La campagne de surveillance de la Méditerranée 2012 a commencé la semaine dernière lors de l’appareillage du navire de l’Ifremer L’Europe. La contamination chimique des eaux côtières va être passée à la loupe grâce à des poches à moules et à des échantillonneurs passifs. Futura-Sciences s’est intéressé à ces deux éléments clés. Qui se doutait, par exemple, que le cycle sexuel des moules a conditionné les dates de la campagne ?

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    Le navire L’Europe a démarré sa mission de surveillance de la qualité des eaux côtières de la Méditerranée depuis maintenant une semaine. Cette campagne DCE 3 est effectuée en réponse à la directive cadre sur l'eau. Bruno Andral, responsable scientifique de la mission (Ifremer)), a rappelé à Futura-Sciences cet objectif de cette politique communautaire : « Il faut atteindre un bon état des eaux NDLRNDLR : en 2015] qui correspond à un croisement entre un bon état écologique et un bon état chimique ».

    Les moyens mis en œuvre pour étudier ces critères ont rapidement été abordés dans un précédent article présentant la campagne de surveillance 2012. Nous avons pour habitude de présenter de nombreux résultats, mais ceux-ci ne reflètent pas toujours la quantité de travail ou les démarches mises en œuvre pour les obtenir.

    « Le but de la mission est donc d'évaluer à l'aide de plusieurs indicateurs la qualité des massesmasses d'eau sur lesquelles nous allons travailler » précise Bruno Andral. Mais qu'est-ce réellement qu'une masse d'eau ? La réponse nous est fournie par Pierre Boissery, de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée et Corse (AERMC): « une masse d'eau correspond en gros à une baie ou une rade. [...] C'est quelque chose qui doit représenter 15 à 20 km de linéaire de côte. Pour la caractérisation, nous nous intéressons à un volumevolume d'eau qui s'étend du bord de mer jusqu'à la bathymétrie des 100 mètres ».

    Les analyses chimiques sont réalisées grâce à deux dispositifs : des poches de moules et des échantillonneurs passifs. Mais quels avantages a-t-on à les utiliser ? N'existe-t-il pas des outils de mesure plus sophistiqués et précis ? Justement non ! À leur arrivée en mer, les contaminants sont fortement dilués et deviennent souvent indétectables par les appareils de mesure conventionnels.

    Descriptif d'un mouillage du réseau Rinbio (réseaux indicateurs biologiques). Aucun élément n'est visible hors de l'eau pour éviter tout problème avec des activités nautiques s'opérant en surface. Les poches sont donc uniquement localisées par des coordonnées GPS. De plus, les dispositifs sont moins sensibles aux vagues à cette profondeur. © Ifremer

    Descriptif d'un mouillage du réseau Rinbio (réseaux indicateurs biologiques). Aucun élément n'est visible hors de l'eau pour éviter tout problème avec des activités nautiques s'opérant en surface. Les poches sont donc uniquement localisées par des coordonnées GPS. De plus, les dispositifs sont moins sensibles aux vagues à cette profondeur. © Ifremer

    Les moules concentrent les contaminants biodisponibles

    Les moules ont l'avantage de filtrer puis retenir des contaminants dits biodisponibles (PCB, HAP, etc.), c'est-à-dire captés par les organismes vivants. Enfermées dans des poches, elles sont placées à entre 7 et 8 mètres de profondeur durant des périodes de trois mois, le temps de se mettre en équilibre avec le milieu. Elles bioaccumulent et concentrent alors de 10 à 100.000 fois de nombreuses substances polluantes, les rendant ainsi détectables par les appareils de mesure. Une condition est néanmoins requise, tous les organismes doivent provenir du même lot et avoir une taille identique.

    Les laboratoires Environnement ressources de l'Ifremer de la façade méditerranéenne utilisent cette méthode depuis la mise en place du réseau Rinbio (Réseau intégrateurs biologiques) en 1996. Grâce à ce recul et à la quantité de données accumulées (75 stations sont localisées le long des 1.800 km de côte), les chercheurs ont modélisé la relation entre la croissance des coquillages et les concentrations en contaminant. La taille des moules fournit donc directement des informations sur les stations posant problème (les concentrations sont tout de même déterminées en laboratoire).

    Cette méthodologie a été reconnue au niveau international. « C'est la seule méthode qui a été utilisée à l'échelle de la Méditerranée pour l'évaluation de la contaminationcontamination chimique » précise Bruno Andral.  

    L'utilisation d'animaux vivants impose cependant une contrainte : la campagne doit avoir lieu entre mars et juin. Les moules ne se reproduisent pas durant cette période, leur cycle sexuel ne perturbe donc pas l'accumulation des contaminants. L'ensemble du programme de surveillance dépend ainsi de contraintes biologiques et se révèle plus complexe qu'il n'y paraît à première vue.

    Échantillonneurs passifs sous l'eau : Pocis (cage en inox) pour la mesure des composés organiques hydrophiles, et DGT (capsules en plastique) pour la mesure des métaux traces. Ces outils sont également employés dans les Dom-Tom. © Ifremer : Jean-Louis Gonzalez

    Échantillonneurs passifs sous l'eau : Pocis (cage en inox) pour la mesure des composés organiques hydrophiles, et DGT (capsules en plastique) pour la mesure des métaux traces. Ces outils sont également employés dans les Dom-Tom. © Ifremer : Jean-Louis Gonzalez

    Les produits pharmaceutiques n’échappent pas à la surveillance

    Malheureusement, de nombreux polluants (dont des herbicides, pesticides ou des produits pharmaceutiques) ne sont pas biodisponibles. Les méthodes d'analyse classiques consistent alors à pomper puis à filtrer d'énormes quantités d'eau (principalement en laboratoire) en espérant concentrer assez de contaminants, souvent sans succès. Les échantillonneurs passifs ont été conçus pour pallier ce problème. Cet outil est employé depuis quatre ans mais fait l'objet de recherches par les laboratoires Environnement ressources de l'Ifremer, en association avec l'Agence de l'eau, depuis dix ans.

    Ils prennent la forme de cylindres en acieracier inoxinox perforés et contiennent au minimum trois pastilles de résine. Celles-ci sont choisies en fonction de leurs affinités pour des familles de polluants données. Ces dispositifs sont placés en mer (souvent à proximité des moules) durant des périodes de trois semaines. Ils accumulent les contaminants passivement et surtout les concentrent in situ.

    Aucun pompage ni filtrage n'est requis. Les analyses en laboratoire sont simples et les résultats garantis. « Nous avons divisé par 15 ou 20 le coût des opérations, confie Pierre Boissery. Autre point est intéressant, surtout pour l'agence de l'eau : cet outil n'est pas spécifique au milieu marin [NDLR : les moules vivent en eaux salées ou saumâtressaumâtres]. [...] Cette année, nous allons équiper certains cours d’eau côtiers (comme l'Argens) d'échantillonneurs passifs de la source jusqu'au milieu marin pour avoir une meilleure idée des apports en contaminants qu'ils véhiculent. »

    Voilà donc pour les efforts, la technologie et les recherches mis en place ces dernières années pour étudier la qualité chimique de nos eaux côtières. Les résultats obtenus lors des années antérieures seront présentés dans un prochain article.