Pour la première fois aux États-Unis, une entreprise de biotechnologie vient de libérer des moustiques génétiquement modifiés. Du côté de la Floride, sur l’archipel des Keys. Dans l’espoir de limiter les populations de moustiques locales qui propagent de plus en plus de maladies. Et notamment la dengue.


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    À la fin du mois d'avril, ils n'étaient que de tout petits œufs, déposés dans des boîtes hexagonales de la taille d'un grille-pain sur quelques propriétés de Floride (États-Unis). Ce mercredi 12 mai, ils ont atteint l'âge de la maturité. Les voici donc prêts à s'envoler pour aller courtiser les femelles. Ils, ce sont des moustiques génétiquement modifiés (GM) développés par la société britannique de biotechnologiebiotechnologie Oxitec. Et, après dix années de débats, ils seront les premiers à être autorisés à voler librement aux États-Unis.

    Rappelons qu'outre la gêne occasionnée par des piqûres généralement désagréables - c'est d'ailleurs la traduction du grec « Aedes », un genre de moustiques doté d'une stratégie de dispersion particulièrement efficace - et parfois même à l'origine de réactions allergiques, les moustiques sont d'importants vecteurs de maladies. La denguedengue, le virus Zika, le chikungunyachikungunya ou encore la fièvre jaunefièvre jaune. Produire des moustiques génétiquement modifiés entre ainsi dans une stratégie de lutte antiparasitaire.

    Le saviez-vous ?

    C’est la résistance développée par les moustiques locaux aux insecticides qui a éveillé l’intérêt des autorités pour les modifications génétiques. Sans compter le fait que l’usage de pesticides peut aussi perturber le reste de faune locale. Mais certains critiquent le fait que des effets écologiques inattendus pourraient survenir avec la libération de moustiques génétiquement modifiés.

    D’autres techniques de lutte contre les moustiques voient le jour en parallèle : des techniques de rayonnement qui stérilisent les mâles, par exemple ou d’autres qui infectent les moustiques à l’aide d’une bactérie, rendant leur morsure moins susceptible de propager des maladies.

    La souche - appelée OX5034 - de moustiques prêts à être libérés sur l'archipel des Keys (Floride) est conçue pour réduire les populations locales d'Aedes aegyptiAedes aegypti, une espèce encore peu présente dans la région, mais connue pour propager les maladies de manière redoutablement efficace. Notamment la dengue - les habitants de la Floride lui doivent d'ailleurs l'épidémieépidémie de l'année dernière - et le virus Zikavirus Zika. Parce que ces moustiques-là semblent particulièrement apprécier le sang humain.

    Oxitec a déjà testé ses moustiques génétiquement modifiés (GM) au Brésil, au Panama, aux îles Caïmans et en Malaisie. Ici, un exemple de ces boîtes dans lesquelles les œufs de moustiques GM se développent jusqu’à atteindre l’âge de se reproduire. © Oxitec
    Oxitec a déjà testé ses moustiques génétiquement modifiés (GM) au Brésil, au Panama, aux îles Caïmans et en Malaisie. Ici, un exemple de ces boîtes dans lesquelles les œufs de moustiques GM se développent jusqu’à atteindre l’âge de se reproduire. © Oxitec

    Une expérimentation surveillée de près

    Dans un premier temps, l'idée est de diffuser chaque semaine, pendant les douze semaines à venir, jusqu'à 12.000 moustiques génétiquement modifiés. Avec pour objectif de relâcher jusqu'à 20 millions de spécimens d'ici l'automne.

    L'opération sera suivie de près. Les moustiques GM sont porteurs d'un marqueur fluorescent qui les fait briller lorsqu'ils sont éclairés par une lumièrelumière particulière. Des zones contrôles sans moustiques GM seront également étudiées. Des pièges à moustiques permettront de renseigner sur la distance - des tests précédents évoquent une moyenne de 50 mètres - parcourue par les moustiques qui auront quitté leur boîte. Car il ne faut pas que ces moustiques GM pénètrent une zone « contaminée » à la tétracyclinetétracycline - installations d'élevage ou usines de traitement des eaux, notamment. Cet antibiotiqueantibiotique, en effet, annule le mécanisme d'autodestruction des larves femelles.

    Le mécanisme d'autodestruction des larves femelles ? Oui. Précisons que les moustiques Oxitec - des mâles uniquement - ont été développés d'une part pour les rendre particulièrement attrayants aux yeuxyeux des femelles naturellement présentes dans la région. D'autre part, le développement des femelles issues de ces moustiques mâles génétiquement modifiés devrait être bloqué. De manière qu'aucune femelle n'atteigne l'âge adulte. Les descendants mâles devraient, pour moitié, porter les caractéristiques génétiquesgénétiques de leurs pères. Et poursuivre ainsi leur œuvre d'extermination des femelles.

    La précédente souche de moustiques GM Oxitec avait été développée pour éliminer tous ses descendants. Mais si cette stratégie différente a finalement été adoptée, c'est parce que ces moustiques-là ne résistaient pas aux insecticides courants. À l'inverse de leurs homologues naturellement présents sur le territoire. Et de ceux de la souche OX5034. Les chercheurs assurent quant à eux que d'éventuels « mélanges de gènesgènes » sont « peu susceptibles » de renforcer le pouvoir des moustiques de Floride à propager des maladies.