L'AMS (Spectromètre Magnétique Alpha), ce Hubble des rayons cosmiques, traque les particules de matière noire dans la Voie lactée en mesurant des flux d'antimatière qui pourraient révéler indirectement leur existence. Les derniers résultats obtenus ne permettent toujours pas d'expliquer une anomalie découverte avec les positrons, mais la chasse continue.

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    Il y a 60 ans, lorsque le Cern a pris naissance, la recherche en physique des hautes énergies entamait une révolution par la mise en service des grands accélérateurs de particules, comme le Bevatron à Berkeley. Ces installations allaient permettre de découvrir l'antiproton et d'explorer le territoire de la physique des pions et des muons, que l'on avait défriché en étudiant les rayons cosmiques. Ceux-ci constituent aujourd'hui encore une voie d'étude prometteuse de la physique des particules élémentairesphysique des particules élémentaires. Ils sont aussi une fenêtrefenêtre ouverte sur des processus et des entités astrophysiquesastrophysiques encore mal compris, comme les pulsarspulsars ou les noyaux actifs des galaxiesnoyaux actifs des galaxies.

    Le CernCern contribue à cette exploration en abritant notamment la salle de contrôle du SpectromètreSpectromètre Magnétique Alpha, ou AMS, un détecteur installé à bord de l'ISSISS et que l'on considère parfois comme le HubbleHubble des rayons cosmiques. Il y a un an environ, les membres de la collaboration AMSAMS avaient confirmé la présence d'une anomalieanomalie, détectée à l'aide de précédentes expériences, dans le flux des positronspositrons lié aux rayons cosmiques. Ces antiparticulesantiparticules des électronsélectrons résultent de processus astrophysiques bien connus s'opérant dans la Voie lactée. On pouvait ainsi prédire l'intensité du flux de positrons baignant le système solairesystème solaire en fonction de leur énergie. Un excès avait été observé avec une intensité en augmentation continuelle de 10 GeVGeV à 200 GeV.


    Une vidéo de présentation d'AMS-02 sous-titrée en français. Matière noire, matière étrange et antimatière sont à son programme de chasse pour 10 à 20 ans à bord de l'ISS. © Esa, YouTube

    Des particules de matière noire avec des masses de 1 TeV ?

    Les astrophysiciensastrophysiciens et les physiciensphysiciens des hautes énergies étaient très intrigués. Une manière d'interpréter ce résultat fut de postuler l'existence de sources de positrons non standards dans la Galaxie, plus précisément des particules de matière noirematière noire susceptibles de produire cet excès d'antimatièreantimatière soit en se désintégrant soit en s'annihilant lors de collisions. Malheureusement, comme nous l'avait expliqué Richard Taillet, les caractéristiques des particules de matière noire que l'on pouvait invoquer pour expliquer ces observations étaient peu compatibles avec celles déduites de précédentes observations. Une explication plus plausible faisait intervenir au moins un pulsar au voisinage du SoleilSoleil. Ce type d'étoile à neutronsétoile à neutrons peut en effet être la cause d'une augmentation locale du flux de positrons.

    Il existe au moins deux tests qui permettent d'espérer pouvoir faire la différence entre ces deux hypothèses. Si l'excès de positrons provient de la matière noire, on devrait observer un flux anormal plutôt isotropeisotrope sur la voûte céleste alors qu'il serait concentré dans une région du ciel s'il provenait d'un pulsar. Enfin, la massemasse des particules de matière noire imposant une limite supérieure à l'énergie des positrons, on devait finir par observer au-delà de 200 GeV une baisse rapide et forte de leur flux.

    Les membres de la collaboration AMS ont récemment rendu publics les résultats de leurs dernières analyses concernant 41 milliards d'événements liés à des rayons cosmiques primaires traversant le détecteur. Dix millions ont été identifiés comme des électrons ou des positrons. On constate maintenant que le flux de positrons, qui a été mesuré entre 0,5 à 500 GeV, cesse d'augmenter vers 275 ± 32 GeV. On constate ensuite qu'il forme une sorte de plateau. Selon le physicien Adam Falkowski, un tel plateau avait été prédit il y a quelques années. Dans le scénario qu'il évoque, inutile de faire intervenir des pulsars ou des particules de matière noire, il suffit de considérer des modèles de propagation et de diffusiondiffusion des rayons cosmiques dans la Voie lactéeVoie lactée un peu différents de ceux que l'on utilise d'ordinaire.

    Dans le communiqué du Cern au sujet des dernières données d'AMS, il est mentionné que l'augmentation du flux de positrons semble intervenir quelle que soit la direction du ciel où les mesures ont été faites et que celles-ci sont en accord avec l'hypothèse selon laquelle ils proviendraient de particules de matière noire dont la masse serait d'environ 1 TeV. Toutefois, les chercheurs reconnaissent que ces mesures sont explicables en faisant intervenir des pulsars. Les observations vont se poursuivre pour tenter d'y voir plus clair. Avec de la chance, le redémarrage du LHC étant prévu pour 2015, on aura peut-être des preuves directes de l'existence de ces particules de matière noire d'ici quelques années, en complément de preuves indirectes fournies par AMS.