L’IPv6 Day, c’est mercredi. Pendant 24 heures, une bonne partie de l’internet mondial deviendra un banc de test géant pour le protocole chargé de rendre la suite de l’actuel IPv4, à bout de souffle et surtout d’adresses. Que va-t-il se passer ? Pour l’utilisateur, pas grand-chose, sans doute, comme nous l’explique Nicolas Scheffer, de Cisco. Mais peut-être quelques petits bugs quand même…

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    L'IPv6, demain chez vous... © DR

    L'IPv6, demain chez vous... © DR

    • À découvrir, notre dossier complet sur l'IPv6 

    Mercredi, un événement va concerner l'internet mondial. Pourtant, vraisemblablement, personne ne s'apercevra de rien : pendant 24 heures, pour l'IPv6 Day, un test à l'échelle planétaire mettra en service le protocole IPv6, un ensemble de règles qui régissent les échanges au sein du réseau Internet, entre les ordinateurs, les routeurs et les serveursserveurs. Il est destiné à prendre la place de l'IPv4IPv4, utilisé partout dans le monde depuis 1981 mais condamné à l'abandon à brève échéance. Voilà près de vingt ans que l'on s'y prépare et que l'on retarde l'échéance, mais cette fois, c'est à coup sûr la fin de la route.

    On le sait depuis longtemps, la première limite d'IPv4 (Internet Protocol version 4) - mais pas la seule - est celle du nombre d'adresses. C'est un problème trivial de numérotation, comme celle de la téléphonie qui a dû passer du « 22 à Asnières » aux dix chiffres. Une adresse IP, avec ce protocole, est constituée de quatre nombres (ou octetsoctets) compris entre 0 et 255, séparés par des points : « 198.37.201.4 » par exemple. Écrite sur 32 bits, cette numérotation permet donc 232 combinaisons, soit 4,3 milliards... et nous y sommes. Il n'y a aujourd'hui que 2 milliards d'utilisateurs d'Internet mais il faut compter avec les réseaux locaux, tous les systèmes informatiques de la Toile et les derniers arrivants : les téléphones mobilesmobiles.

    L'IANA (Internet Assigned Numbers AuthorityInternet Assigned Numbers Authority) accorde des gros paquetspaquets d'adresses (16,7 millions chacun) à de grandes zones géographiques, où ils sont ensuite distribués au détail. Les derniers stocks IPv4 ont été accordés à leurs zones géographiques en février 2011. Au début de l'année, plusieurs grands acteurs d'Internet ont fait parler de la pénurie d’adresses Internet et au mois d'avril, l'Apnic (Asia-Pacific Network Information Center), organisme chargé de la distribution en Asie, a commencé à rationner les attributions.

    Le décompte des adresses IP disponibles au format IPv4 dans les différents RIR (<em>Regional Internet Registry</em>), un compteur tenu à jour par l'entreprise <a href="http://ipv6.he.net/" title="Les statistiques IPv4 et IPv6" target="_blank">Hurricane Electric</a>. Le chiffre du bas indique le nombre de jours restants avant que l'IANA (<em>Internet Assigned Numbers Authority</em>) ait épuisé son stock d'adresses... © Hurricane Electric

    Le décompte des adresses IP disponibles au format IPv4 dans les différents RIR (Regional Internet Registry), un compteur tenu à jour par l'entreprise Hurricane Electric. Le chiffre du bas indique le nombre de jours restants avant que l'IANA (Internet Assigned Numbers Authority) ait épuisé son stock d'adresses... © Hurricane Electric

    IPv6 indispensable à l’internet d’aujourd’hui

    La solution, c'est d'augmenter le nombre de chiffres dans la numérotation, tout simplement. C'est ce que prévoit IPv6, qui écrit les adresses 128 bits, soit 2128 combinaisons, un nombre colossal. « Cela représente 667 millions de milliards d'adresses pour chaque millimètre carré de la surface terrestre » estime Nicolas Scheffer, responsable marché chez Cisco, en charge des infrastructures et du développement IPv6. Cisco, fabricant de routeurs, est directement concerné. Pour passer de l'IPv4 à l'IPv6, il faut en effet modifier toute la chaîne d'un échange sur Internet : par exemple, pour l'accès à un site, le navigateurnavigateur de l'ordinateur « appelant », les routeurs du réseau et les serveurs du site Web « appelé ». Il faut encore y ajouter les logicielslogiciels de messageriemessagerie ou de tchat et les liaisons FTPFTP.

    L'IPv6 apporte aussi d'autres améliorations, indispensables au développement actuel d'Internet. Il intègre IPsecIPsec (Internet Protocol Security), un ensemble de standards pour crypter les données de manière efficace. « IPv6 est très important pour la mobilité, rappelle Nicolas Scheffer. Nativement, il permet l'autoconfiguration et le roamingroaming, alors qu'IPv4 perd sa session en changeant de cellule. Avec IPv6, un mobile peut pénétrer dans un réseau localréseau local et y être reconnu. Pour une entreprise, ce protocole donne la possibilité de définir des adresses globales, utilisables partout, ou locales, par exemple limitées au réseau interne. » Enfin, souligne ce responsable de Cisco, IPv6 favorise les nouveaux usages d'Internet que sont les streamingsstreamings de vidéos ou de musiques. IPv4 n'a jamais été conçu pour cela... « Les futurs services de la 4G4G mobile ne seront disponibles qu'en IPv6 ! »

    Nicolas Scheffer : « <em>Ce test est un moment unique !</em> ». © Cisco

    Nicolas Scheffer : « Ce test est un moment unique ! ». © Cisco

    Le 8 mai 2011, un million de bugs ?

    Techniquement, il n'y a aucun problème. IPv6 a été définitivement adopté... en 1998, alors qu'il avait été mis au point des années plus tôt. Windows connaît ce protocole depuis la version XP, les navigateurs Internet, aujourd'hui, l'acceptent tous et les « boxes » Internet de particuliers (qui sont des routeurs) savent l'utiliser. La v4 et la v6 coexistent, avec deux piles pour les adresses (on parle de Dual stack). Au sein du réseau, les routeurs Dual stack existent depuis des lustres. « Jusqu'en 2003, nos routeurs émulaient IPv6 par logiciel, rapporte Nicolas Scheffer. Depuis, ce protocole est pris en compte dans le matériel. »

    Alors pourquoi tant tarder ? Parce que le réseau Internet est mondial et qu'il existe encore de nombreux sites et de nombreux matériels au sein du réseau qui en restent à IPv4. Alors GoogleGoogle, FacebookFacebook, Yahoo, Akamai et Limelight Networks, notamment,  veulent accélérer le mouvementmouvement et organisent cette grande fête mondiale de l'IPv6. On ne présente pas les trois premiers, gros pourvoyeurs de trafic. Les deux autres n'en sont pas moins des géants du Web. Akamai gère un très grand nombre de serveurs qui dupliquent les pages Web pour qu'elles s'affichent plus vite et Limelight Networks s'occupe de réseaux de fibres optiques.

    Mercredi, tous les serveurs de ces entreprises basculeront en IPv6. Tout ordinateur voulant se connecter à Internet et dont la requêterequête aboutira sur un système de l'une de ces sociétés se verra demander d'utiliser IPv6. Pour les particuliers, un ordinateur moderne basculera sans souci sur IPv6. Du côté des sites, les équipements répondront présents eux aussi. Vous devriez pouvoir lire les articles de Futura-Sciences. Selon le blog de Google, 99,95 % des utilisateurs ne devraient rencontrer aucun souci. Petit problème d'arithmétique : combien de personnes représentent 0,05 % des utilisateurs d'Internet de la planète Terre aujourd'hui ? Si l'on table sur deux milliards de personnes régulièrement connectées, on peut tout de même annoncer un million d'utilisateurs qui feront face à un bugbug...

    Les entreprises initiatrices du projet espèrent vaincre ainsi les réticences des entreprises à rendre leurs installations nativement compatibles avec IPv6. « Aujourd'hui, explique Nicolas Scheffer, les nouvelles adresses IPadresses IP vendues en Asie sont à 128 bits. Les sites qui vont se créer maintenant n'auront donc plus d'adresses IPv4 et ne seront accessibles qu'en IPv6. »