L’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et nous venons, en France, de vivre une première quinzaine de février incroyablement douce. De quoi se poser la question. Le changement climatique est-il en train d’accélérer ?


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    Il y a d'abord le constat. Les experts s'accordent à dire que l'année 2023 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée. Largement. Et 2024 semble partie sur un rythme similaire. Selon la NOAANOAA (National Oceanic and Atmospheric Organisation), janvier 2024 arrive en tête des mois de janvier les plus chauds jamais enregistrés.

    Image du site Futura Sciences

    En janvier 2024, les températures moyennes étaient de 1,27 °C au-dessus des niveaux préindustriels. © NOAA

    Des températures record partout dans le monde

    Depuis ce début février, les records continuent de tomber un peu partout dans le monde. Un invraisemblable 17,1 °C au Japon qui pulvérise le précédent record de 6 °C !

    De nouvelles journées au-dessus de la barre des +2 °C de réchauffement dans le monde qui deviennent presque habituelles alors que le seuil historique n'a été franchi pour la toute première fois qu'au mois de novembre dernier.

    L'Australie qui, le jour de la Saint Valentin, était déjà presque certaine de connaître son mois de février le plus chaud jamais enregistré.

    Le Mexique qui vit des températures plus habituelles pour un mois de juin que pour un mois de février. Idem au Maroc.

    En France, la première quinzaine de février a été la plus chaude jamais enregistrée.

    Et c'est sans parler des températures de l'océan. Elles aussi semblent vouloir grimper de manière vertigineuse pour atteindre des sommets.

    Un réchauffement climatique qui semble s’accélérer

    Après le constat, il y a la question : le réchauffement climatique est-il en train d'accélérer ?

    Le saviez-vous ? Le réchauffement climatique a été mis en évidence pour la première fois en... 1856 ! Découvrez l'histoire de la femme qui l'a démontré dans Chasseurs de Science. © Futura

    Oui et déjà depuis 2010, répondait il y a quelques mois un chercheur dans la revue Oxford Open Climate Change. Et pas n'importe lequel. Un certain James Hansen. Celui-là même dont le discours devant le Congrès américain en 1988 avait fait grand bruit. Un discours qui mettait déjà en garde les politiques contre les effets du réchauffement climatique à venir. « Les prochaines années montreront que nous assistons effectivement à une accélération du réchauffement climatique », déclarait James Hansen à la presse en fin d'année 2023.

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    Les travaux du chercheur soulignent en effet que le rythme du réchauffement était de l'ordre de +0,2 °C par décennie entre 1970 et 2010. Et ils suggèrent qu'il faut s'attendre à ce qu'il passe désormais à presque +0,3 °C par décennie. Les chiffres de la NOAA le fixent à +0,27 °C entre 2010 et 2020. L'OMM, l'Organisation météorologique mondial, évoquait, de son côté, en décembre 2023, « une hausse considérable du rythme du changement climatique » sur la dernière décennie.

    La question de l’accélération du réchauffement fait débat

    Mais la conclusion ne fait pas forcément l'unanimité au sein de la communauté scientifique. Les experts semblent divisés. Et dans les « deux camps », on trouve des pointures. Michael Mann, le climatologueclimatologue américain directeur du Earth System Science Center de l'université d'État de Pennsylvanie (États-Unis), avance que le réchauffement que nous vivons depuis quelques mois n'a rien d'exceptionnel. Il correspond à ce que les modèles prédisent depuis longtemps, sans indication d'une accélération.

    Gavin Schmidt, directeur du Goddard Institute for Space Studies de la NasaNasa, quant à lui, s'interroge. Les récents records sont-ils le fait d'un réchauffement anthropique amplifié par le phénomène naturel El Niño ? Ou même par un « incident anormal » et non encore identifié ? Ou ont-ils « quelque chose de plus systématique » ?

    Zeke Hausfather est climatologue à Berkeley Earth (États-Unis). Selon lui, les températures de ces derniers mois sont « absolument ahurissantes » et les preuves d'une nouvelle accélération du réchauffement s'accumulent depuis environ 15 ans. Nouvelle ? Oui, parce qu'une première accélération a déjà été enregistrée. Entre 1880 et 1970, le réchauffement moyen par décennie n'était que de +0,04 °C. Depuis 1970, il était passé à près de +0,2 °C par décennie.

    Pour Jean JouzelJean Jouzel, l'un des co-fondateurs du Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, nous sommes plutôt dans une continuité du changement. Notre climat n'évolue pas de manière continue. Il se réchauffe un peu par à-coups. Dans les années 2000, le réchauffement était bien moindre que dans les années 1990. Depuis quelques années, une nouvelle poussée semble en cours. Pour lui non plus, rien qui soit en dehors des scénarios étudiés par le Giec.

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    Dans un numéro daté de 2022 des Geophysical Research Letters, un climatologue du JPL (Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory) de la Nasa, Mark Richardson, mettait en lumièrelumière les tendances du réchauffement depuis 1880. Il faisait apparaître une accélération sur les dernières années, mais sans commune mesure avec celle que notre climat a connue dans les années 1970. Et le chercheur rappelait alors qu'il est aisé pour les températures de notre atmosphère de varier beaucoup sur de courtes périodes et que de fait, il faut du temps aux scientifiques pour être sûr qu'un changement sort de la normale.

    « Essayer d'estimer le taux de réchauffement sous-jacent sur une courte période est très difficile, conclut Andrew Dessler, climatologue à la Texas A & M University (États-Unis). Ce n'est pas parce que vous obtenez une tendance qui semble très rapide que cela vous dit quel est le taux sous-jacent du réchauffement ».

    Que nous réserve encore 2024 ?

    Quoi qu'il en soit, les estimations publiées par plusieurs centres de prévisions donnent une année 2024 dans la même veine que l'année 2023. Voire un peu plus chaude encore. Cependant, il est intéressant de rappeler qu'en matièrematière de climat et de réchauffement anthropique, ce ne sont pas les années prises individuellement qui comptent. Mais bel et bien la tendance à long terme. Et celle-ci ne fait depuis longtemps plus ni doute ni débat au sein de la communauté scientifique !