Avec une sécheresse qui persiste depuis deux ans et déjà plusieurs villages rationnés avec des bouteilles d'eau, dans les Pyrénées-Orientales, le ton a changé. Les pénuries d'eau ne sont désormais plus un risque, mais une certitude car les mesures arrivent trop tard.


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    Les discours sont catastrophistes, mais réalistes : « la situation est extrêmement tendue, la quantité d'eau disponible est faible » et « il n'y aura pas suffisamment d'eau pour tous les usages », tels sont les mots du préfet Rodrigue Furcy lors d'une conférence de presse ce mardi.

    Après un été historiquement sec et un hiver marqué par un déficit majeur de précipitations sur le pourtour méditerranéen, ce mois d'avril est le plus sec depuis 1959 dans les Pyrénées-Orientales. C'est d'ailleurs dans ce département que le premier grand incendie de l'année a débuté le 17 avril dernier.   

    Une situation inédite qui va devenir la norme

    Selon Damien Serre, géographe spécialiste de l'adaptation au changement climatiquechangement climatique et directeur scientifique du groupe Mayane, « la situation actuelle sur l'arc méditerranéen est vraiment inédite ». Les dernières prévisions saisonnières des grands organismes météométéo envisagent un été chaud et sec sur le sud-est du pays, et il est de toute manière trop tard pour que les nappes phréatiques puissent se remplir à cette saison. « On n'est pas du tout prêt à affronter ça et ce qui est en train de se passer va devenir la norme ces prochaines années, malgré des variations toujours possibles », s'inquiète le scientifique.

    Cent-quatre-vingt-six communes touchées par la sécheresse se sont engagées à respecter une charte d'économie de l'eau, selon le préfet des Pyrénées-Orientales. Hôtellerie, industries, parcs aquatiques, ou encore golfs devront ainsi réduire leur utilisation de l'eau d'au moins 50 %, voire plus. Car le niveau très bas des nappes phréatiques n'est pas seulement dû à un manque de pluie, mais aussi « au trop grand nombre de prélèvements : la recharge naturelle ne compense plus ce qui est extrait. Les niveaux des nappes profondes baissent depuis plusieurs dizaines d'années », comme l'explique le Syndicat mixte des nappes de la plaine du Roussillon.

    Le niveau des nappes phréatiques du Roussillon : en rouge, celles présentant un niveau très bas. © nappes-roussillon.fr
    Le niveau des nappes phréatiques du Roussillon : en rouge, celles présentant un niveau très bas. © nappes-roussillon.fr

    Mais selon Damien Serre, « pour cet été, il est trop tard, on va essayer de sauver les meubles avec des mesures d'urgence, mais il faut une réflexion globale sur notre adaptation, sur le modèle agricole qui consomme la majorité des ressources en eau et sur les solutions alternatives ». La grande majorité de l'eau consommée est issue des nappes phréatiques. « La moitié de l'eau potable provient des nappes quaternairesquaternaires surtout dans la vallée de la Têt pour l'alimentation de Perpignan, et dans celle du Tech. L'autre moitié provient des nappes profondes du PliocènePliocène, sur l'ensemble de la plaine », précise le Syndicat mixte.

    Concrètement, « la ressource est ce qu'elle est, il faut s'adapter en définissant des priorités : à quoi cette eau doit servir en priorité, c'est une décision politique à prendre », selon Damien Serre. Si les Pyrénées-Orientales sont actuellement le département qui souffre le plus du manque d'eau, deux autres risquent de connaître une situation similaire ces prochains mois : l'Hérault et les Bouches-du-Rhône.

    Des solutions naturelles et durables existent pour le futur

    À ce rythme, l'ensemble de la région méditerranéenne (française et étrangère) deviendra inhabitable d'ici la fin du siècle selon les projections du GiecGiec. D'où l'intérêt de tester des solutions au plus vite, comme le font déjà des pays plus secs que la France : « une zone très aride du Portugal a effectué des expériences sur l'agricultureagriculture régénérative. Ils ont reproduit des stratesstrates de végétation, en les organisant comme une forêt tropicaleforêt tropicale : certaines plantes sont utilisées pour faire de l'ombre aux autres et des lieux humides ont été reconstitués », explique le spécialiste de l'adaptation au changement climatique.

    Cependant, ces solutions naturelles, qui semblent fonctionner de manière durable, mettent du temps à se mettre en place. Celles-ci, si elles se généralisent dans les régions en manque d'eau, offrent un espoir pour les prochaines années, mais pas pour cet été 2023.