Une étude met en lumière un mécanisme déjà connu et particulièrement dangereux pour la biodiversité : les coextinctions. Selon un modèle, elles amplifieraient de 184 % les extinctions primaires. Et d'ici 2100, dans un scénario d'émissions intermédiaires, plus de 15 % des vertébrés auront disparu.


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    Si le fait que nous sommes entrés dans une sixième extinction de masse ne fait pas encore consensus, nul doute que la biodiversité est en plein déclin depuis quelques décennies, et que cela n'est pas près de s'arrêter. Entre le changement climatiquechangement climatique, et la transformation des écosystèmes au profit des humains, les espèces perdent petit à petit de l'espace et certaines disparaissent, et en entraînent parfois d'autres avec elles, notamment si elles occupaient avant une place primordiale dans la chaîne alimentairechaîne alimentaire.

    Une extinction d'espèce peut ainsi avoir plusieurs facteurs, dépendant de nombreuses interactions biologiques. Dans le but d'obtenir une vision plus globale de ces interactions, des chercheurs ont entrepris dans une étude de Science Advances de modéliser entièrement les communautés de vertébrés peuplant la planète et leurs interactions. Ou plutôt une planète fictive, sur laquelle ils ont placé de nombreuses espèces virtuelles, qu'ils définissent comme « une entité écologique plausible qui possède une combinaison de traits écologiques cohérents avec les espèces du monde réel bien qu'elles ne leur correspondent pas exactement ».

    La loutre de mer <em>(Enhydra lutris)</em>, originaire du Pacifique nord, appartient aux espèces en danger d'extinction, selon l'UICN. © Haplo, Adobe Stock
    La loutre de mer (Enhydra lutris), originaire du Pacifique nord, appartient aux espèces en danger d'extinction, selon l'UICN. © Haplo, Adobe Stock

    Une simulation d'espèces virtuelles

    Si les vertébrés créés par les chercheurs ne sont que virtuels, les interactions entre espèces qu'ils ont ajoutées à leur modèle résultent de véritables études antérieures. Pour les définir, ils ont d'abord identifié les principaux facteurs responsables des changements dans la biodiversité : le changement d'utilisation des terres, la surexploitation, la pollution, le changement climatique et les invasions biologiques, lorsqu'une espèce est introduite naturellement ou artificiellement (dans la majorité des cas) et supplante petit à petit celles déjà présentes. Chaque facteur a ensuite été intégré à leur planète virtuelle.

    Grâce à cela, les chercheurs ont créé « un modèle global de réseaux trophiques de vertébrés terrestres interconnectés aux changements climatiques et d'utilisation des terres futures », qu'ils ont ensuite fait fonctionner selon différents scénarios climatiques et d'évolution des terres exploitées, de façon dynamique jusqu'à 2100. Selon eux, c'est la première fois qu'une simulation aussi exacte est réalisée, les tentatives précédentes ne prenant pas en compte toutes les interactions au sein d'un écosystème. Ainsi, toutes les études antérieures auraient aussi sous-estimé les futures conséquences sur la biodiversité.

    Une partie de la faune africaine. Une partie de ces espèces disparaîtra d'ici 2050. © Eric Isselée, Adobe Stock
    Une partie de la faune africaine. Une partie de ces espèces disparaîtra d'ici 2050. © Eric Isselée, Adobe Stock

    17,6 % de vertébrés en moins d'ici 2100

    Le triste constat sur le déclin de la biodiversité est là : leur étude prévoit « une réduction moyenne de 17,6 % (± 0,16 % SE) de la diversité locale des vertébrés à l'échelle mondiale d'ici 2100 », et note que « les coextinctions augmentent l'effet des extinctions primaires de 184,2 % (± 10,9 % SE) en moyenne dans un scénario d'émissionsémissions intermédiaires. » D'ici 2050, les pertes iront de 6 % à 10,8 % selon les scénarios d'émissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre (GES).

    Les scientifiques notent, de plus, une baisse dans la complexité des réseaux trophiques (plusieurs chaînes alimentaires liées entre elles dans un même écosystème) : « les communautés perdront jusqu'à la moitié des interactions écologiques, réduisant ainsi la complexité trophique, la connectivité du réseau et la résiliencerésilience des communautés », écrivent-ils. Enfin, ils constatent des réseaux trophiques plus courts, en plus d'être moins complexes : le diamètre, soit « le plus long de tous les chemins les plus courts reliant deux nœudsnœuds quelconques dans un réseau », diminuera en moyenne de 11,7 % d'ici 2050, et 26 % d'ici 2100. Le tout dans des scénarios d'émissions de GES intermédiaires. Ils concluent sur la nécessité d'inclure les interactions écologiques dans les futurs modèles prédictifs, sans quoi la crise écologique actuelle continuera d'être minimisée.