Une récente évaluation des émissions de carbone confirme une nette augmentation entre 2009 et 2010 : cinq cent douze millions de tonnes supplémentaires ! Les objectifs que les États s'étaient fixés à Cancun, il y a un an, semblent s'éloigner.

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    Un rapport du laboratoire Oak Ridge National, fondé sur les chiffres du Département de l'énergieénergie américain (DOE)), vient de confirmer que la quantité de dioxyde de carbone émise en 2010 avait spectaculairement augmenté par rapport à 2009, alors qu'elle était en baisse l'année précédente. Ce rapport tient compte des émissionsémissions issues de l'industrie, de la fabrication du cimentciment, du transport et du torchage (c'est-à-dire le brûlage des gazgaz, ou flaring, réalisé pour se débarrasser en sortie de cheminéecheminée de gaz polluants).

    Ces premières estimations parlent d'elles-mêmes. L'augmentation calculée par les scientifiques est de 5,9 %, ce qui représente 512 millions de tonnes de carbone supplémentaires ! Ces chiffres sont en accord avec un rapport effectué par le Centre commun de recherche (JRC pour Joint Research Center) de la Commission européenne, publié fin septembre.

    Cinq cent douze millions de tonnes de dioxyde de carbone

    Les principaux émetteurs de dioxyde de carbone sont les pays en développement et les États-Unis. La Chine et l'Inde figurent en tête de ce classement avec des augmentations de 10 % et 9 % respectivement. Évidemment, ces deux pays, dont les populations sont bien plus importantes que celle des États-Unis, présentent un taux d'émission per capita bien inférieur à celui des Américains.

    En 2010, la quantité totale de carbone émise était de 1,50 milliard de tonnes pour les États-Unis et de 2,25 milliards de tonnes pour la Chine, soit un taux de 4,84 et 1,68 tonnes par personne et par an respectivement. La France se situe à 1,5 tonne.

    Prévisions des émissions totales de dioxyde de carbone jusqu'en 2030 (à partir des données allant jusqu'en 2009). © Données EIA - adaptation Futura-Sciences

    Prévisions des émissions totales de dioxyde de carbone jusqu'en 2030 (à partir des données allant jusqu'en 2009). © Données EIA - adaptation Futura-Sciences

    L'ensemble des émissions de carbone s'élèvent ainsi à plus de 9 gigatonnes (ce qui, en incluant les atomesatomes d'oxygène, correspond 33,5 gigatonnes de CO2). Et il en est d'autres. « Ces émissions n'incluent pas la part relative aux changements d'usage des sols (déforestation, urbanisation etc.), comme le rappelle Yves FouquartYves Fouquart, spécialiste du climat. D'après l'AR4 (NDLRNDLR, le rapport du Giec de 2007), ces émissions représentent en moyenne 1,6 gigatonne d'équivalent carbone pour les années 1990. Cela signifie donc que les émissions en 2010 dépassent nettement les 10 gigatonnes, c'est-a-dire plus que le scénario A1F1. » Ce scénario est l'un de six envisagés par le Giec dans son rapport de 2007... et c'est le plus énergivore de tous.

    L'objectif des 2 °C supplémentaires s'échappe

    Cette augmentation conduit à un bilan d'émissions loin des engagements pris par les pays réunis en novembre 2010 à Cancun et qui prévoyaient de limiter l'augmentation de la température à 2 °C (par rapport à la période préindustrielle).

    Selon une étude récente publiée dans Nature, la partie paraît assez mal engagée. Les auteurs estiment en effet qu'afin de respecter ce contrat, les émissions totales de gaz à effet de serre doivent descendre à 44 gigatonnes (en équivalent CO2) alors que nous étions à 48 gigatonnes en 2010. Ils restent donc sceptiques : « Il y a des risques significatifs que l'objectif (NDLR, les 2 °C), contracté par tant d'États, soit déjà en train de nous échapper ».

    Les énergies renouvelables : la solution pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. © Mr_H, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Les énergies renouvelables : la solution pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. © Mr_H, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Les prochaines négociations, qui se tiendront à Durban lors de la Conférence internationale sur le climat, à partir du 28 novembre, s'annoncent donc difficiles, d'autant que le climat a récemment été relayé au second plan : « Dans la conscience collective et depuis Fukushima il est probablement aussi passé derrière le risque nucléaire, comme si on avait admis qu'il s'agissait là d'un moindre mal », commente d'ailleurs Yves Fouquart.

    « Et pourtant... le temps de la relève des énergies fossiles approche à grands pas de toute manière, risque climatique ou pas » conclut le scientifique pour qui le peak oil est imminent, « s'il n'est pas déjà atteint, voire dépassé ».