A 79 ans, celui que tous les physiciens de la planète connaissent comme le théoricien ayant proposé une explication plausible de l’origine de la masse des quarks et des leptons, Peter Higgs, vient d’effectuer une visite au Cern. Il en a profité pour livrer ses réflexions sur la découverte prochaine avec le LHC, selon lui, de son mythique boson.

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    Peter Higgs. Crédit : Peter Tuffy

    Peter Higgs. Crédit : Peter Tuffy

    Dans les 27 kilomètres de la circonférence du collisionneur du LHC, les faisceaux de protons circuleront à 99,9999 % de la vitesse de la lumière, le long d'un tunnel enterré à 175 mètres de profondeur, et généreront au moins un milliard de collisions par seconde. Dans l'immense fleuve de données qui en résultera et qui racontera les particules produites, seule une centaine de collisions devrait correspondre à des particules prédites par les possibles extensions du modèle standard, comme les théories supersymétriques ou celles faisant intervenir des dimensions supplémentaires. Pour traiter, enregistrer et analyser une première fois toutes ces données, l'une des plus vastes fermes d'ordinateursordinateurs au monde, et se trouvant au Cern, sera mise à contribution. Elle possède en effet 3.000 ordinateurs. Mais il faudra probablement plus d'un an aux nombreuses équipes impliquées dans les détecteurs du LHC, comme Atlas et Alice, pour en extraire de la nouvelle physiquephysique.

    L'une prédictions du modèle standard, cependant, ne devrait pas prendre plus d'un an à vérifier. Elle devrait se trouver dans les 100 événements par seconde intéressants observés et sélectionnés par les détecteurs et les ordinateurs dans le gazgaz chaud et dense de particules produites reproduisant les conditions de l'ère hadronique du Big BangBig Bang. Il s'agit du boson de Higgsboson de Higgs.

    Incompréhension initiale

    Peter HiggsPeter Higgs se souvient que c'est en 1964 qu'il a eu l'idée, à la lecture entre autres d'un article du grand théoricien japonais Yoichiro Nambu, d'introduire pour expliquer les massesmasses des particules un boson hypothétique, qui sera plus tard appelé « la particule de Dieu » par le prix Nobel Leon Lederman. Rétrospectivement, la réaction qu'il reçut initialement peut sembler presque incroyable. « Mes collègues pensaient que j'étais un petit peu idiot » se souvient-il. Un de ses amis, physicienphysicien au Cern pendant l'été 64, lui avait avoué à son retour que « au Cern, ils ne comprennent pas du tout en quoi ce que tu as fait a un rapport avec la physique des particules ». De fait, le papier qu'avait écrit Peter Higgs ne fut pas accepté pour publication dans un des périodiques du Cern.

    En ajoutant un paragraphe supplémentaire suggérant un lien expérimentalement testable avec la théorie des interactions fortesinteractions fortes, il réussit à faire accepter son papier pour publication dans la revue Physical Review Letters aux Etats-Unis. Le jour de la réceptionréception de ce dernier, ce même journal publiait une théorie analogue basée sur la technique des diagrammes de Feynmandiagrammes de Feynman et due à François Englert et Robert Brout, de l'Université Libre de Bruxelles.

    Seuls Weinberg, Salam et 't Hooft comprirent que la théorie proposée par Higgs était un ingrédient essentiel pour une théorie unifiée des interactions électromagnétique et nucléaire faible.

    Le champagne est au frais

    Quand on lui demande s'il croit que le LHC verra son boson, Peter Higgs répond qu'il serait vraiment très surpris qu'il n'apparaisse pas dans les détecteurs. Il lui semble aussi possible que ce soit le Tévatron, le plus grand accélérateur de particules du monde actuellement en fonctionnement, qui fasse la découverte avant le LHC. En fait, le boson de Higgs a peut être déjà été créé, ou le sera dans quelques mois au Cern, mais le délai nécessaire pour traiter les données enregistrées est tel qu'il faudra encore un peu de temps pour le savoir.

    « J'ouvrirai une bouteille de quelque chose si la particule existe bel et bien, confie-t-il. Ça devrait être du champagne... Le whisky prend un peu plus de temps à boire ». Et d'ajouter « j'ai demandé  à mes médecins de me maintenir en vie au moins quelque temps après mon quatre-vingtième anniversaire, le 29 mai 2009 ». Le boson de Higgs, si il existe, devrait donc probablement être découvert au cours des années 2009-2010...

    Quant aux craintes qu'expriment certains de voir la planète détruite par la création au LHC de mini trous noirs ou de mini trous de vers (un juriste américain, Walter Wagner, veut intenter une action en justice...), elles lui semblent totalement injustifiées.