L'origine mystérieuse des riches gisements d'étain et de tungstène de la péninsule sud-ouest de la Grande-Bretagne serait liée à une collision survenue il y a environ 300 millions d'années entre deux microcontinents géochimiquement différents.

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    De nombreuses sciences sont nées sous l'impulsion de questions pratiques très précises -- même si des considérations plus philosophiques et théoriques ont également influencé leur développement précoce et ultérieur. L'exemple le plus frappant à cet égard est probablement celui de la thermodynamiquethermodynamique : celle-ci prend son essor au XIXe siècle, au moment où la révolution industrielle s'enclenche avec les machines à vapeur. La géologie et la minéralogie font des bonds presque en même temps, et ce n'est probablement pas un hasard, car, depuis longtemps déjà, elles intervenaient dans l'exploitation des gisements de minerais, en particulier bien sûr quand il s'agissait de métauxmétaux, et, par la suite également, quand l'intérêt du charbon et du pétrolepétrole est devenu clair.

    Pour trouver ces gisements, les géologuesgéologues ont cherché à comprendre leur origine et, au cours du XXe siècle, les progrès de la géochimie et de la volcanologie dans le cadre de la découverte et de l'investigation de la théorie de la tectonique des plaques apportèrent une vive lumièrelumière sur cette question.

    L'Homme comprend, par exemple, et c'est ce qui va accélérer l'adoption de la théorie de la tectonique des plaques, que des gisements sur des continents ou sur leurs bordures dans les océans trouvent souvent leur contrepartie sur les autres continents, qui étaient autrefois soudés à eux en formant des supercontinentssupercontinents que la dérive des plaques tectoniquesplaques tectoniques a séparés.


    Une présentation des Andes, paradis pour l'étude des volcans et de la formation des gisements de minerais. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais apparaissent alors. Cliquez ensuite sur la roue dentée à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Exploring the Earth

    L'origine des gisements de minerais

    L'Homme comprend aussi que des gisements de minerais, comme par exemple le cuivrecuivre de Chuquicamata, au Chili, ou le chrome du sultanat d'Oman, se trouvent associés à des régions volcaniques, ou à des processus magmatiques en relation avec des collisions de plaques (avec subductionsubduction dans les Andes et obduction à Oman) et des processus hydrothermaux. La fusion partiellefusion partielle de roches et la circulation de fluides chauds permet alors de concentrer et de déposer des éléments dissous.

    Dans la ligne de ces idées, largement confirmées depuis des décennies, une équipe de géologues de l'université de Plymouth (Royaume-Uni) pense avoir fait une étonnante découverte permettant de mieux comprendre l'origine des fameux gisements de minerais, en particulier ceux de cassitérite, dans la péninsulepéninsule sud-ouest de la Grande-Bretagne. Dans un article publié dans Nature Communications, deux chercheurs avancent en effet, en se basant sur la géochimie et la minéralogie des roches, que cette région est en fait une partie d'un bloc continental appelé Armorica dont la France appartient. Ce bloc serait entré en collision avec la Grande-Bretagne il y a plusieurs centaines de millions d'années, alors que celle-ci s'était elle-même formée par collision de deux autres blocs.

    Les gisements de cassitérite, un minerai d’étain exploité en Cornouailles depuis presque 2.000 ans concurremment avec des gisements de tungstènetungstène mais aussi de minerais de cuivre, plombplomb et zinczinc, dont les origines restaient mystérieuses, seraient donc le résultat des processus magmatiques associés à ces collisions de terranes (les terranes sont des fragments de plaques continentales que l'on peut appeler des microcontinents et qui vont entrer en collision et se suturer avec des continents au cours des cycles de Wilson).


    Les mouvements des terranes Armorica, Avalonia et Laurentia, il y a plus de 300 millions d'années, ont formé la Grande-Bretagne. © University of Plymouth

    La France et la Grande-Bretagne, pas si séparées ?

    En l'occurrence, la terrane Armorica serait entrée en collision avec la terrane Avalonia (la moitié sud de la Grande-Bretagne) il y a environ 300 millions d'années, laquelle était entrée en collision avec la terrane Laurentia peu avant, il y a moins de 400 millions d'années. Cela, on le savait déjà... ou presque, parce que l'on pensait que la limite entre les terranes Armorica et Avalonia se trouvait au fond de la Manche, et donc que la France et la Grande-Bretagne étaient bien séparées géologiquement, minéralogiquement et géochimiquement.

    Mais, en examinant plus en détail la composition d'échantillons de roches glanés dans 22 sites de la péninsule sud-ouest de la Grande-Bretagne, dans les Cornouailles et le Devon plus précisément, au moyen d'un spectromètrespectromètre à fluorescence X permettant de doser des abondances d'isotopesisotopes du néodymenéodyme et du strontiumstrontium, il s'est avéré que ces roches provenaient de processus magmatiques plutoniquesplutoniques voisins de ceux ayant produit des roches analogues en France via la fusion partielle dans le manteaumanteau, à 100 km de profondeur.

    Au final, des limites géochimiques claires allant de l'estuaireestuaire de l'Exe, à l'est, à Camelford, à l'ouest, montrent donc que la limite entre Armorica et Avalonia se trouve en fait au niveau des Cornouailles et du Devon (voir la vidéo ci-dessus). Cela modifie notre vision de l'histoire de la géologie de la Grande-Bretagne et permet de résoudre l'énigme des riches gisements d'étainétain et de tungstène dans la péninsule sud-ouest.