Le graphène et ses cousins sont considérés comme des matériaux miracles pour l'électronique de demain. On vient de trouver une façon plus simple d'explorer leur comportement quantique à l'aide d'un semi-conducteur constituant ce que les chercheurs appellent du graphène artificiel.

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    La structure 2D en nid d'abeille d'un feuillet de graphène. © Jannik Meyer

    La structure 2D en nid d'abeille d'un feuillet de graphène. © Jannik Meyer

    Dans son célèbre cours de physique pour étudiants de licence, le prix Nobel de physique Richard Feynman donne plusieurs exemples de ce que l'on peut appeler des simulateurs analogiquesanalogiques classiques. Prenez par exemple un véhicule comme une voiturevoiture ou un camion. Il possède des pièces métalliques de diverses formes et compositions qui peuvent se mettre à vibrer lorsque l'engin roule à une certaine vitesse sur un terrain donné. Lorsque l'on se trouve sur une résonnance, une des pièces, par exemple un essieu, peut se rompre. On pourrait imaginer construire des centaines d'exemplaires différents d'un tel engin et faire des tests sur des autoroutes ou des pistes dans le désertdésert, mais cela coûterait plutôt cher.

    La solution est de construire un seul système avec des condensateurs, des inductances et des résistancesrésistances variables. L'ensemble constituera un système d'équations différentielles mathématiquement identiques à celui décrivant les oscillations mécaniques des pièces de la voiture (par exemple) que l'on veut construire. Il n'est pas nécessaire de savoir résoudre ce système, il suffit de voir comment il se comporte selon les diverses valeurs de ses dipôles électriques en réponse à une excitation donnée, pour savoir l'engin résistera bien ou non.

    Lorsque l'on est confronté à la conception de nouveaux matériaux, conducteurs ou isolants, ferromagnétiques ou supraconducteurssupraconducteurs, l'équation de Schrödingeréquation de Schrödinger décrivant ces propriétés peut être difficile à résoudre analytiquement. De même, il serait parfois fastidieux de tester les divers comportements possibles de ces matériaux en changeant leur composition. Une bonne idée est de faire intervenir cette fois-ci un seul matériaumatériau plus simple à synthétiser mais qui va se comporter comme un simulateur quantiquesimulateur quantique. Il s'agit donc de transposer dans le domaine quantique le concept de simulateur analogique.

    Le physicien John Hubbard. © AIP

    Le physicien John Hubbard. © AIP

    Pour décrire le comportement magnétique de matériaux, on peut se ramener à un problème en deux dimensions constituant ce qu'on appelle un modèle d’Ising. Pour la conduction des électronsélectrons dans un matériau, on fait de même appel au modèle en deux dimensions, connu sous le nom de modèle de Hubbard ou encore de Hubbard-Mott. Il consiste, globalement, en un réseau cristallinréseau cristallin dans lequel les interactions entre les électrons de conduction ne sont pas négligeables et qui tient compte aussi des interactions entre ces électrons et ceux présents dans les atomesatomes occupant les sites du réseau cristallin. Avec ce modèle simplifié, on peut explorer, par exemple, la physique liée à la transformation d'un isolant en conducteur, la transition de Mott.

    Simuler les cousins prometteurs du graphène

    Or, l'un des nouveaux matériaux les plus étudiés actuellement est le fameux graphène. Les chercheurs s'intéressent beaucoup à ses propriétés de conducteur pour une nouvelle électronique. Malheureusement, décrire les diverses variantes du graphènegraphène, comme le graphane ou le fluorographène, n'est pas très simple non plus. 

    Pour résoudre ce problème, des chercheurs ont eu l'idée de fabriquer un semi-conducteursemi-conducteur formant une structure en nid d'abeille similaire aux réseaux périodiques du graphène et de ses cousins. À base d'arséniure de galliumgallium, ce graphène artificiel ou encore « artificial graphene » (AGAG) en anglais, est facilement synthétisable sous diverses formes à l'aide de la nanotechnologienanotechnologie. Il s'agit donc d'un simulateur quantique bien adapté pour explorer différents régimes d'interactions entre les électrons se déplaçant dans du graphène et ses cousins, soumis à des champs électriqueschamps électriques ou magnétiques.

    Il s'agit même du premier simulateur quantique basé sur un semi-conducteur apte à reproduire la physique des électrons fortement couplés. Comme les nanotubes de carbonenanotubes de carbone peuvent être considérés comme des feuillets de graphène enroulé, on peut penser que ce simulateur ou ses variantes sera également utile pour la physique quantiquephysique quantique des nanotubes de carbone.

    On pourra consulter l'article des chercheurs au sujet de leur AG, publié dans Science, grâce au lien ci-dessous.