Le fossile d’une mouche, datée de 47 millions d’années et comportant du pollen de plusieurs plantes dans son estomac, nous donne des indices sur la végétation et l’environnement qui régnaient à l’époque en Allemagne.


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    Lorsque Fridgeir Grímsson est tombé sur une nouvelle espèce de mouche fossilisée dans les sédiments de Messel, une carrière désaffectée de schiste bitumineux classée au patrimoine mondial de l'Unesco en raison de sa richesse en fossiles, ce n'est pas l'insecte en lui-même qui a retenu son attention, mais le contenu de son estomacestomac. Ce dernier était en effet rempli de pollen, procurant un aperçu inédit sur les habitudes de butinage des insectes et la flore occupant la région il y a 47 millions d'années.

    Dans une étude publiée dans la revue Current Biology, Fridgeir Grímsson et ses collègues de l'université de Vienne et du Kansas ont trouvé dans la mouche le pollen d'au moins quatre familles de plantes primitives, dont la carmentine (Decodon verticillatus), une plante des marais appartenant aux Lythracées et mesurant 0,5 à 2 m de haut, ou le Parthenocissus, une plante grimpante aussi appelée vigne vierge.

    Le pollen de quatre familles de plantes primitives a été découvert dans l’estomac de la mouche. © Sonja Wedmann et <em>al.</em>, <em>Current Biology</em>, 2021
    Le pollen de quatre familles de plantes primitives a été découvert dans l’estomac de la mouche. © Sonja Wedmann et al., Current Biology, 2021

    La mouche, premier pollinisateur de la Planète au temps de l’Éocène

    Après les abeilles, les mouches sont aujourd'hui le 2e insecte le plus important pour la pollinisation. Mais, à l'époque, elles étaient sans doute le premier contributeur de dissémination du pollen, jugent les chercheurs. Bien qu'elles transportent moins de pollen que les abeilles, les mouches sont plus nombreuses et s'adaptent mieux aux différentes conditions climatiques. De plus, on sait que certaines espèces de mouches migrent sur de longues distances, ce qui contribue à la diversité de la flore. « La diversité du pollen que nous avons découverte dans l'estomac de la mouche suggère que ces dernières se nourrissaient et transportaient déjà du pollen il y a 47 millions d'années. Elle ont donc certainement joué un rôle essentiel dans la dispersion du pollen de plusieurs taxonstaxons végétaux », estime Fridgeir Grimsson.

    Une forêt parsemée de lacs et de marécages

    Grâce à cette découverte, les chercheurs ont pu reconstituer l’environnement dans lequel évoluait la mouche à l'époque. Bien que la région de Messel ait été dominée jadis par un dense couvert forestier de type subtropical, les carmantines, qui poussent dans des zones humideszones humides et les parties peu profondes des lacs, indiquent qu'il existait aussi des clairières avec des zones marécageuses. Une supposition confirmée par la présence dans l'estomac de la mouche de pollen de vigne vierge, de Sapotacées et d'Oleacées qui poussent plutôt en lisièrelisière de forêt et le long des lacs.

    Les premiers insectes sont apparus sur TerreTerre il y a environ 400 millions d’années au DévonienDévonien. Ils ont certainement joué un rôle important dans le développement des plantes à fleurs (angiospermesangiospermes), apparues au JurassiqueJurassique ancien il y a 174 millions d’années. Ces dernières représentent aujourd'hui 90 % des espèces végétales sur Terre.

     

    Micrographie : la vie sexuelle cachée des plantes

    La discrète arenaria de bertoliniiLa poétique véronique petit-chêneLe pin voyageurLe pollen de kohlrauschie velutinaFleur d'orge en son champLe poireau sauvage du potagerSophistiquée, la luzerne arborescenteLe raffinement de la scabieuse de CrèteLe gros-minet des dunes de sableL'astucieuse saugeLe plantain moyen mais utileLa lubrique orchidée sauvageL'architectural acaciaLa piquante santoline petit-cyprès
    La discrète arenaria de bertolinii

    Un drôle de cube, un dé d'un genre nouveau ? Un petit bonhomme tout penaud qui s'est échappé d'un jeu vidéo ? Rien de tout cela, il s'agit d'un grain de pollenpollen sur l'anthèreanthère d'une Arenaria bertolinii, de la famille des Caryophyllacées, qui est une espèceespèce endémiqueendémique des massifs de la Sardaigne, de la Corse et du massif des Apennins. L'anthère étant la partie terminale de l'étamineétamine qui est l'organe mâle de la fleur, c'est là que se niche le pollen. Difficile de se représenter cette petite plante tapissant les sols rocailleux, ou s'insérant dans les mursmurs fissurés, elle fleurit en multiples petites fleurs blanches nervurées dont le calicecalice s'ouvre, s'évasant sur de fines étamines et contrastant avec son feuillage vert profond.

    Grain de pollen sur l'anthère de l'Arenaria bertolinii. © Rob Kesseler. Tous droits réservés