Le Cern vient d’annoncer que tout indique que le nouveau boson découvert l’année dernière est bien celui de Peter Higgs. Il semble de plus se comporter comme le boson de Higgs du modèle standard, au désespoir de ceux qui attendent des signes d’une nouvelle physique.

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    Comme chaque mois de mars depuis 2004, se tiennent à La Thuile, en Italie, les célèbres Rencontres de Moriond, héritières de celles organisées dans les Alpes françaises à partir de 1966 par Jean Trân Thanh Vân, un physicienphysicien d'origine vietnamienne. Le but de ces rencontres, qui ne devaient être ni vraiment des conférences ni vraiment un colloque, était que des expérimentateurs et théoriciens de toutes conditions puissent discuter sur un pied d'égalité, dans un environnement éloigné de leur laboratoire et de leurs problèmes quotidiens.

    Peter Higgs n'a pas été le seul à proposer un mécanisme pour expliquer les masses des particules pendant les années 1960. Mais il a été le premier à parler d'une particule (un boson) associée à ce mécanisme. © Peter Tuffy, <em>University of Edinburgh</em>

    Peter Higgs n'a pas été le seul à proposer un mécanisme pour expliquer les masses des particules pendant les années 1960. Mais il a été le premier à parler d'une particule (un boson) associée à ce mécanisme. © Peter Tuffy, University of Edinburgh

    Un boson de spin nul et de parité positive

    Les derniers résultats concernant la chasse au boson de Higgs avec les détecteurs Atlas et CMSCMS ont donc été présentés aux Rencontres de Moriond. Ils confirment ce que nous disait déjà Julien Baglio en décembre 2012, alors que les analyses des données enregistrées se poursuivaient. Le nouveau boson découvert au Cern semble bel et bien être un quanta d'excitation d'un champ scalaire, donc de spin nul, avec une parité positive comme il se doit pour le boson découlant du mécanisme de Brout-Englert-Higgs. Il se désintègre selon des réactions qui sont elles aussi conformes pour le moment à celles prédites par la théorie électrofaible de Glashow-Salam-Weinberg.

    Elles le sont tant et si bien que le Cern vient de publier un communiqué affirmant que ces nouveaux résultats indiquent que le nouveau boson, dont l'annonce de la découverte avait été faite en juillet 2012, est bien le boson de Higgs. Le communiqué est d'ailleurs accompagné des déclarations des deux porteporte-paroles des deux expériences. Ainsi, pour Joe Incandela (CMS), « les résultats préliminaires portant sur l'ensemble des données 2012 sont magnifiques, et pour moi il est clair que nous avons affaire à un boson de Higgs, même si nous sommes encore loin de savoir de quelle sorte de boson de Higgs il s'agit ».

    C'est bien aussi ce que semble croire Dave Charlton (Atlas), lorsqu'il ajoute que « ces résultats fabuleux sont le fruit d'un effort énorme accompli par beaucoup de personnes. Ils semblent indiquer que la nouvelle particule aurait les caractéristiques de spin et de parité du boson de Higgs prévu par le modèle standard. Nous avons déjà un bon début pour le programme de mesures dans le secteur du Higgs. »

    De gauche à droite, les physiciens Kibble, Guralnik, Hagen, Englert et Brout, les codécouvreurs du mécanisme de Brout-Englert-Higgs, expliquant la masse des particules du modèle standard, lors de la remise du prix Sakurai, en 2010. Hélas, Robert Brout n'est plus parmi nous. © Wikipédia, DP

    De gauche à droite, les physiciens Kibble, Guralnik, Hagen, Englert et Brout, les codécouvreurs du mécanisme de Brout-Englert-Higgs, expliquant la masse des particules du modèle standard, lors de la remise du prix Sakurai, en 2010. Hélas, Robert Brout n'est plus parmi nous. © Wikipédia, DP

    Un boson de Higgs standard ou non, telle est la question

    L'interrogation qui agite maintenant les chasseurs de bosons de Higgs est sans aucun doute de savoir de quel boson de Higgs il s'agit. Rappelons qu'au cours des années, le mécanisme proposé pendant les années 1960 pour expliquer la massemasse des particules a été généralisé et incorporé dans de multiples théories proposant l'existence d'une nouvelle physiquephysique. Ce mécanisme contient un champ scalaire dont le « photonphoton » est appelé le boson de Higgs. Les extensions basées sur la supersymétriesupersymétrie font ainsi intervenir plusieurs bosons de Higgs. On peut citer aussi la théorie unifiée d'Alain Connes et ses collègues.

    Pour le moment, malheureusement, aucun signe d'une nouvelle physique n'a été découvert au LHCLHC, et cela préoccupe une grande partie des physiciens des hautes énergiesénergies. On peut en effet avancer de bons arguments théoriques ─ et expérimentaux désormais ─ qui font craindre que les premières prédictions des années 1970 concernant une physique au-delà du modèle standard aient peut-être été les bonnes. Si tel est le cas, l'humanité ne disposera jamais d'accélérateurs de particules assez puissants pour découvrir et étudier en détail autre chose que le boson de Higgs directement.

    La physicienne Lisa Randall est devenue célèbre en proposant un modèle cosmologique compatible avec une masse de Planck très faible. Sa théorie prédisait une grande richesse de nouveaux phénomènes au LHC, dont la production de minitrous noirs. Malheureusement, les expériences n'ont pour le moment pas confirmé ces prédictions. © Matthew J. Lee

    La physicienne Lisa Randall est devenue célèbre en proposant un modèle cosmologique compatible avec une masse de Planck très faible. Sa théorie prédisait une grande richesse de nouveaux phénomènes au LHC, dont la production de minitrous noirs. Malheureusement, les expériences n'ont pour le moment pas confirmé ces prédictions. © Matthew J. Lee

    Avenir incertain pour la physique des hautes énergies

    La célèbre physicienne Lisa Randall a d'ailleurs exprimé publiquement ce que pensent sans doute beaucoup de chercheurs actuellement. Si le LHC ne trouve rien, il deviendra difficile de croire (mais pas impossible) qu'il suffirait de monter un peu plus en énergie pour découvrir de la nouvelle physique. Dans le pire des cas, l'humanité aurait presque atteint ses limites dans sa capacité de répondre à des questions dans le domaine des hautes énergies. Dans un scénario moins pessimiste, les accélérateurs qu'il faudrait construire auront peu de chance d'être financés avant peut-être plusieurs générations.

    Rien n'est encore joué, et c'est pourquoi le Cern planche déjà sur les successeurs du LHC. On pourrait avoir de bonnes surprises avec le nouveau LHC en 2015. En attendant, le 21 mars 2013, l'Esa va rendre publiques les découvertes réalisées avec PlanckPlanck concernant le rayonnement fossile et la cosmologiecosmologie. Si l'on annonçait que l'on dispose enfin d'une preuve solidesolide de la théorie de l'inflation, une fenêtrefenêtre sur de la physique au-delà du modèle standard s'ouvrirait, et nous conduirait peut-être dans le royaume de la gravitation quantique.