Dans le cadre de la COP26 qui se tient à Glasgow, en Écosse, jusqu’au 12 novembre, Futura vous propose une série d’entretien avec des experts du climat pour décrypter le réchauffement climatique en cours, ses causes et ses conséquences, les risques auxquels nous devrons faire face si nous ne parvenons pas à maîtriser la hausse des températures et à ne pas dépasser le 1,5 °C, les solutions qui existent et celles à mettre en place. L’urgence climatique n’est pas un vain mot ! Aujourd’hui, nous donnons la parole à Robert Vautard, directeur de l'Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL), chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement.

 


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    Robert Vautard, directeur de l'Institut Pierre-Simon LaplacePierre-Simon Laplace (IPSL), chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement.

    Futura : Vous êtes climatologue, météorologue, statisticien. Peut-on vraiment établir un lien causal entre événements climatiques extrêmes et changement climatique ?

    Robert Vautard : Oui ! Depuis environ 5 ans, nous sommes en mesure de dire en quelques semaines, voire quelques jours, comment la probabilité que survienne une vague de chaleur ou de froid, une sécheresse ou des précipitations intenses a été modifiée par le changement climatique, qu'elle soit amplifiée, diminuée ou inchangée.

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    Là où nous répondions de manière générale, nous sommes maintenant capables de répondre pour un événement précis sur une région donnée. Et ces réponses nous permettent d'envisager ce que nous allons vivre demain... a minima ! L'IPSL a été un des précurseurs dans ces études.

    Futura : Comment procédez-vous ?

    Robert Vautard : Nous nous appuyons sur toutes les observations passées dont nous pouvons disposer. Nous les modélisons statistiquement, ce qui nous permet de comparer avec de nouveaux événements. Par exemple, pour un épisode de pluies extrêmes en Méditerranée, nous utilisons les cumuls de précipitation quotidiens sur la région en question à la même période. C'est pertinent si les données sont sur des périodes suffisamment longues et issues de méthodes comparables ou dont nous pouvons corriger les biais.

    Cette première étape nous permet de donner la tendance, pas d'attribuer l'évènement au changement climatique. Dans certains cas, comme la diminution des vents dans l'hémisphère Nord, la cause est ailleurs. Pour attribuer la cause de la tendance au changement climatique, nous comparons, de façon statistique, les résultats de simulations avec et sans gaz à effet de serregaz à effet de serre additionnels.

    Il est à souhaiter que le travail du Giec soit entendu par les responsables politiques. © tankist276, Adobe Stock
    Il est à souhaiter que le travail du Giec soit entendu par les responsables politiques. © tankist276, Adobe Stock

    Futura : Quelles sont vos marges de progrès ?

    Robert Vautard : Le lien entre une variable météorologique et son impact n'est pas toujours facile à établir. Nous espérons que des méthodes d'apprentissage automatique (machine learning en anglais) nous aiderons à mieux faire cette analyse. C'est le sujet d'un nouveau projet de recherche européen baptisé Xaida.

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    Par ailleurs, nous améliorons sans cesse nos outils et nous cherchons à les appliquer à de nouveaux phénomènes comme les gelsgels tardifs sur lesquels nous venons de travailler. Et nous ne pouvons encore rien dire des tornadestornades ou de la grêle car nous n'avons pas assez d'observations fiables, ni de modèles.

    Futura : Qu’attendez-vous de la COP26 ?

    Robert Vautard : En tant qu'auteur du dernier rapport du GIEC, j'ai un devoir de réserve. Mais, comme les autres contributeurs, je souhaite avant tout que ce formidable travail d'expertise collective mondiale indépendante et transparente soit lu et compris par les femmes et hommes politiques, qu'ils aient pleinement conscience des résultats.

    Ce sont les gouvernements qui sont ensuite propriétaires de leurs décisions

    La science du climat est particulièrement complexe. Nous devons sûrement améliorer notre communication, y compris des incertitudes. Mais ce sont les gouvernements qui sont ensuite propriétaires de leurs décisions.

    Selon moi, réduire les émissions de gaz à effet de serre nécessite un effort de tous les pays. En parallèle, s'adapter pour limiter les conséquences du réchauffement climatiqueréchauffement climatique suppose des choix locaux, comme la limitation de l'artificialisation des sols pour limiter les impacts de précipitations extrêmes.