Les carnivores ont longtemps été considérés par les scientifiques comme étant les animaux les plus menacés d’extinction. Mais une nouvelle étude montre aujourd’hui que les plus en danger sont, au contraire, les herbivores. Et plus encore, les grands herbivores.


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    Notre Terre porteporte plus d'espèces de prédateurs et de carnivores que d'espèces d'herbivores. Ainsi, le nombre d'espèces de carnivores aujourd'hui en danger d’extinction est grand. Mais en proportion, le nombre d'espèces d'herbivores en danger - et notamment de grands herbivores - est plus important encore. C'est la conclusion d'une étude menée par des chercheurs de l’université de l’État de l’Utah (États-Unis).

    Ils ont compilé pour cela les données disponibles pour plus de 24.500 espèces - existantes ou éteintes - d'oiseaux, de mammifères et de reptilesreptiles, de tailles différentes, répartis sur différentes régions et vivant dans des habitats variés.

    Rappelons qu'il y a un million d'années, l'extinction des grands herbivores a bouleversé la vie sur Terre. Elle a bien sûr remodelé le paysage végétal. Mais elle a aussi modifié le régime des incendies de prairies et des feux de forêt. Elle a même modifié le cycle biogéochimique de telle sorte que le climatclimat de notre Planète s'est légèrement rafraîchi. D'où l'importance des travaux menés aujourd'hui par les chercheurs de l'université de l'État de l'Utah.

    Les reptiles herbivores sont particulièrement sensibles. Les tortues, par exemple, sont menacées, entre autres, par des espèces envahissantes. © MF Photo, Adobe Stock
    Les reptiles herbivores sont particulièrement sensibles. Les tortues, par exemple, sont menacées, entre autres, par des espèces envahissantes. © MF Photo, Adobe Stock

    Incontournables herbivores

    Selon eux, 25 % des herbivores sont aujourd'hui menacés d'extinction contre 17 % d'omnivoresomnivores et 15 % seulement de carnivores prédateurs. Et le phénomène n'est pas nouveau. Il semblerait en effet que les activités humaines affectent la survie des herbivores depuis au moins la fin du PléistocènePléistocène. Peut-être depuis 50.000 ans déjà.

    Le saviez-vous ?

    Même si les herbivores sont généralement les plus menacés d’extinction, certains groupes de carnivores ne sont pas mieux lotis. Ainsi, les charognards ou encore les animaux qui mangent du poisson. Partout dans le monde, les oiseaux de mer semblent par exemple souffrir de niveaux d’extinction disproportionnés.

    Ces travaux soulignent que nous devons redoubler d'efforts pour investir stratégiquement dans la conservation et la gestion des herbivores afin d'éviter de futurs changements dramatiques dans les fonctions découlant de ces animaux à la base des réseaux alimentaires mondiaux. Pour cela, il faudra d'abord comprendre les raisons pour lesquelles les herbivores semblent plus vulnérables que les autres.

    Mais d'ores et déjà, les chercheurs de l'université de l'État de l'Utah nous invitent à envisager de préserver l'ensemble de l'écosystèmeécosystème et pas seulement les carnivores les plus charismatiques. Nous rappelant qu'ils constituent un incontournable d'une planète saine et productive.


    Les grands herbivores menacés de disparition

    Une étude veut alerter sur les menaces d'extinction qui pèsent sur les plus grands mammifères herbivores notamment les gorillesgorilles, éléphants, girafesgirafes, hippopotames ou rhinocérosrhinocéros. Les populations sont aujourd'hui très réduites alors qu'elles jouent un rôle important dans leurs écosystèmes respectifs.

    Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet paru le 06/05/2015

    Portrait de grands herbivores en danger, de haut en bas et de gauche à droite : le tapir du Brésil (<em>Tapirus terrestris</em>), le nyala des montagnes (<em>Tragelaphus buxtoni</em>), le bison européen (<em>Bison bonasus</em>), le gorille de l'est (<em>Gorilla beringei</em>), le zèbre des montagnes (<em>Equus zebra</em>). © Dans l'ordre : T. Newsome, H. Hrabar, G. Kerley, P. Stoel, H. Hrabar
    Portrait de grands herbivores en danger, de haut en bas et de gauche à droite : le tapir du Brésil (Tapirus terrestris), le nyala des montagnes (Tragelaphus buxtoni), le bison européen (Bison bonasus), le gorille de l'est (Gorilla beringei), le zèbre des montagnes (Equus zebra). © Dans l'ordre : T. Newsome, H. Hrabar, G. Kerley, P. Stoel, H. Hrabar

    Une équipe internationale de scientifiques s'est attelée à un bilan sur l'état des populations de grands herbivores et sur les menaces d'origine humaine pesant sur elles. Leur travail est publié dans une nouvelle revue, Science advances, créée par l'Association américaine pour l'avancement des sciences, ou AAAS (American Association for the Advancement of Science, fondée en 1848) et dont les articles sont librement accessibles.

    Ces seize biologistes, d'Afrique du Sud, d'Australie, des États-Unis et du Royaume-Uni se sont intéressés à 74 espèces de plus de 100 kgkg, représentant 11 familles (éléphants, rhinocéros, hippopotames, girafes, bovidés, camélidés, tapirstapirs, équidés, cervidés, suidés et hominidés). Selon l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), 44 de ces espèces, soit 60 %, sont classées en danger d’extinction, dont 12 en danger critique ou déjà éteintes. Les régions les plus concernées sont l'Afrique et l'Asie du Sud-Est.

    Selon les auteurs, les principales menaces sont, dans l'ordre décroissant :

    • la chasse à but alimentaire ;
    • la compétition des pâturages avec le bétail ;
    • la perte de territoires ;
    • la chasse aux trophées (défense d'éléphants ou cornes de rhinocéros notamment).

    L'étude a pu estimer la réduction des territoires de 24 des 74 espèces. Conclusion : celles-ci ne disposent aujourd'hui que de 19 % des surfaces qu'elles arpentaient initialement.

    Les grands herbivores jouent un rôle important au sein de leurs écosystèmes. Les éléphants (A) limitent la croissance des arbres favorisant une végétation d'arbustes, ce qui facilite la vie des grands prédateurs (<em>Large predators</em>, en anglais sur le schéma) et des herbivores comme les impalas. Les lézards (<em>Lizard</em>) trouvent des abris dans les arbres abîmés par les éléphants, qui, de plus, dispersent les graines (<em>Seed dispersal</em>). Les hippopotames (B) créent des chenaux dans les marais (<em>Wetlands & stream channel</em>) et entretiennent un sol où poussent de nombreuses plantes qui plaisent aux antilopes kob. Ils font également bon ménage avec des oiseaux. Les rhinocéros blancs (C), en broutant, maintiennent un sol d'herbes rases (S<em>hort grass</em>), convenant à des herbivores plus petits (<em>Mesoherbivores</em>) et réduisant l'impact des grands incendies (<em>Fire</em>). © William J. Ripple <em>et al.</em>, <em>Science Advances</em>
    Les grands herbivores jouent un rôle important au sein de leurs écosystèmes. Les éléphants (A) limitent la croissance des arbres favorisant une végétation d'arbustes, ce qui facilite la vie des grands prédateurs (Large predators, en anglais sur le schéma) et des herbivores comme les impalas. Les lézards (Lizard) trouvent des abris dans les arbres abîmés par les éléphants, qui, de plus, dispersent les graines (Seed dispersal). Les hippopotames (B) créent des chenaux dans les marais (Wetlands & stream channel) et entretiennent un sol où poussent de nombreuses plantes qui plaisent aux antilopes kob. Ils font également bon ménage avec des oiseaux. Les rhinocéros blancs (C), en broutant, maintiennent un sol d'herbes rases (Short grass), convenant à des herbivores plus petits (Mesoherbivores) et réduisant l'impact des grands incendies (Fire). © William J. Ripple et al.Science Advances

    Les grands herbivores très influents dans leurs milieux

    L'équipe s'est aussi attachée à déterminer les conséquences de la disparition possible de ces espèces, ce qui revient à étudier leurs interactions avec le reste de l'écosystème. De façon directe ou indirecte, ces herbivores modifient leur environnement au sein d'équilibres complexes qui conduisent par exemple à ce que la présence d'éléphants bénéficie aux lions, aux lézards et aux rhinocéros noirs ou encore à ce que l'antilopeantilope kob doive beaucoup à l'hippopotame.

    D'une façon générale, les grands herbivores modifient profondément le couvert végétal, limitant la croissance des arbres, favorisant la biodiversité de la végétation, redistribuant la matièrematière organique par leurs excréments et maintenant des milieux relativement ouverts, ce qui a aussi un effet sur les conséquences des incendies de forêts. Ils sont aussi de bons alliés de nombreuses plantes pour la dispersion de leurs graines et constituent eux-mêmes des proies pour de grands prédateurs.

    Parmi eux, d'ailleurs, figurent des Hommes. Concernant leur apport en viande, un milliard de personnes dépendent en effet d'animaux sauvages, selon les auteurs qui ajoutent que 80 % de cette ressource disparaîtra dans les 50 ans à venir. Des mesures devraient être prises, détaillent-ils dans un plaidoyer alignant des pistes de réflexion, comme réduire le nombre de naissances dans les régions surpeuplées, réduire la consommation de viande d'animaux sauvages, empêcher le braconnage, mieux protéger les zones naturelles avec des politiques impliquant les peuples et mieux lutter contre le changement climatique.