Certaines hypothèses suggèrent que la vie serait apparue au fond des océans au niveau des sources hydrothermales. Les bactéries qu’on y observe actuellement se basent sur la méthanogenèse, un processus qui libère de l’énergie si les conditions du milieu sont chimiquement favorables.


au sommaire


    Les sources hydrothermales présentes sur le fond océanique, souvent référencées sous le nom de « fumeurs » noirs ou blancs, sont connues pour abriter une vie microbienne importante. Véritables oasis de vie situées à plusieurs kilomètres sous la surface de l'eau, ces évents fournissent chaleurchaleur, minérauxminéraux et gazgaz dissous qui permettent à de nombreuses communautés de micro-organismesmicro-organismes de se développer. Ces sites hydrothermaux sont d'ailleurs suspectés d’être le berceau de la vie sur Terre.

    La méthanogenèse pour la synthèse de composants organiques

    Les conditions sont pourtant loin d'être accueillantes, suivant nos normes, forçant les micro-organismes à se développer sur la base de réactions chimiquesréactions chimiques bien différentes. En effet, les organismes vivant dans les conditions oxygénées qui règnent à la surface se développent en synthétisant la biomasse, qui est un processus consommant de l'énergieénergie. À l'inverse, les bactériesbactéries thermophiles vivant au niveau des sources hydrothermales synthétisent leurs composants organiques à partir de matériaux inorganiques via le processus de méthanogenèse : le dioxyde de carbone et l'hydrogènehydrogène présents dans l'eau réagissent pour former du méthane et des moléculesmolécules d'eau. Cette réaction est dite réductrice et la formation de méthane s'accompagne ici d'une production d'énergie.

    Une nouvelle étude s'est donc intéressée à ce processus mis en œuvre dans les profondeurs océaniques, au niveau des sources hydrothermales. Un point important pour tenter de résoudre la question cruciale de l'origine de la vie sur Terre. Les chercheurs ont ainsi étudié un champ d'évents hydrothermaux nommé Rainbow, situé sur la dorsale médio-Atlantique, ainsi que le site EndeavourEndeavour localisé au niveau de la dorsale Juan de Fuca dans le Pacifique. Les deux zones d'études ont été choisies pour leur différence majeure au niveau de la composition de la croûte océanique sur laquelle elles sont positionnées : Raindow, dans l'Atlantique, est caractérisé par un socle majoritairement composé de roches ultra-mafiques, comme les péridotites serpentinisées, alors qu'Endeavour dans le Pacifique, repose sur un socle basaltique (roches mafiques). Au niveau de ces évents vivent des communautés de micro-organismes unicellulaires, notamment les Methanocaldococcus jannaschii. Les chercheurs ont ainsi analysé les protéines et les acides aminés produits par ces micro-organismes par le biais des réactions de méthanogenèse sur chacun des deux sites et ont comparé les résultats.

    La vie foisonne autour des évents hydrothermaux du site Rainbow. © Submarine Ring of Fire 2006 Exploration, NOAA Vents Program, Wikimedia Commons, domaine public
    La vie foisonne autour des évents hydrothermaux du site Rainbow. © Submarine Ring of Fire 2006 Exploration, NOAA Vents Program, Wikimedia Commons, domaine public

    Les sites hydrothermaux localisés sur une croûte ultra-mafique, plus favorables au développement microbien ?

    Leur étude, publiée dans la revue Journal of Geophysical Research : Biogeosciences, montre que la méthanogenèse est liée à la présence d'importants déséquilibres chimiques qui résultent du mélange entre les fluides hydrothermaux et l'eau de mer. En effet, avant de sortir au niveau du fond océanique, les fluides hydrothermaux voyagent profondément à l'intérieur de la croûte océaniquecroûte océanique. La proximité des dorsales induisant un fort gradientgradient de température, les fluides se réchauffent au contact des roches, ce qui favorise les échanges chimiques avec l'encaissant. Si le fluide, qui est à la base de l'eau de mer, perd certains éléments chimiqueséléments chimiques, il va également en gagner, au point que sa composition chimique à sa sortie des évents sera très différente de celle de l'eau de mer. Sa composition sera d'ailleurs largement dépendante de la composition des roches traversées. Ces fluides, chargés en minéraux et en gaz dissous, vont réagir avec l'eau dès leur sortie.

    L'équipe de scientifiques a ainsi découvert que pour les systèmes hydrothermaux reposant sur une croûte ultra-mafique, comme c'est le cas du site Rainbow dans l'Atlantique, la synthèse des protéinesprotéines libère de l'énergie, et ce pour des températures très variées du fluide hydrothermal. Les choses se passent différemment sur le site Endeavour, qui repose sur des basaltesbasaltes. Dans ce deuxième cas, la gamme de température permettant la méthanogenèse par les bactéries unicellulaires est nettement plus réduite, et il apparaît que dans ce cas, la synthèse des protéines par ces micro-organismes ne relâche pas d'énergie.

    Le champ hydrothermal Rainbow. © Ifremer, domaine public
    Le champ hydrothermal Rainbow. © Ifremer, domaine public

    Certains types de systèmes hydrothermaux semblent donc plus favorables à la prolifération microbienne. Ce serait le cas des sites hydrothermaux ultra-mafiques, dont la composition chimique des fluides engendre des conditions déjà particulièrement réductrices. Cet environnement chimique spécifique permettrait la synthèse de protéines par méthanogenèse en association avec une forte libération d'énergie. Ces résultats pourraient permettre de mieux comprendre les cycles biogéochimiques ayant participé à l'émergenceémergence de la vie au fond des océans.