Dans le cadre de la COP26 qui se tient à Glasgow jusqu'au 12 novembre, Futura vous propose une série d'entretiens avec des experts du climat pour décrypter le réchauffement climatique en cours, ses causes et ses conséquences, les risques auxquels nous devrons faire face si nous ne parvenons pas à maîtriser la hausse des températures et à ne pas dépasser les 1,5 °C, les solutions qui existent et celles à mettre en place. L'urgence climatique n'est pas un vain mot ! Aujourd'hui, nous donnons la parole à Cornelia Rumpel, chercheuse du CNRS à l’Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris.
au sommaire
Cornelia Rumpel, chercheuse du CNRS à l'Institut d'écologie et des sciences de l'environnement de Paris, étudie les mécanismes qui permettent de stabiliser le carbonecarbone dans les sols.
Futura : Quel est le rôle des sols dans le changement climatique ?
Cornelia Rumpel : D'abord, on l'oublie encore trop souvent : le sol est la clé et la base de notre alimentation comme celle de tous les animaux. Ensuite, les sols pourraient séquestrer l'équivalent des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne, notamment dans la matièrematière organique qu'ils hébergent. Or, on artificialise toujours plus les sols en construisant des routes, des maisons souvent sur des terrains très fertiles. On continue à pratiquer une agriculture intensive qui détruit les organismes vivants du sol, tels que les bactériesbactéries, champignons ou vers de terre, dont on connaît désormais le rôle capital pour la santé du sol et sa capacité à fournir des services comme la nutrition des plantes, mais aussi pour structurer le sol, assurant ainsi une meilleure infiltration de l'eau, limiter l'érosion, etc. Selon l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAOFAO), un quart des sols des terres productives de la planète est extrêmement dégradée, en raison notamment de cette agriculture intensive. Or il faudra nourrir bientôt 10 milliards de personnes avec de moins en moins de terres disponibles.
Futura : Comment les sols stockent-ils le carbone ?
Cornelia Rumpel : Les plantes assimilent le dioxyde de carbone de l'atmosphèreatmosphère (CO2) grâce à la photosynthèsephotosynthèse. Lorsqu'elles meurent et se décomposent, les organismes vivants du sol, en particulier les bactéries et les champignons transforment ces débris et produisent la matière organique du sol en les associant avec les minérauxminéraux. Mais la science du sol est complexe, il n'est pas facile d'évaluer tous ces mécanismes sachant que la matière organique est une part minime du sol, que sa composition est hétérogène et que sa localisation, qui dépend de la présence des micro-organismesmicro-organismes, compte beaucoup aussi. Il faut des techniques de pointe pour comprendre les interactions entre les composants organiques et minéraux du sol et pour quantifier les processus de stockage et déstockage du carbone dans le sol. Ils ne sont pas encore bien pris en compte dans les modèles globaux de climatclimat. Mais, depuis une vingtaine d'années, on comprend de mieux en mieux la séquestration du carbone dans les sols et surtout l'impact des pratiques agricoles. Car le sol peut être un puits ou une source de carbone selon la façon dont on le gère.
Futura : Quelles sont les pratiques agricoles vertueuses ?
Cornelia Rumpel : Celles de l'agroécologieagroécologie, de l'agriculture de conservation, qui associe perturbation minimale du sol, couverture permanente pour préserver les micro-organismes et rotation des cultures, ainsi que toutes les pratiques qui privilégient un travail du sol respectueux de l'environnement, avec moins de produits chimiques, une plus grande variété génétiquegénétique des plantes, des cultures pérennes, des prairies... L'agriculture doit devenir plus durable pour séquestrer plus de carbone mais aussi améliorer la qualité des sols, donc la productivité agricole et la qualité de notre alimentation. C'est le but de l’initiative 4 pour 1000 lancée lors de la COP21 à Paris en 2015 : elle réunit 450 partenaires publics et privés (États, collectivités, entreprises, organisations professionnelles, ONG, établissements de recherche...) et soutient des projets visant à assurer la sécurité alimentaire mondiale en contribuant à l'atténuation du changement climatique via l'augmentation du carbone stocké dans les sols avec l'objectif ambitieux de 0,4 % (soit 4 pour 1.000) chaque année.