Des vents incroyablement puissants. Des vagues impressionnantes. Des millions de kilomètres carrés de banquise qui, chaque année, se forment et fondent. L’océan Austral ne ressemble à aucun autre. Et il reste l’une des régions les moins mesurées de la planète. Aujourd’hui, des chercheurs nous apprennent qu’il se réchauffe rapidement en profondeur, menaçant les glaces de surface. Précisions de Matthis Auger, doctorant à Sorbonne Université.


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    L'Astrolabe. C'est ainsi qu'a été baptisé le navire-brise-glace construit pour ravitailler la base scientifique française Dumont-d'Urville en Antarctique. Pendant les 120 jours de l'été austral -- soit entre novembre et février --, il parcourt, à raison de trois rotations en moyenne, une distance d'environ 2.700 kilomètres entre la Tasmanie et l'Antarctique. Une occasion unique pour les chercheurs de relever des températures à travers l'océan Austral -- cette région de la planète sur laquelle ils disposent d'incroyablement peu de données --, du nord au sud.

    « Depuis l'Astrolabe, nous avons lancé, six fois par an et pendant 25 ans, des sondes de température tous les vingt kilomètres pour réaliser des relevés depuis la surface et jusqu'à 800 mètres de profondeur, nous explique Matthis Auger, doctorant à Sorbonne Université. De quoi construire quelque 10.000 profils de température tout le long de la trajectoire du navire ».

    Ces mesures ont permis aux chercheurs d'établir la structure de température moyenne des 800 premiers mètres de profondeur de l'océan Austral. Mais aussi son cycle saisonnier. « Nous avons ensuite pu tracer des tendances de températures le long de cette ligne et faire ressortir trois zones distinctes, poursuit le chercheur. Vers le nord, une région déjà identifiée qui se réchauffe assez fortement. Mais à proximité du continent Antarctique, sur le pourtour de la calotte polairecalotte polaire, un léger refroidissement de surface qui cache un réchauffement rapide et marqué des eaux en profondeur ». Les relevés montrent une augmentation de la température des eaux profondes de 0,04 °C par décennie.

    Les scientifiques ont largué des sondes permettant de mesurer la température de l’océan jusqu’à 800 mètres de profondeur depuis l’Astrolabe. © Sébastien Chastenet, OMP, IPEV
    Les scientifiques ont largué des sondes permettant de mesurer la température de l’océan jusqu’à 800 mètres de profondeur depuis l’Astrolabe. © Sébastien Chastenet, OMP, IPEV

    Continuer les relevés de températures

    Les chercheurs notent aussi une remontée des eaux chaudes vers la surface à raison de 39 mètres par décennie. C'est entre trois et dix fois plus rapide qu'ils le pensaient. « Ce que nous mesurons, en réalité, c'est la position du maximum de température », nous précise Matthis Auger. Car il faut savoir que le profil de température des eaux de l'océan Austral se présente ainsi : les eaux de surface sont plus froides parce que l'airair avec lequel elles sont en contact est froid, mais en descendant, la température de l'eau augmente jusqu'à un maximum avant de refroidir à nouveau.

    « Sur nos 25 années de mesures, nous avons vu ce maximum de température remonter, prenant petit à petit la place des eaux de surface plus froides. » Un phénomène qui fait craindre aux chercheurs de graves conséquences pour la glace de l’Antarctique. Car « la tendance est la même que dans l'Antarctique de l'ouest, la seule région dans laquelle nous observons à ce jour une réelle fontefonte de la glace de mer. »

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    Comment expliquer ce réchauffement de l'océan Austral en profondeur ? « Les mouvementsmouvements de la glace de mer et des phénomènes de fonte de la glace continentale font que l'océan est moins salé en surface. Résultat, les eaux de surface froides se mélangent moins avec les eaux de profondeur qui, de fait, perdent moins de chaleurchaleur. » C'est l'hypothèse principale des chercheurs, que nous décrit Matthis Auger. Mais pour parvenir à préciser le lien exact avec le changement climatiquechangement climatique globale, il faudra encore un peu plus de données. Les mesures depuis l'Astrolabe, d'ailleurs, vont se poursuivre.