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    L'expérience a tout d'abord confirmé ce que les physiciensphysiciens appelaient depuis plus de trente ans le déficit des neutrinosneutrinos solaires. Le Soleil nous envoie un flux de 60 milliards de neutrinos chaque seconde sur chaque centimètre carré de la surface du globe.

    Les neutrinos solaires sont détectés à l'aide de grands détecteurs comme le Super-Kamiokande. © <em>Nasa Goddard Space Flight Center</em>, CC by 2.0
    Les neutrinos solaires sont détectés à l'aide de grands détecteurs comme le Super-Kamiokande. © Nasa Goddard Space Flight Center, CC by 2.0

    Du Soleil à la Terre : le mystère du flux de neutrinos

    Ces neutrinos sont du type électronique au moment où ils sont créés au centre du Soleil. Or, trois expériences précédentes avaient mesuré un flux nettement inférieur au calcul ; entre la moitié et deux tiers des neutrinos attendus à l'arrivée sur Terre semblaient avoir disparu. Une hypothèse théorique avait été avancée pour expliquer l'anomalieanomalie entre le flux attendu de neutrinos solaires et les mesures déficitaires : les neutrinos oscillent, c'est-à-dire qu'ils peuvent changer spontanément de type au cours de leur propagation.

    Interactions de neutrinos solaires dans Super-Kamiokande : le pic de la distribution reconstruit en temps réel la direction du Soleil à l’instant de la détection. © François Vannucci
    Interactions de neutrinos solaires dans Super-Kamiokande : le pic de la distribution reconstruit en temps réel la direction du Soleil à l’instant de la détection. © François Vannucci

    Selon ce scénario, un neutrino électronique produit au cœur du Soleil devient de type muonique ou tauique pendant son voyage entre son point de production et le point de détection situé sur Terre. Ce n'était qu'une hypothèse, mais elle semblait attrayante car elle ne se réalisait que pour des neutrinos ayant une masse non nulle.

    Or le bon sens voulait que les neutrinos aient une masse, au même titre que les autres particules de matière. Déjà, dans les premiers temps de l'invention du neutrino, introduit en 1930 pour expliquer le spectre des désintégrations β, des estimations évaluèrent sa masse à moins de 1/1.000e de celle de l'électron.

    Si masse de neutrinos il y avait, elle devait être toute petite et le phénomène d'oscillations, qui n'existe qu'entre neutrinos massifs, était parfaitement adapté pour donner une méthode très précise capable de les mesurer. Le phénomène d'oscillations est une mise en scène pratique des relations d'incertitude de Heisenberg en mécanique quantiquemécanique quantique. Un changement spontané entre deux neutrinos de masses différentes implique nécessairement une violation d'énergieénergie. Cette violation est permise, pourvu qu'elle ne dure qu'un temps limité.

    Super-Kamiokande et l'oscillation des neutrinos

    Ce temps caractéristique, qui dépend de la différence des masses carrées, se traduit en une longueur de l'oscillation. Grâce à sa statistique très augmentée, plus de 10.000 interactions de neutrinos solaires accumulées en quelques années d'observation, Super-KamiokandeSuper-Kamiokande put confirmer le déficit et affiner les détails de l'oscillation en évaluant plus précisément les masses. Super-Kamiokande, comme pour les expériences précédentes, n'était sensible qu'aux neutrinos solaires de type électroniques.

    Il ne pouvait donc que témoigner d'une disparition de neutrinos due à l'oscillation. L'indice complémentaire et définitif de la réalité des oscillations consiste à mesurer l'apparition de neutrinos d'un nouveau type, absent dans le flux originel. Pour les neutrinos solaires, ceci fut accompli, en 2002, par une expérience canadienne appelée SNO (Sudbury Neutrino Observatory), grâce à l'emploi d'une cible composée d'une kilotonne d'eau lourdeeau lourde, et non plus d'eau normale. SNO put confirmer de manière définitive le phénomène d'oscillation en mettant en évidence non seulement le flux diminué de neutrinos électroniques, mais en mesurant également le flux des neutrinos des deux autres types provenant du Soleil.

    Ce résultat venant du front de l'astrophysiqueastrophysique qui démontrait directement l'oscillation des neutrinos fut corroboré un peu plus tard par une expérience japonaise. Celle-ci étudiait des neutrinos de réacteurs nucléaires situés à grande distance, en moyenne à 180 kilomètres du détecteur. Elle affina encore les paramètres de l'oscillation. Le phénomène était maintenant prouvé avec une source artificielle de neutrinos.