La Russie s’entraine à couper son réseau de télécommunication de l’Internet mondial en menant des exercices géants chaque année. Techniquement, le « Runet » est difficile à vraiment déconnecter du réseau mondial et ce ne serait pas forcément une bonne idée ni pour la Russie ni pour le reste du monde.


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    Depuis 2019, la Russie cherche à obtenir la capacité d'isoler son propre réseau de télécommunication de l'Internet mondial. Après avoir réalisé des exercices de déconnexion durant l'été 2021 tandis que les troupes russes se massaient autour des frontières de l'Ukraine, avec l'invasion de son voisin, les grandes manœuvres autour du numérique ont toujours lieu. D'autres exercices de déconnexion ont d'ailleurs été réalisés en août dernier pour vérifier si ce qu'on appelle le « Runet » peut fonctionner de façon autonome.

    Dans un long article, le média russe Kommersant évoque à nouveau la possibilité de déconnecter le réseau du pays de l'Internet mondial pour des raisons de sécurité nationale, et rappelle ce qu'ont enseigné les différents exercices menés depuis trois ans. En août dernier, les tests ont été réalisés avec plus d'acteurs que les fois précédentes. Il s'agissait, entre autres, de réaliser d'une déconnexion partielle de certains gros services russes du reste d'Internet.

    Ce fut le cas de RuTube, la plateforme de diffusiondiffusion de vidéo en streaming qui est l'équivalent russe de YouTubeYouTube. Pour les internautes, les conséquences de cette déconnexion sont restées invisibles. Pour les autorités, le test a permis de vérifier qu'il était possible de « fermer physiquement la partie russe d'Internet » et de contrer les cyberattaques.

    De grands tests annuels pour l'Internet souverain

    Ces exercices annuels sont menés depuis qu'une loi sur la mise en œuvre du Runet souverain a été adoptée en 2019. Elle oblige les acteurs liés aux télécommunications de vérifier si leurs systèmes restent stables en cas de coupure du reste du monde. Et surtout, depuis le 1er janvier 2021, il est obligatoire pour les opérateurs télécoms d'utiliser uniquement des domaines russes. Une mesure qui reste progressive et qui a débuté réellement à partir du 11 mars dernier.

    Il est également requis d'abandonner les plateformes d'hébergement étrangères pour les entreprises. Selon le Kommersant, ces obligations ne sont pas vraiment efficaces, car l'amende est limitée à moins de 80 euros en cas d'infraction. Mais, en imposant les DNS russes, l'idée à terme est de bloquer l'accès à l'ensemble des sites dotés du domaine .ru pour tout le reste du monde. Leur accès en interne serait alors optimisé.

    Ce graphique réalisé par Kevin Limonier, directeur scientifique de l'Observatoire de l'infosphère russophone, montre les nombreux points d’accès qu’utilise la Russie pour se connecter au reste du monde. Une déconnexion radicale du réseau est compliquée et problématique. © K. Limonier
    Ce graphique réalisé par Kevin Limonier, directeur scientifique de l'Observatoire de l'infosphère russophone, montre les nombreux points d’accès qu’utilise la Russie pour se connecter au reste du monde. Une déconnexion radicale du réseau est compliquée et problématique. © K. Limonier

    Une déconnexion totale improbable

    Si les autorités russes ont renforcé les exercices cette année, c'est essentiellement par rapport aux cyberattaques contre la Russie qui auraient augmenté de 80 % en 2022, selon le vice-Premier ministre Dmitri Chernychenko. Plus de 25 000 cyberattaques contre les administrations de l'État et 1 200 incidents sur les infrastructures critiques auraient été contenus selon ses dires.

    En mars dernier (lire notre article ci-dessous), Futura évoquait déjà la potentielle déconnexion du Runet du reste de l'Internet. Il apparait maintenant que les autorités étaient à deux doigts d'enclencher ce processus. L'article du Kommersant souligne que, si une telle décision devait avoir lieu, la coupure ne serait pas totale. Seuls les points de connexion européens seraient coupés et le trafic serait alors redirigé vers l'Asie. C'est en tout cas le plan du principal gestionnaire du réseau de télécommunication, Rostelecom.

    Mais, comme nous l'indiquions déjà en mars, la déconnexion n'est pas due au seul fait des autorités russes. L'Américain Cogent Communication, le second plus grand fournisseur d'infrastructures internet en Russie, a déjà engagé cette coupure depuis des mois. Une décision qui visait justement à canaliser les attaques provenant de la Russie. De même le London Internet Exchange (LINX) l'un des principaux points d'entrée Internet en Europe, a volontairement déconnecté les opérateurs russes.

    Mais, pour les experts russes, déconnecter le Runet de l'Internet mondial pourrait s'avérer contre-productif, que ce soit pour les services de renseignement russes ou étrangers. De plus, cette déconnexion avec le « reroutage » pour contourner la Russie pourrait impacter fortement le trafic, puisque plusieurs pays asiatiques sont reliés au réseau mondial via le réseau russe. C'est pour cette raison que la fédération de Russie n'optera certainement pas pour une coupure totale, mais plutôt pour un durcissement des accès avec des blocages.


    Guerre en Ukraine : la Russie bientôt déconnectée d'internet ?

    Pour des « raisons de sécurité nationale », notamment pour lutter contre les cyberattaques, et de la prétendue désinformation sur son territoire, la Russie a commencé des manœuvres qui pourraient lui permettre de déconnecter son réseau de l'internet mondial. La date d'échéance aurait même été évoquée. La guerre en Ukraine et les sanctions qu'elle a engendrées à son encontre lui permettraient de mettre en œuvre son Runet dont la souveraineté est inscrite dans la loi depuis 2019.

    Article de Sylvain BigetSylvain Biget, publié le 7 mars 2022

    Il y a la guerre cinétique avec la violence des images et des sons, il y a celle plus silencieuse du numérique. Si le front des cyberattaques fait de moins en moins parler de lui, il reste soutenu. L'arme numérique en Ukraine, c'est également maintenir une connexion Internet active pour les populations, les armées et les institutions grâce au déploiement d'un réseau de satellites Starlink par Elon MuskElon Musk. Il y a aussi la guerre de l'information avec l'arrêt en Russie de FacebookFacebook, TwitterTwitter, TikTokTikTok et de très nombreuses autres entreprises du numérique et notamment NetflixNetflix.

    Plus que les services, c'est du côté des infrastructures Internet que les positions évoluent très rapidement depuis quelques jours. Selon les documents collectés et diffusés par le média biélorusse Nexta, la Russie serait en train de déconnecter son réseau de l'internet mondial. Et ce n'est pas du domaine de l'impossible, puisque Futura avait déjà expliqué en août dernier que du 15 juin au 15 juillet 2021 la Russie avait mené un exercice de déconnexion d'internet de ce qu'elle appelle son Runet. Et lorsque l'on sait ce que peuvent devenir les exercices, il y a de quoi s'inquiéter... Cette intention russe n'est d'ailleurs pas une nouveauté. Dès 2019, la Russie a décidé d'avoir la capacité d'isoler son propre réseau de télécommunication de l'internet mondial pour des raisons de sécurité nationale. C'est l'occasion d'y venir et selon Nexta, la date fatidique pourrait être après le 11 mars. Avant cette date butoir, tous les serveursserveurs et domaines doivent migrer sur le réseau russe. C'est pour cette raison que depuis plusieurs semaines beaucoup de trafic au niveau des DNS a été identifié. Tout doit être réattribué sur des serveurs DNS russes ainsi que sur des noms de domainenoms de domaine en « .ru ». Après ce rapatriement des ressources en Russie, c'est le gendarme russe de télécoms Roskomnadzor qui sera chargé de la surveillance des données transitant par le réseau et de la gestion des points d'échange. 

    Le média biélorusse Nexta a publié des documents montrant l’intention du Kremlin de déconnecter le réseau russe de l’internet mondial après le 11 mars. © Twitter

    Une rupture pour mieux censurer ?

    Concrètement, cela ne veut pas dire que la Russie n'aura plus accès à l'internet mondial, elle aura la maîtrise de son réseau pour contenir des cyberattaques et faciliter la surveillance des contenus. Elle reste capable de bloquer certains trafics voire la totalité de ceux-ci. Cependant, tout comme les sanctions internationales ont isolé la Russie, il se pourrait que cette coupure d'internet provienne finalement de l'Occident. Ainsi, selon Reuters, l'Américain Cogent Communication, qui est le second fournisseur d'infrastructures Internet en Russie, serait déjà en train de couper les services Internet à ses clients russes. De son côté, Cogent a déclaré à Reuters que cette décision permet de contrer les cyberattaques ou la désinformation émanant de la Russie. Une décision difficile, puisque rompre la liaison signifie laisser les populations russes sous la seule influence des informations autorisées par le Kremlin. Évidemment, comme toujours depuis le début des tensions, puis l'invasion, de son côté, la Russie a officiellement souligné qu'il n'est pas prévu qu'elle déconnecte le Runet de l'internet mondial.


    Runet : la Russie déconnecte son réseau d'internet

    La Russie a annoncé qu'elle avait mené une série de tests de déconnexion de son réseau de télécommunication à l'Internet mondial durant un mois, jusqu'au 15 juillet. Des tests qui montrent la volonté du Kremlin de mettre en place un véritable internet souverain et qui ne sont pas sans soulever quelques inquiétudes.

    Article de Sylvain Biget publié le 01/08/2021

    Personne ne s'en serait rendu compte en Russie mais le pays aurait coupé ses connexions à l'internet mondial lors de tests qui se seraient déroulés entre les 15 juin et 15 juillet derniers. C'est ce qu'explique, avec peu de détails, le quotidien économique RBC Daily dans un article daté du 21 juillet. Des tests qui sont donc étrangement passés inaperçus, que ce soit pour les internautes russes et pour le reste du réseau mondial. Ils auraient toutefois impliqués l'ensemble des opérateurs du pays. Même s'il est difficile de croire en une déconnexion totale du réseau durant une longue période, le Kremlin a donc dû tester la capacité du Runet -- c'est le nom du réseau de télécommunication russe -- à se déconnecter de l'Internet mondial, sans véritablement le faire. En revanche, avec le succès de ces « tests », le Kremlin cherche à démontrer que le pays est capable d'isoler son propre réseau de télécommunication de l'Internet mondial pour répondre à son objectif fixé par sa loi « Souveraineté d'Internet ». Votée en mars 2019 par le parlement, cette loi donne au gouvernement le pouvoir de déconnecter le Runet du réseau mondial pour des raisons de sécurité nationale.

    Runet : la frontière de la langue

    L'argument officiel serait de protéger le pays contre des cyberattaques, du cyberespionnage et des influences étrangères, notamment américaines. Mais, pour les opposants au régime, cette coupure de l'Internet mondial aurait également pour conséquence un contrôle renforcé des internautes russes.

    Ce n'est pas la première fois que la Russie affirme avoir déconnecté son réseau de l'Internet mondial. Le pays a déjà réalisé un premier test de déconnexion dès 2019. Une autre expérimentation a été annulée l'an passé en raison de la pandémiepandémie de coronaviruscoronavirus. Coupure ou pas de l'Internet mondial, la frontière réelle du Runet avec celle de l'Internet mondial est déjà, de fait, celle de la langue, ne serait-ce qu'avec l'usage des caractères cyrilliques. C'est pour cette raison que les russophones sont très nombreux à utiliser leurs propres outils comme le moteur de recherche Yandex, ou le réseau socialréseau social VKontakte, au lieu des plateformes américaines.