécialisée et le mode de mastication qui lui est associée n'est observé à ce jour que chez les sphénodons, mais il aurait connu plus de succès voici 160 millions d'années d'après des fossiles d’animaux apparentés aux Tuatara découverts en Europe et au Mexique. Cette étude souligne bien que des organismes à sang froid peuvent également effectuer des mouvements complexes de mastication.