Il est dorénavant possible de détecter depuis l’espace la pollution atmosphérique, même celle qui s'étend au niveau du sol. Une équipe du CNRS montre que dans certaines conditions météo, les sondes dans l’infrarouge à bord de satellites peuvent détecter des concentrations élevées de polluants tels que le monoxyde de carbone ou l’ammoniac.

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    En janvier 2013, le smog de Pékin était tellement épais qu'on ne voyait plus le ciel. L'indice de pollution était de 755, alors que le maximum habituel de l'échelle de mesure de l’Air Quality Index est de 500. © Kevin Dooley, cc by 2.0

    En janvier 2013, le smog de Pékin était tellement épais qu'on ne voyait plus le ciel. L'indice de pollution était de 755, alors que le maximum habituel de l'échelle de mesure de l’Air Quality Index est de 500. © Kevin Dooley, cc by 2.0

    Des panaches de plusieurs polluants d'origine anthropique (particules fines et monoxyde de carbonemonoxyde de carbone notamment) situés au niveau du sol ont été détectés au-dessus de la Chine pour la première fois depuis l'espace. Ces travaux ont été effectués par une équipe du Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (Latmos) en collaboration avec des chercheurs belges et avec le soutien du Cnes, à partir des mesures du sondeur infrarougeinfrarouge IASI2, lancé à bord du satellite MetOp3. Leurs résultats inédits sont publiés dans la revue Geophysical Research Letters. Ils constituent une avancée majeure afin d'améliorer le suivi de la pollution régionale et l'anticipation d'épisodes de pollution localisés, notamment en Chine.

    Malgré les efforts du gouvernement pour réduire les émissionsémissions de surface, la Chine est confrontée de manière récurrente à des événements de forte pollution atmosphérique. C'est devenu un véritable enjeu de santé publique, car chaque année, plus de 300.000 décès prématurés en Chine sont dus à la pollution atmosphérique. En janvier 2013, Pékin a fait face à une pollution sans précédent, principalement due à la combinaison de la consommation saisonnière de charbon et de conditions météorologiques défavorables (absence de vent et inversion de températureinversion de température), piégeant les polluants au niveau du sol. Dans de nombreuses régions, les concentrations atmosphériques des particules fines (PM) ont atteint des valeurs considérées comme nuisibles pour la santé humaine et dépassant près de 40 fois le seuil préconisé par l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé sur une journée (25 µg/m3).

    Distributions spatiales du CO et du SO<sub>2</sub> mesurées par le sondeur IASI/MetOp le 12 janvier 2013 au-dessus de la Chine. Du bleu au rouge, les couleurs indiquent des concentrations de polluants de plus en plus fortes. Les zones blanches correspondent à des nuages ou à l’absence de données. © Anne Boynard (Latmos-IPSL, CNRS, UPMC, UVSQ)

    Distributions spatiales du CO et du SO2 mesurées par le sondeur IASI/MetOp le 12 janvier 2013 au-dessus de la Chine. Du bleu au rouge, les couleurs indiquent des concentrations de polluants de plus en plus fortes. Les zones blanches correspondent à des nuages ou à l’absence de données. © Anne Boynard (Latmos-IPSL, CNRS, UPMC, UVSQ)

    Le sondeur IASI détecte les polluants clés

    Afin de suivre la pollution locale et régionale, la Chine possède un réseau de surveillance de la qualité de l'airair fournissant en continu des mesures de polluants clés incluant les PM, le monoxyde de carbone (CO) et le dioxyde de soufresoufre (SO2). Cependant, la répartition géographique des stations de mesure est sporadique, ce qui rend difficile la prévision des développements d'épisodes de pollution. Dans ce contexte, les observations satellitaires s'avèrent très précieuses en raison de leurs excellentes couverture géographique et résolutionrésolution horizontale. Mais ces mesures présentent l'inconvénient d'être surtout sensibles entre 3 et 10 km d'altitude. Déterminer la composition de l'atmosphère à proximité du sol restait jusqu'à présent complexe avec des satellites.

    Indice de la pollution de l'air entre décembre 2012 et janvier 2013 dans plusieurs villes industrielles hautement urbanisées (rose-violet-rouge) et des villes non affectées (vert) par la pollution, situées dans la plaine de la Chine du Nord. Cet indice est déterminé à partir des niveaux de pollution mesurés au cours de la journée et intègre les principaux polluants atmosphériques : dioxyde de soufre (SO<sub>2</sub>), dioxyde d'azote (NO<sub>2</sub>), particules fines, ozone (O<sub>3</sub>) et monoxyde de carbone (CO). © Anne Boynard (Latmos-IPSL, CNRS, UPMC, UVSQ)

    Indice de la pollution de l'air entre décembre 2012 et janvier 2013 dans plusieurs villes industrielles hautement urbanisées (rose-violet-rouge) et des villes non affectées (vert) par la pollution, situées dans la plaine de la Chine du Nord. Cet indice est déterminé à partir des niveaux de pollution mesurés au cours de la journée et intègre les principaux polluants atmosphériques : dioxyde de soufre (SO2), dioxyde d'azote (NO2), particules fines, ozone (O3) et monoxyde de carbone (CO). © Anne Boynard (Latmos-IPSL, CNRS, UPMC, UVSQ)

    Les chercheurs ont mis en évidence que le sondeur IASI était, contre toute attente, capable de détecter des panaches de polluants même à proximité du sol, sous réserve de réunir deux paramètres : les conditions météorologiques doivent être stables, ce qui favorise l'accumulation de polluants au niveau du sol, et il faut une différence de température importante entre le sol et l'air juste au-dessus de la surface terrestre. IASI a ainsi mesuré en janvier 2013, au-dessus de Pékin et des villes alentour, des concentrations très élevées de polluants d'origine anthropique tels que le CO et le SO2, l'ammoniacammoniac (NH3) et des aérosols de sulfates d'ammonium. Le sondeur infrarouge IASI s'avère donc adapté à la surveillance de ces polluants dans de telles conditions.

    Ces travaux constituent une avancée majeure pour la surveillance de la pollution depuis l'espace. Avec le lancement d'IASI-B, deux sondeurs IASI peuvent désormais récolter des informations dans l'infrarouge depuis l'espace. Depuis fin janvier 2013, deux fois plus de données sont ainsi disponibles. Il sera dorénavant possible de surveiller plus précisément et plus régulièrement les épisodes de pollution associés à des conditions météorologiques stables. Ces travaux ouvrent des perspectives inédites pour mieux évaluer et gérer la qualité de l'air.