Décrire la naissance de l'Univers, lutter contre la prolifération des armes nucléaires… l'étude des particules élémentaires concerne de nombreux domaines. Quelques exemples d'applications à Subatech, un laboratoire nantais d'envergure internationale où le microcosme mène tout droit au macrocosme.

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    Dans l'imposant vaisseau spatial fait de verre et d'aluminium, bâtiment futuriste de l'école des mines de Nantes, se niche le laboratoire de physique et chimie Subatech. Là, une audacieuse et talentueuse communauté de 135 chercheurs, ingénieurs, techniciens et étudiants explore un monde étrange et paradoxal qui est un défi constant à l'imagination : celui des particules élémentaires, dont la connaissance est indispensable pour comprendre l'ensemble de notre Univers. Des échelles les plus petites aux énergiesénergies les plus fantastiques, de la première microseconde de l'Univers à la lutte contre la prolifération des armes nucléaires, voici un panel des compétences de ce laboratoire qui donne une aura internationale à la physique nantaise.

    Commençons par le commencement, à savoir l'origine des tempsorigine des temps. Ambitieux, les chercheurs que nous rencontrons dans notre tournée du labo veulent connaître rien de moins que la composition de l'Univers à ses tout premiers instants. Ils savent déjà que les briques de la matièrematière sont les atomesatomes, dont les noyaux sont composés de neutronsneutrons et de protonsprotons. Eux-mêmes sont composés de trois quarksquarks qui tiennent ensemble grâce à une curieuse particule appelée gluongluon. Mais en était-il de même à la naissance de l'Univers ? Non, d'après les connaissances actuelles. Lors de la première micro­seconde après le Big BangBig Bang, l'Univers était si énergétique que les quarks et les gluons étaient séparés. Cet état primordial de la matière, nommé plasma de quarks et de gluons, a existé jusqu'au dix-millième de seconde après l'instant zéro. Ce n'est qu'ensuite que ces particules élémentaires ont pu s'associer. Et c'est là qu'interviennent les chercheurs de Subatech : « Si on arrive à caractériser ce plasma, explique Christian Finck, jeune physicienphysicien du groupe Plasma, nous comprendrons beaucoup mieux comment s'est formée la matière qui nous compose. »

    <br />Ce détecteur silicium, conçu par Subatech pour l'accélérateur de particules américain RHIC, permet de traquer les particules à très faible durée de vie lors des collisions d'ions lourds.<br />&copy; Subatech

    Ce détecteur silicium, conçu par Subatech pour l'accélérateur de particules américain RHIC, permet de traquer les particules à très faible durée de vie lors des collisions d'ions lourds.
    © Subatech

    Pour cela, son équipe cherche tout bonnement à reproduire l'énergie des origines et à atteindre des températures inouïes, de l'ordre de 10 000 milliards de degrés ! Et cela n'est possible que dans les accélérateurs de particules, comme le RHIC (Relativistic Heavy IonIon Collider), situé dans l'état de New York, et bientôt dans le gigantesque LHC (Large Hadron ColliderLarge Hadron Collider) du CernCern, anneau de 27 km en constructionconstruction entre la France et la Suisse qui sera inauguré en 2007. Les chercheurs provoquent des collisions entre des noyaux d'atomes lourds (plombplomb ou or) qui sont accélérés à des vitessesvitesses proches de celle de la lumièrelumière. De ce choc prodigieux, capable de désintégrer protons et neutrons, naît une gerbe de particules qui permet aux physiciens de déduire les propriétés du plasma originel. Sur cette quête, deux programmes de recherche existent déjà auprès de l'accélérateur américain : Star et Phenix. Une troisième installation, nommée Alice (A Large Ion Collider Experiment) est en cours de construction au cœur du LHC.

    Mais cette dernière est beaucoup plus ambitieuse, puisqu'elle produira des énergies trente fois supérieures à celles de Star et Phenix. C'est bien elle qui nous permettra de voyager de l'autre côté du miroirmiroir de la matière ! « Le plus de Subatech est d'être le seul laboratoire français fortement impliqué dans ces trois expériences », se félicite Christian Finck. S'il était logique qu'un laboratoire de cette importance participe à Alice, projet majoritairement européen, sa participation à Star et Phénix n'était pas aussi évidente : « 80 à 85 % des labos qui y travaillent sont américains, intervient Christelle Roy, directrice adjointe de Subatech. Pour entrer dans ces projets, nous devions apporter quelque chose de vraiment nouveau. » Mission accomplie avec la conception d'un détecteur siliciumsilicium permettant de mieux étudier les particules à très faible duréedurée de vie. Cet instrument, dont la construction pour Star a commencé en 2001, a donc ouvert les portesportes de l'Amérique au jeune laboratoire nantais. Et depuis, son implication n'a fait qu'augmenter. Plus, lorsqu'en 2002 et 2003 ont été publiés les premiers résultats à la suite de la création du plasma, les chercheurs de Subatech faisaient partie des signataires. « Nous avons contribué à mettre en évidence les caractéristiques du plasma de quarks et de gluons. Il est trente fois plus dense que la matière normale et il se comporte comme un fluide. Ceci a été une surprise pour tout le monde », annonce fièrement Ginés Martinez, responsable du groupe Plasma.

    <br />La fantastique installation européenne Alice, au LHC, qui sera inaugurée en 2007. Elle devrait permettre d'atteindre des températures de l'ordre de 10 000 milliards de degrés. <br />&copy; M. Brice /CERN

    La fantastique installation européenne Alice, au LHC, qui sera inaugurée en 2007. Elle devrait permettre d'atteindre des températures de l'ordre de 10 000 milliards de degrés.
    © M. Brice /CERN

    Le succès américain a décuplé l'enthousiasme de ces physiciens pour l'expérience Alice. Le labo a ainsi pris une grande responsabilité dans le spectromètrespectromètre Dimuon. Cet instrument permet de détecter et de mesurer la trajectoire des muonsmuons, particules de la même famille que les électronsélectrons qui informeront les chercheurs sur certaines des caractéristiques du plasma. Subatech participe à plusieurs aspects de sa construction : électronique, traitement d'une partie des données, travaux de simulation, production et maintenance de logicielslogiciels... Aujourd'hui, dans le hall de montage, ingénieurs et techniciens construisent les chambres à fils du spectromètre, éléments indispensables pour suivre à la trace ces particules chargées. « Sur toutes les étapes de fabrication, nous sommes à la limite technologique », affirme Hervé Carduner, un de ces ingénieurs qui contribuent pour beaucoup aux réussites du laboratoire. Subatech regroupe aussi des théoriciens dont les travaux irriguent tous les autres groupes de recherche et qui participeront activement à l'interprétation de données d'Alice.

    Laissons de côté le Big Bang et intéressons-nous à la grande énigme des rayons cosmiquesrayons cosmiques, ces particules ultra-énergétiques qui tombent sur Terre et dont l'origine et la nature sont très mal connues. Une petite révolution s'annonce dans le domaine : le groupe AstroparticulesAstroparticules de Subatech vient de mettre au point une nouvelle méthode pour les étudier. Lorsque ces particules, après avoir traversé des distances sidérales, rentrent dans l'atmosphèreatmosphère, elles produisent des bouquets de particules secondaires que les méthodes traditionnelles essaient de capturer. Mais elles émettent aussi des bouffées d'ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques, et notamment des ondes radio. Ce sont elles que les chercheurs de Subatech ont réussi à capter de façon expérimentale. Et elles pourraient fournir de précieuses informations sur les rayons cosmiques si d'importants réseaux d'antennes sur de vastes territoires étaient installés pour ne perdre aucun de ces événements qui ne se produisent que quelques fois par an. Une expérience prototype à l'observatoire radioobservatoire radio­astronomique de Nançay a démontré que cette technique était efficace. Elle est aussi infiniment moins coûteuse que les précédentes car le coût d'une antenne radio est négligeable face à celui d'un détecteur de particules. « Cette méthode est un énorme succès. Elle avait déjà été imaginée, puis abandonnée dans les années soixante. Nous, nous l'avons reprise avec un œilœil neuf, et nous avons réussi ! », s'enthousiasme Pascal Lautridou, responsable du groupe. Il leur reste maintenant à passer à l'étape suivante, une expérience à grande échelle, qui seule pourra mesurer des événements aussi rares.

    Nous poursuivons notre visite, et nous ne sommes pas au bout de nos surprises lorsque Muriel Fallot, jeune physicienne du groupe Pacca, explique d'une voix douce : « Nous cherchons à utiliser les neutrinosneutrinos dans la lutte contre la prolifération des armes nucléaires. C'est l'Agence internationale de l'énergie atomique qui nous a demandé de mener cette recherche. » Lorsqu'un réacteur nucléaire est actif, il produit des particules de massemasse très faible appelées neutrinos. « Leur énergie et leur quantité peuvent nous renseigner sur la nature du combustiblecombustible nucléaire utilisé », poursuit la chercheuse. Est-ce seulement de l'uraniumuranium ? Contient-il du plutoniumplutonium ? « Grâce au détecteur de neutrinos que nous voulons mettre au point, les experts sauront si le réacteur a un usage civil ou militaire », conclut-elle.

    Si, à la fin d'une journée à Subatech, vous voyez des quarks jouer avec des gluons, des neutrinos espions, des feux d'artifice dans la haute atmosphère, rien d'anormal à cela : ce sont les effets de la physique de pointe !

    Sebastián Escalón

    Contact :

    Subatech, Nantes

    Jacques Martino
    [email protected]

    Bernard Kubica
    [email protected]