La science peut-elle réparer l'effet dévastateur des activités de l'Homme sur l'environnement ? Est-il possible de redonner vie à des espèces éteintes ? Une étude sur le rat de l'île Christmas indique que la réponse à cette question serait... « en quelque sorte ».


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    Depuis plus d'un siècle, les activités humaines entraînent le déclin voire la disparition de milliers d'espèces animales et végétales. L'extinction de certaines d'entre elles est directement causée par l'intérêt qu'elles ont généré pour l'Homme. C'est par exemple le cas des trois espèces de dodos présents sur des îles de l'océan Indien et dont le dernier a disparu en 1790, notamment à cause de sa surexploitation et la destruction de son habitat par l'Homme. D'autres groupes d'animaux, tels que les mammouths, doivent leur disparition à plusieurs facteurs d'origine climatique et génétique. Le fait aujourd'hui de se concentrer sur la protection des espèces encore existantes n'empêche pas celles éteintes d'être une source de fantasmes et ce d'autant plus si elles atteignaient une grande taille, avaient une morphologiemorphologie singulière ou étaient particulièrement terrifiantes.

    Les dodos ont disparu suite à l'arrivée de l'Homme et à l'introduction d'autres espèces prédatrices sur les îles où ils vivaient. © theartofpics, Adobe Stock
    Les dodos ont disparu suite à l'arrivée de l'Homme et à l'introduction d'autres espèces prédatrices sur les îles où ils vivaient. © theartofpics, Adobe Stock

    À la différence de la science-fiction, la science de la « dé-extinction » des espèces s'intéresse plus souvent à des petites espèces aujourd'hui disparues, moins médiatisées et à la morphologie peu surprenante. La raison à cela est que les chercheurs ont besoin d'utiliser des espèces actuelles très bien connues qui sont génétiquement proches des espèces éteintes d'intérêt et qui sont de taille à entrer et à manipuler aisément dans un laboratoire. Les expérimentations pour « ressusciter » des dinosaures et des mammouths ne sont donc pas les plus répandues...

    Restaurer des morceaux de l'espèce... mais pas l'espèce

    En revanche, une équipe de recherche a publié un article dans la revue Current Biology au sujet de la « dé-extinction » du rat de l'île Christmas (Rattus mcleari, nord-ouest de l'Australie) qui s'est éteint entre 1898 et 1908, ainsi qu'au sujet des limites que rencontre cette science en général. Dans cet article, les auteurs rapportent qu'il existe trois méthodes pour « dé-éteindre » une espèce : le back-breeding (sélection chez des espèces actuelles de caractères présents chez l'espèce éteinte), le clonageclonage et le génie génétiquele génie génétique. Ils expliquent que cette dernière méthode est la plus susceptible de fonctionner sur un grand nombre d'espèces disparues mais qu'elle dépend de la qualité de la reconstruction du génomegénome de ces dernières.

    Il existe trois méthodes pour « dé-éteindre » une espèce : le back-breeding, le clonage et le génie génétique

    Les auteurs de l'étude ont re-séquencé le génome du rat de l'île Christmas et l'ont superposé avec ceux de représentants actuels du genre Rattus afin de récupérer chez ces derniers les portions manquantes du génome de l'espèce éteinte. Ils ont toutefois trouvé que presque 5 % de ce génome était irrécupérable malgré la très bonne qualité des séquences génomiquesgénomiques d'espèces actuelles. Ceci est dû à la divergence évolutive qui a eu lieu entre les espèces actuelles et R. mcleari depuis son extinction. Par ailleurs, plus de 1.600 gènesgènes (parmi 34.200) de R. mcleari ont une séquence qui est complète à moins de 90 % et 26 sont totalement absents.

    Plus de 1.600 gènes n'ont pas pu être reconstruits à plus de 90 % chez le rat de l'île Christmas. Parmi ceux-ci figure une importante proportion de gènes impliqués dans l'olfaction et dans la réponse immunitaire. © Lin et al, 2022
    Plus de 1.600 gènes n'ont pas pu être reconstruits à plus de 90 % chez le rat de l'île Christmas. Parmi ceux-ci figure une importante proportion de gènes impliqués dans l'olfaction et dans la réponse immunitaire. © Lin et al, 2022

    Les auteurs mettent de plus en évidence le fait que ces séquences perdues ne semblent pas concerner des gènes au hasard et qu'elles affectent beaucoup ceux impliqués dans l'olfactionolfaction et la réponse immunitaireréponse immunitaire. Si le génome de R. mcleari ou de toute autre espèce éteinte venait à être utilisé pour recréer une espèce actuelle, celle-ci serait donc bien différente de celle qui a disparu. C'est en ce sens que le scientifique Ben Novak, spécialisé dans le sauvetage génétique et la « dé-extinction », dit qu'il est possible de créer des espèces similaires à celles éteintes mais que « vous ne pouvez jamais ramener quelque chose qui a disparu ».