Pour faire face à la crise majeure de l'eau qui est annoncée dans un futur très proche, le président Emmanuel Macron a dévoilé un Plan Eau ce jeudi 30 mars. Futura a recueilli les propos de plusieurs experts sur l'efficacité et l'application des principaux axes du plan.


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    L'ONU prévoit que, d'ici 2030, nos besoins en eau dépasseront de 40 % la disponibilité au niveau mondial. En France, après un été 2022 historiquement sec et des manques en eau potable qui ont affecté certains départements (comme les Côtes-d'Armor), l'automne et l'hiver qui ont suivi n'ont pas apporté les précipitations tant attendues. Le mois de février a subi un déficit de pluie à -74 %, et même si mars a finalement été pluvieux, seule la sécheresse de surface s'est réellement améliorée, et de manière très faible, l'état des nappes phréatiques.

    Notre consommation au quotidien, l'industrie (le textile en particulier), l'élevage, mais surtout l'agriculture consomment énormément d'eau : cette dernière utilise 58 % des ressources en eau disponible en France. Or, les nappes phréatiques ne sont pas une ressource renouvelable : même si de fortes pluies tombent de manière continue, certaines auront besoin de plusieurs centaines d'années pour se reconstituer.

    Agriculture et énergie, les deux secteurs les plus concernés

    Le grand objectif de ce Plan Eau, présenté par le président Emmanuel Macron dans les Hautes-Alpes, est une baisse de -10 % d'eau prélevée d'ici 2030. 53 mesures ont été éditées, parmi lesquelles :

    • un Ecowatt de l'eau : suivant le modèle de l'Ecowatt de l'énergie, le dispositif permettra de « connaître les gestes à adopter et l'évolution de la situation » sur le territoire ;
    • un plan de sobriété en utilisant la tarification : les plus gros consommateurs payeront plus cher l'eau, et inversement. Une mesure déjà adoptée par une dizaine de communes ;
    • passer à 10 % la réutilisation de l'eau usée d'ici 2030 : l'idée est de faire de très importantes économies d'eau, alors qu'aujourd'hui en France, moins de 1 % de l'eau usée est réutilisé ;
    • réadapter l'agriculture au climat actuel : certaines filières agricoles ne sont plus adaptées à l'évolution du climat en France, a annoncé le président ;
    • adapter le secteur nucléaire au changement climatiquechangement climatique pour réaliser des économies d'eau.

    Les mesures seront-elles efficaces ?

    Selon Éric Tardieu, directeur général de l'Office international de l'Eau, « c'est très positif dans l'ensemble, l'existence même de ce plan traduit une prise conscience au plus haut niveau : on réalise que l'eau est une ressource rare et notre pays rejoint ceux qui ont déjà placé l'eau au plus haut de leurs priorités. La baisse de 10 % de consommation d'eau n'est sûrement pas assez, mais c'est une première étape. Un exemple, la consommation moyenne d'un Français est de 150 litres par jour par habitant. Les Allemands sont à 130 litres, il n'y aucune raison qu'un Français consomme plus. Le côté positif du plan, c'est d'installer une responsabilité collective : citoyens, industries, énergieénergie, et agriculture. Même si la transition agricole est toujours un peu sous-estimée dans le plan ».

    La mesure sur les réductions de fuite doit être la priorité principale selon l'Office international de l'Eau : « En France, le taux de fuite est de 20 % en moyenne sur l'ensemble des réseaux potables. Cela veut dire que si on sort 1 000 litres, seulement 800 sont distribués ! Les fuites représentent plus de 50 % en Guadeloupe, et en France métropolitaine, 170 communes ont un taux de perte qui dépasse 50 % ».

    Selon Alexandre Mayol, maître de conférencesmaître de conférences en économie à l'université de Lorraine et auteur d'une thèse sur la tarification progressive, la tarification est globalement efficace : sur les communes où elle a déjà été appliquée, une baisse de 8 à 10 % a été constatée. Pour France Nature Environnement, pour être réellement efficace, cette tarification devrait être aussi appliquée chez les agriculteurs qui sont les plus gros consommateurs. Un constat partagé par le directeur général de l'Office international de l'Eau : « Le problème est que la tarification reste du domaine de la responsabilité de la commune, l'État a juste un rôle incitatif. On devra de toute manière encore augmenter le prix du mètre cube en France pour financer les investissements qui serviront à réduire les fuites et à améliorer le réseau. Le prix du mètre cube d'eau en France est en dessous de la moyenne européenne ».  

    Encore faut-il que les mesures soient appliquées : selon Arnaud Gossement, avocatavocat et  professeur associé à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, les mesures annoncées par le président sont bien trop vaguesvagues et la plupart n'ont pas de valeur juridique ; elles ont la caractéristique de  « n'obliger personne à rien et qui sont généralement aussi vite oubliées que publiées ». Le Plan Eau n'annonce en effet aucune obligation immédiate, ce dont nos ressources auraient besoin ; « plutôt que des mesures précises, ce Plan annonce surtout... d'autres plans », précise l'avocat.