La catastrophe de Deepwater Horizon a causé une marée noire démesurée et bien visible entre les mois d’avril et juillet 2010. De manière plus insidieuse, il semble maintenant que la base même de la chaîne alimentaire du golfe du Mexique ait été impactée. Malheureusement, ce problème ne s’est pas arrêté avec le colmatage de la fuite. Des traces d’hydrocarbures aromatiques polycycliques ont été trouvées dans du zooplancton deux mois après les faits.   

au sommaire


    Une catastrophe écologique sans précédent a touché le golfe du Mexique en 2010. Le 20 avril, une terrible explosion a détruit la plateforme de forage Deepwater Horizon alors qu'elle travaillait sur le puits Macondo-1. Durant près de trois mois, l'équivalent de 53.000 barils de pétrolepétrole (d'une contenance d'environ 160 litres) ont été libérés dans l'environnement... par jour, jusqu'à ce qu'un entonnoir ne soit posé sur le puits. La marée noire engendrée n'est comparable à aucune autre. Les côtes américaines, spécialement les marais salants, ont été durement touchées.

    Les marées noires ont des effets néfastes souvent clairement visibles (oiseaux mazoutés, plages goudronnées, etc.) mais parfois plus insidieux car invisibles. Le pétrole brut se compose entre autres d'hydrocarbures aromatiqueshydrocarbures aromatiques polycycliques ou PAH dont les effets cancérigènes sont connus, notamment chez les poissons. Des cas de branchies atrophiées ont déjà été signalés. Les PAH ont une autre caractéristique : les différentes moléculesmolécules qui les composent varient en proportion au sein de chaque source de pétrole. Ils correspondent à de véritables signatures chimiques propres et uniques à chaque puits.

    Siddartha Mitra, de l'université de Caroline de l'Est, a recherché la présence de ces composés au sein du mésozooplancton du golfe du Mexique deux mois après la fin de la catastrophe. Ces animaux sont à la base de la chaîne alimentairechaîne alimentaire et les polluants qu'ils contiennent peuvent s'accumuler dans les organismes qui s'en nourrissent, tels que les poissons. De fortes concentrations de PAH libérés par le puits endommagé ont été détectées jusqu'à près de 200 kilomètres du site. Cette étude est publiée dans la revue Geophysical Research Letters (GRL).

    Le <em>Mighty Servant 3</em>, avec deux autres bateaux, en train de  récolter le pétrole d'une nappe, le 18 juin 2010. Au total, environ 120  millions de litres ont été récupérés. Ce type de pollution est clairement visible. L'entrée de molécule cancérigène dans les chaînes alimentaires l'est mois. © BP

    Le Mighty Servant 3, avec deux autres bateaux, en train de récolter le pétrole d'une nappe, le 18 juin 2010. Au total, environ 120 millions de litres ont été récupérés. Ce type de pollution est clairement visible. L'entrée de molécule cancérigène dans les chaînes alimentaires l'est mois. © BP

    La signature chimique du pétrole retrouvée sur près de 200 km

    Le plancton a été échantillonné en août et septembre 2010 à des distances comprises entre 20 et 300 km par rapport au puits. Un filet à plancton Mocness a été tiré derrière un bateau pour capturer des animaux planctoniques présentant une taille supérieure à 200 µm, entre la surface et 500 mètres de profondeur. Ceux-ci ont été congelés dès leur sortie de l'eau. Les PAH ont ensuite été extraits, purifiés et dosés en laboratoire. Des échantillons de pétrole fournit par BP ont été utilisés pour définir précisément la signature chimique du puits Macondo-1.

    Entre 0,03 et 97,9 ng par g de plancton de PAH ont été trouvés. La pollution a été détectée jusqu'à 180 km du puits. Cependant, aucun lien n'a pu être établi entre la distance séparant le site de prélèvement du lieu de la catastrophe et la concentration en polluants. La distribution des PAH dans le golfe du Mexique est irrégulière. Une des raisons invoquées est que la fuite a eu lieu à 1,5 km de profondeur (et non en surface) et le pétrole a été exposé à de nombreuses substances dispersantes. Son taux de dilution a donc fortement varié dans le temps et la contaminationcontamination n'a pas été homogène. De plus, les courants marins ont certainement joué un rôle non négligeable.

    De même, la profondeur n'a pas d'effet significatif sur les mesures. Ce résultat semble évident puisque le mésozooplancton peut effectuer de nombreuses migrations verticales. Précisons que toutes les autres causes de pollution ont été exclues grâce au calcul du rapport entre la concentration le fluoranthène et celle du couple fluoranthène et pyrène. La valeur obtenue (0,44) signifie bien que la source de l'empoisonnement correspond à du pétrole liquideliquide, et non à des sédiments contaminés ou à des rejets du fleuve Mississippi.

    Rappel des quantités de pétrole déversé lors des principales marées noires de ces dernières années. © Idé

    Rappel des quantités de pétrole déversé lors des principales marées noires de ces dernières années. © Idé

    Colmater la fuite n'a pas arrêté la pollution de Deepwater Horizon 

    Le mésozooplacton a un taux de renouvellement moyen d'une semaine. Il est par ailleurs capable d'excréter les polluants en quelques jours. Pourtant, les échantillons prélevés deux mois après le colmatage de la fuite contiennent toujours des animaux contaminés. La pollution persiste donc dans le temps. Plusieurs raisons sont invoquées. Premièrement, les concentrations en hydrocarbures aromatiques polycyclique pourraient avoir été telles que l'arrêt de la fuite et la dilution n'auraient pas suffi à les faire baisser rapidement. Deuxièmement, un échantillon se compose de plusieurs espècesespèces présentant chacune un métabolismemétabolisme propre pas toujours connu. Et enfin, le zooplanctonzooplancton pourrait transmettre les PAH dans les lipideslipides de ses œufs.

    Ainsi, la base même de la chaîne alimentaire du golfe du Mexique a souffert de la catastrophe de Deepwater Horizon. Ce phénomène permet d'expliquer en partie les taux de PAH détectés chez des organismes présentant un niveau trophiqueniveau trophique supérieur.