Au cours d'une exploration sous-marine au large de la Californie, des océanographes ont découvert une défense de mammouth datant de plus de 100.000 ans. Sa préservation, à l'abri de la lumière et à de faibles températures, permettra d'exploiter l'ADN du spécimen.


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    Lorsqu'ils pilotent un véhicule sous-marin téléguidé (plus souvent nommé ROV, pour Remotely Operated underwater Vehicle), les océanographes s'attendent à observer des espèces marines inconnues de la science, des comportements inédits entre organismes ou encore des paysages étonnants que la vie et les courants ont façonnés. Il s'agit pourtant d'une découverte bien différente de celles attendues qu'ont faite Randy Prickett, le pilote du ROV Western Flyer, et le Dr Steven Haddock, qui travaille à l'Institut de recherche du Monterey Bay Aquarium. En 2019, ils effectuaient une exploration au niveau d'un mont sous-marin à environ 3.000 mètres de profondeur, à 80 kilomètres au large de la Californie. C'est avec surprise qu'ils ont alors vu se dessiner la forme d'une défense d'éléphant sur leurs écrans. Ils n'ont pu la remonter dans son intégralité en surface lors de cette expédition car un morceau s'est brisé au cours de la collecte, ce qui n'a permis à l'équipe de ne remonter qu'un fragment de cette découverte. En 2021, une nouvelle expédition a été menée sur ce même site afin de rapporter le reste de la défense.

    La défense d'un <em>Mammuthus columbi</em> datant de plus de 100.000 ans reposait contre le flanc d'un mont sous-marin. © Darrin Schultz, 2021 MBARI
    La défense d'un Mammuthus columbi datant de plus de 100.000 ans reposait contre le flanc d'un mont sous-marin. © Darrin Schultz, 2021 MBARI

    Cette défense de mammouth n'est pas la première à être découverte dans l'océan. Cependant, les précédents restes de mammouths trouvés en milieu marin (en mer du Nord) ne gisent pas si profond, leur emplacement ne dépasse en effet pas quelques dizaines de mètres sous la surface.

    Les précédents restes de mammouths trouvés en milieu marin ne gisent pas si profond

    La plupart des restes de mammouths mis au jour proviennent par ailleurs du pergélisol aux abords du cercle arctique ou sur la terreterre ferme, au niveau de sites de chasse occupés par l'Homme. La présence de la défense de mammouth à 3.000 mètres de profondeur est donc surprenante, d'autant plus que son état de conservation est très bon. Il permettra d'obtenir des images grâce à la tomographietomographie à rayons Xrayons X et d'effectuer des analyses ADNADN.

    Le témoin d'une hybridation entre deux espèces de mammouths ?

    La défense mesure presque un mètre de long et a appartenu à un mammouth de Colomb, MammuthusMammuthus columbi. Cette espèce est connue pour avoir notamment peuplé l'Amérique du Nord (des spécimens ont été trouvés en Arizona, au Texas et en Floride), le Mexique et le Costa Rica. Des estimations indiquent que cette espèce pouvait mesurer plus de quatre mètres de haut et de long et peser entre huit et dix tonnes. D'après l'épaisseur de la croûtecroûte de ferfer et de manganèsemanganèse qui s'est formée sur la défense, les chercheurs estiment son âge à plus de 100.000 ans. Des analyses sont en cours pour déterminer un âge précis. Les analyses ADN ne sont pas terminées mais permettront de mieux comprendre l'évolution des mammouths.

    Une fois remontée à la surface, la défense de <em>M. columbi</em> a été nettoyée et des prélèvements, notamment d'ADN, ont été effectués. © Darrin Schultz, 2021 MBARI
    Une fois remontée à la surface, la défense de M. columbi a été nettoyée et des prélèvements, notamment d'ADN, ont été effectués. © Darrin Schultz, 2021 MBARI

    Les premiers mammouths sont en effet arrivés d'Eurasie jusqu'en Amérique du Nord il y a 1,5 million d'années par le détroit de Béring et se sont ensuite hybridés avec le mammouth laineux lorsque celui-ci a rejoint les Amériques plusieurs centaines de milliers d'années plus tard. Cette hybridationhybridation aurait permis l'émergenceémergence de l'espèce M. columbi que des hypothèses situent à il y a 420.000 ans. Si la défense du spécimen qui a été remontée des profondeurs est donc aussi âgée que ce que supposent les chercheurs, elle devrait contribuer à dater avec plus de certitude la période de cette hybridation.