Tout comme les continents, les océans et son atmosphère, l'intérieur de la Terre évolue. Pour cette raison, les géologues pensaient que depuis environ 2,5 milliards d'années, certaines laves appelées komatiites n'étaient plus crachées par des volcans. Une équipe vient pourtant d'en trouver, âgées d'environ 90 millions d'années seulement. Une découverte qui suggère qu'elles pourraient encore couler aujourd'hui.

au sommaire


    La Terre est une usine chimique qui a engendré une grande variété de roches et bien sûr la vie elle-même. Comme toutes les usines chimiques, c'est aussi une machine thermique et les principes de la thermodynamiquethermodynamique imposent donc qu'elle ait une histoire thermique. Celle-ci commence avec un formidable réservoir de chaleurchaleur constitué en partie par l'accrétionaccrétion de la matièrematière lors de sa formation et qui provient également d'un stock d'éléments radioactifs (surtout le potassiumpotassium, le thoriumthorium et l'uraniumuranium) donc certains sont dus à l'explosion de Coatlicue, l'étoile mère du Soleil.

    Ces éléments continuent à fournir de la chaleur à la Planète bleuePlanète bleue mais celle-ci ne s'en refroidit pas moins et nous savons donc que son manteaumanteau devait être plus chaud pendant l'Hadéen et aussi, bien sûr, durant l'Archéen, l'éon qui lui a succédé il y a 4 milliards d'années pour prendre fin il y a 2,5 milliards d'années. Les mouvementsmouvements de convectionconvection devaient y être plus intenses pendant ces premiers milliards d'années et cela pose des questions sur la date du démarrage de la tectonique des plaques et surtout sur sa nature. Les chercheurs pensent que les plaques devaient être plus petites, plus nombreuses et animées de mouvements de dérive plus rapides que ceux mesurés avec les continents aujourd'hui.

    Un échantillon de komatiite trouvé au Canada dans la ceinture des roches vertes de l'Abitibi. On voit bien la texture caractéristique appelée Spinifex. © Ryan Anderson

    Un échantillon de komatiite trouvé au Canada dans la ceinture des roches vertes de l'Abitibi. On voit bien la texture caractéristique appelée Spinifex. © Ryan Anderson

    Les komatiites, des laves caractéristiques de l’Archéen

    Ce qui est certain par contre c'est que des laves particulières et plus chaudes coulaient pendant l'Archéen. En se refroidissant, elles ont donné des roches ultramafiques à olivine et pyroxènepyroxène que l'on appelle des komatiites (du nom de la rivière Komati, en Afrique du Sud, où elles sont bien visibles ce qui a permis leur identification à la fin des années 1960). Elles intéressent non seulement les géologuesgéologues, car elles sont souvent associées à d'importants gisementsgisements de nickelnickel, mais aussi les astrobiologistes. Elles sont identifiées facilement parce qu'elles cristallisent vite en donnant des olivines avec une texturetexture dendriforme caractéristique appelée texture spinifex (les minérauxminéraux sont en forme de baguettes).

    Les laves qui les ont produites étaient vraiment chaudes et quand elles faisaient éruption en surface, elles devaient avoir des températures comprises entre 1.600 et 1.650 °C alors que les basaltesbasaltes actuels n'atteignent que des températures comprises entrer 1.250 à 1.350 °C. Les coulées devaient être également particulièrement fluides et devaient faire penser à celles que l'on peut observer de nos jours à Hawaï. Sauf qu'au lieu d'être jaune-orange, elles devaient être littéralement chauffées à blanc. Dans les deux cas, les géologues pensent qu'elles sont associées à des points chauds et proviennent donc des régions profondes du manteau.


    Le volcanisme d'Hawaï est celui de point chaud avec du magma qui remonte de régions profondes dans le manteau de la Terre. Très fluides et très chaudes, les laves en surface nous donnent un aperçu des coulées de komatiites de l'Archéen qui devaient être blanches en raison de leurs températures très élevées. © Big Island Flow

    Les laves les plus chaudes depuis 2,5 milliards d’années

    Les komatiites deviennent très rares juste après la fin de l'Archéen et on pouvait donc penser qu'elles faisaient partie du passé ancien de la Terre. Mais visiblement il n'en est rien comme vient de le prouver une équipe internationale de spécialistes en géosciences qui vient de publier à ce sujet un article dans Nature Geoscience.

    Ainsi, deux chercheurs de l'Institut des sciences de la Terre à Grenoble, Valentina Batanova et Alexander Sobolev, ont-ils démontré avec leurs collègues que certaines komatiites trouvés dans la province magmatique des Caraïbes et faisant partie des laves de la Suite Tortugal au Costa Rica, se sont mises en place à la suite d'éruptions qui ont eu lieu il y a seulement 90 millions d'années environ. Remarquablement, ces komatiites contiennent une concentration élevée de magnésiummagnésium, aussi haute que celles de l'Archéen. Avec un âge aussi jeune, cela conduit donc à penser qu'il existe encore des régions du manteau de la Terre qui sont restées dans un état proche de celui qui régnait au cours de cet éon et qu'un panache de magmamagma a fait en partie remonter en surface.

    La concentration en magnésium est d'autant plus élevée dans les basaltes et les komatiites qu'ils proviennent de laves à haute température. Dans le cas présent, cela a été confirmé par la détermination, à l'aide d'une microsonde électronique, des concentrations d'éléments en trace qui constituent des géothermomètres, en particulier de celle de l'aluminiumaluminium dans l'olivine. Une température de l'ordre de 1.600 °C a ainsi été estimée ce qui correspond à plus de 1.750 °C à une profondeur de 200 km.

    Ces températures sont les plus élevées déterminées à ce jour pour des laves qui ont fait éruption il y a moins de 2,5 milliards d'années. Il est ainsi permis de penser que notre Planète est encore capable d'en produire, ce qui donnerait certainement lieu à des éruptions inédites et spectaculaires de mémoire de volcanologuesvolcanologues.