Mesurer la biodiversité et son évolution. À l’échelle de la Planète. La tâche semble titanesque. Mais des chercheurs pourraient bien avoir trouvé une astuce pour y arriver. Et nous aider ainsi à mieux protéger la nature.


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    La biodiversité se meurt. Partout dans le monde, des espèces s'éteignent. De plus en plus vite. C'est une certitude. Pourtant, longtemps, les scientifiques ont peiné à quantifier ces pertes à grande échelle. Par manque de données robustes. En effet, surveiller la biodiversité n'est pas de tout repos. Cela demande des observations, par caméras interposées ou en personne. Ou encore par l'analyse de traces laissées par les animaux, par exemple. Des empreintes de pas ou des excréments. Mais ce temps-là pourrait bien être aujourd'hui révolu. Grâce à une source d'informations totalement inattendue : les milliers de stations de surveillance de la qualité de l’air installées dans le monde.

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    Ce que les chercheurs impliqués dans une étude qui vient tout juste d'être publiée comptent à l'avenir exploiter, c'est l'ADNADN environnemental (eADN) collecté sans le vouloir par ces stations. L'approche est nouvelle. L'idée a été soufflée par des travaux qui ont récemment montré comment il était possible d'identifier les animaux d’un zoo par la collecte et l'analyse d'échantillon d'airair.

    Pour valider leur méthode, les chercheurs ont extrait et amplifié de l'ADN prélevé sur les filtres de stations de surveillance de la qualité de l'air dans deux endroits différents du Royaume-Uni. Leurs résultats vont presque au-delà de leurs espérances. Ils ont en effet identifié plus de 180 plantes, champignons, insectes, mammifères, oiseaux ou encore amphibiensamphibiens. Des espèces « charismatiques » comme les blaireaux, les loirs, les hiboux. Des espèces végétales telles que le tilleultilleul, le pin ou le chêne. Des plantes aussi ainsi le millefeuille ou la marguerite. Mais surtout peut-être, des espèces d'un intérêt particulier pour la conservation comme des hérissons.

    Un réseau mondial à disposition des chercheurs

    Conclusion des chercheurs : les réseaux de surveillance de la qualité de l'air recueillent régulièrement des données sur la biodiversité locale depuis de nombreuses années. C'est très exactement ce que les scientifiques appelaient à faire depuis longtemps déjà. Sans jamais avoir réussi à imaginer comment cela pourrait être possible. Avec seulement des modifications mineures aux protocolesprotocoles actuels, les chercheurs affirment désormais que ces données -- qui sont parfois conservées pendant des décennies -- pourraient être utilisées pour une surveillance détaillée de la biodiversité terrestre, en s'appuyant entièrement sur un réseau déjà opérationnel. Un réseau susceptible de fournir des données de manière standardisée et reproductible dans des pays entiers, chaque jour, chaque semaine, à des milliers d'endroits. Une aubaine !

    De quoi potentiellement « changer la donne » pour le suivi et la surveillance de la biodiversité. Mais aussi pour la conservation des espèces. D'autant que presque tous les pays disposent d'un système de surveillance de la pollution atmosphérique. Il restera tout de même à fournir un effort conséquent pour tirer pleinement parti des informations sur la biodiversité cachée au cœur de ces systèmes. Mais la promesse d'accéder ainsi à des mesures de dynamique des espèces à haute résolutionrésolution en vaut assurément la peine.

    Les chercheurs se sont déjà mis au travail pour conserver autant d'échantillons que possible en gardant à l'esprit leur cible eADN. « Ils pourraient fournir une vision sans précédent de notre monde », concluent les scientifiques. Et par rebond sur la manière de le protéger au mieux.