Andreas Schmittner et ses collègues sont sous les feux médiatiques depuis quelques jours et la publication d'une étude exposant des résultats en contradiction avec ceux du Giec concernant l'impact du CO2 sur le réchauffement. Yves Fouquart et Valérie-Masson Delmotte, climatologues, ont décrypté l'étude pour Futura-Sciences.

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    Le CO2 pourrait ne pas avoir une influence si importante sur le climat. © Guillaume Brialon, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Le CO2 pourrait ne pas avoir une influence si importante sur le climat. © Guillaume Brialon, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Une récente étude menée par Andreas Schmittner et ses collègues et publiée dans Science indique que si les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone étaient multipliées par deux, la température augmenterait de 2,3 °C. Soit 0,7 °C de moins que la valeur médiane des simulations climatiquessimulations climatiques présentées dans le 4e rapport du Giec (2007). 

    Valérie Masson-DelmotteValérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue du CEA, tempère néanmoins sur la robustesse de cette dernière étude : « il existe une trentaine de publications sur les quatre dernières années confirmant une sensibilité climatique autour de 3 °C ». Les travaux de Schmittner sont mis en avant parce qu'ils sortent des clous, mais ils représentent une exception.

    Des résultats pas si contradictoires

    Du reste, comme le souligne le climatologueclimatologue Yves Fouquart, « l'estimation à laquelle aboutit ce papier n'est pas en contradiction avec celles retenues par le Giec ». Comme toute estimation, celle du Giec et celle de l'équipe d'Andreas Schmittner s'accompagnent en effet de marges d'erreurs et en l'occurrence, elles se chevauchent fortement : le Giec estime qu'il est probable qu'on assiste à un réchauffement de 2 à 4,5 °C tandis que Schmittner considère que l'augmentation sera comprise entre 1,7 et 2,6 °C. Les deux études ne sont donc pas si contradictoires que cela.

    Quelle est l'origine de cette différence de résultat ? D'abord les données sur lesquelles se fondent les deux études afin de réaliser l'estimation de la sensibilité climatique en cas de doublement des concentrations de CO2 au sein de l'atmosphère sont sensiblement différentes. La sensibilité climatique est la façon dont le climat (en l'occurrence la température) répond à une perturbation, un changement (ici, une augmentation de la concentration de CO2).

    Ce graphique montre qu'en utilisant des données marines, on obtient une sensibilité plus faible qu'avec les données terrestres. Or le modèle de Schmittner (en noir) utilise davantage les données marines. © Schmittner <em>et al. </em>2011, <em>Sciences </em>- adaptation Futura-Sciences

    Ce graphique montre qu'en utilisant des données marines, on obtient une sensibilité plus faible qu'avec les données terrestres. Or le modèle de Schmittner (en noir) utilise davantage les données marines. © Schmittner et al. 2011, Sciences - adaptation Futura-Sciences

    Dans le but d'évaluer cette sensibilité, Schmittner et ses coauteurs tirent parti de données disponibles afin de caractériser un changement climatiquechangement climatique passé, celui du dernier maximum glaciaire (DMG ou LGM en anglais pour Late Glacial Maximum) il y a vingt et un mille ans environ. La plupart des travaux précédents estiment que le climat glaciaire était 4 à 5 °C environ plus froid qu'actuellement. Or pour leurs travaux, Schmittner et ses collègues se sont fondés sur une différence de température de l'ordre de 2,6 °C.

    Réchauffement climatique : un modèle simpliste

    Ceci peut s'expliquer par le choix du modèle employé par Andreas Schmittner, et qui semble comporter quelques faiblesses. « Il utilise une base de donnéesbase de données essentiellement marine, explique Valérie Masson-Delmotte, et n'a pas utilisé toutes les données terrestres disponibles, en particulier à partir de pollen. L'article montre clairement qu'en utilisant les données marines on obtient une sensibilité globale faible alors qu'avec les terrestres, on a une sensibilité de 3 °C, plus cohérente avec les travaux antérieurs. En prenant en compte davantage de données marines (et des zones de basses latitudes), il s'oriente ainsi vers une sensibilité globale plus faible. »

    Le modèle employé, UVic, est effectivement au centre des débats : « il est vraiment simple en ce qui concerne la représentation de l'atmosphère et exprime très mal le contrastecontraste continent-océan », continue la scientifique, avant de conclure : « ce modèle est performant pour la partie océan mais vraiment limité pour la partie atmosphère ».

    En revanche, les deux études mènent à la même conclusion : le CO2 a un impact important sur la température. Comme le constate Yves FouquartYves Fouquart : « compte tenu des réserves de charboncharbon disponibles, il me semble qu'on n'évitera pas le doublement de la concentration atmosphérique en CO2. Cela nous mène donc à flirter avec la barre des 2 °C de toute manière ».