Au fond de sa gorge, la murène dispose d’une redoutable seconde mâchoire qui entraîne ses proies vers le tube digestif. Elle a été observée en action grâce à des caméras ultrarapides et aux rayons X. Attention, âmes sensibles, passez votre chemin…

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    Gymnothorax flavimarginatus, murène à tâches noires (ou à liseré jaune, ou à bord jaune), commune à Hawaï. © R. Mehta

    Gymnothorax flavimarginatus, murène à tâches noires (ou à liseré jaune, ou à bord jaune), commune à Hawaï. © R. Mehta

    Tapie dans son trou, elle se fait respecter des plongeurs comme des poissons qui craignent sa gueule de cauchemar. Mais la réalité est pire encore : la murène a deux mâchoires ! L'aspect évoque furieusement le monstre du film Alien au détail près, tout de même, que la murène n'est pas capable de projeter vers l'extérieur sa dentition cachée.

    Pourtant, expliquent Rita Mehta et Peter Wainwright (Université de Californie, Davis) dans un article publié dans Nature, ce poisson peut déplacer cette mâchoire interne d'avant en arrière sur toute la longueur de sa - vaste - bouche. Bien d'autres de ses congénères téléostéens possèdent des dents fixées sur le pharynxpharynx mais elles sont fixes.

    Aux rayons X, la mâchoire pharyngienne en action. Jamais on ne l’avait vue ! © R. Mehta, C. Stafford
    Aux rayons X, la mâchoire pharyngienne en action. Jamais on ne l’avait vue ! © R. Mehta, C. Stafford

    Pour leur démonstration, les deux biologistes ont utilisé une série de caméras ultrarapides pour analyser le mouvementmouvement de la tête pendant la saisie d'une proie. Il en résulte une vidéo assez saisissante... La murène de l'expérience (Muraena retifera) a également été photographiée aux rayons Xrayons X pour déterminer la position de cette mâchoire pharyngienne coulissante.

    Parce qu’elle ne peut pas gober…

    Le résultat est probant et les biologistes expliquent la raison d'être de la double morsure. Alors que beaucoup de poissons gobent leurs proies en les aspirant, la murène, au corps allongé et étroitement coincé dans son anfractuosité rocheuse, ne peut guère pratiquer ce sport (la spécialité de Rita Mehta est justement le comportement de prise de nourriture chez les vertébrés au corps allongé).

    Rita Mehta au travail, à Palau (Micronésie). © R. Mehta

    Rita Mehta au travail, à Palau (Micronésie). © R. Mehta

    Pour la murène, la solution consiste à tout d'abord saisir sa proie avec sa première mâchoire puis à avancer sa dentition mobilemobile pour l'agripper à l'intérieur de la bouche et la tirer vers l'arrière. Très efficace, la méthode ne réclame que moins d'une seconde pour engloutir une petite proie.

    Reste à démontrer combien de murènes possèdent cette mâchoire pharyngienne. Sous ce nom existent en effet près de 200 espèces réparties en une douzaine de genres. Par précaution, quelle que soit l'espèce rencontrée lors de vos balades sous-marines, continuez à éviter de leur caresser le museau...