La chute de la météorite Chixculub a aussi été un évènement majeur pour les microalgues. En effet, avec la disparition de la lumière, certaines ont dû changer de mode de vie pour survivre.


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    Il y a 66 millions d'années, la météoritemétéorite ChicxulubChicxulub s'écrase sur Terre, dans la péninsule du Yucatán au Mexique. L'impact surpuissant génère alors une incroyable quantité de débris qui opacifient l'atmosphère terrestre. Les rayons de soleilsoleil sont en grande partie bloqués et n'atteignent plus la surface. La Terre est plongée dans l'obscurité. Les dinosaures et bon nombre d'espèces ne survivront pas à cet évènement qui a précipité leur disparition, offrant la possibilité à d'autres, comme les mammifères, de prendre le dessus et de se développer.

    À l'échelle microscopique, la même histoire s'est jouée dans les océans. Avant la chute de Chicxulub, les coccolithophores, un ordre d'algues microscopiques planctoniques photosynthétiques, étaient abondants dans les océans du CrétacéCrétacé. 90 % des espèces ont été éradiquées avec la perte de lumièrelumière. Mais certaines ont survécu, même plus, ont proliféré ! Comment ces alguesalgues photosynthétiques strictes ont survécu ? En devenant carnivorescarnivores.

    <em>Gephyrocapsa oceanica</em>, une espèce de coccolithophore au microscope électronique. Les pièces rondes qui forment la coccosphère sont appelées coccolithes. © <em>Wikimédia</em>, CC by-sa 2.5
    Gephyrocapsa oceanica, une espèce de coccolithophore au microscope électronique. Les pièces rondes qui forment la coccosphère sont appelées coccolithes. © Wikimédia, CC by-sa 2.5

    Des microalgues contraintes de chasser pour survivre

    Les coccolithophores possèdent un exosqueletteexosquelette en carbonate de calciumcarbonate de calcium appelé coccosphère. Les scientifiques de l'université de Southampton ont analysé des coccosphères provenant d'espèces présentes avant la chute de Chicxulub et après. Selon leurs résultats parus dans Science Advances, les espèces apparues après présentent un ou plusieurs orifices distincts des autres. Chaque orifice témoigne de la présence d'un flagelleflagelle, une structure protéique impliquée dans la mobilité mais aussi dans la capture de proies. Les coccolithophores, qui vivaient avant 66 millions d'années, possédaient eux aussi une structure flagellaire appelée haptonème.

    Pour survivre au manque de lumière ces algues autrefois uniquement photosynthétiques sont devenues des chasseurs. Mais les coccolithophores n'ont pas pour autant abandonné complètement leur mode de vie photosynthétique, puisque les chercheurs ont tout de même identifié des chloroplasteschloroplastes. Ils sont passés de photosynthétiques purs à mixotrophes, c'est-à-dire à la fois autotropheautotrophe et hétérotrophehétérotrophe. Ces observations sont en accord avec la structure des certaines espèces de coccolithophores actuels héritières de celles du Crétacé, qui possèdent en plus de l'haptonème, deux flagelles.

    La structure de coccosphères au microscope électronique. Les orifices montrent la position d'un flagelle supplémentaire en plus de l'haptonème. Ils émergent de la cellule et permettent de capturer des proies, notamment des bactéries (points rouges). © Paul Bown
    La structure de coccosphères au microscope électronique. Les orifices montrent la position d'un flagelle supplémentaire en plus de l'haptonème. Ils émergent de la cellule et permettent de capturer des proies, notamment des bactéries (points rouges). © Paul Bown

    Le succès d'un mode de vie

    Les scientifiques ont aussi étudié la dynamique temporelle de ce changement de régime alimentaire à plusieurs endroits du globe durant les 4 millions d'années qui ont suivi l'extinction du Crétacé-PaléogènePaléogène. Les organismes mixotrophes se sont vite multipliés durant les 100.000 premières années, jusqu'à représenter entre 70 et 100 % des fossilesfossiles analysés. Jusqu'à ce que la lumière du soleil parvienne à percer l'atmosphère terrestre, les organismes mixotrophes étaient prédominants parmi les coccolithophores durant les 2 millions d'années suivant l'impact.

    Après l'extinction du Crétacé, le mode de vie mixotrophe était dominant

    En quoi ce mode de vie a permis aux espèces le pratiquant de proliférer si longtemps, même après le retour du soleil ? Pour répondre à cette question, les scientifiques ont établi un modèle écologique. Ce dernier suggère qu'après la chute de Chicxulub, l'océan était rempli de petites proies microscopiques, principalement des bactériesbactéries qui ont survécu, dont les coccolithophores se nourrissaient. Les prédateurs de ces dernières se sont faits aussi plus rares, leur laissant le champ libre pour proliférer dans les océans.

    « Les fossiles apparus après l'extinction du Crétacé-Paléogène montrent que la mixotrophiemixotrophie dominait et notre modèle indique que c'est à cause de l'exceptionnelle abondance des petites proies cellulaires, pour la plupart des bactéries, et le nombre réduit de "brouteurs" dans les océans post-extinction », explique Samantha Gibbs, première auteure de l'étude, dans un communiqué de presse de l'université de Southampton.

    Avec l'évolution et le retour de la lumière, le mode de vie mixotrophe a à nouveau laissé sa place à la photosynthèsephotosynthèse. La plupart des coccolithophores actuels utilisent l'énergieénergie solaire pour fabriquer leur énergie et leurs moléculesmolécules organiques. Si la chute d'une météorite n'a pas eu raison d'eux, cet ordre de microalgues est grandement menacé par le réchauffement climatique.