Si les particules de matière noire existent, elles auraient bombardé certaines roches terrestres pendant des milliards d'années, laissant des traces de leur passage. Ces paléodétecteurs pourraient donc être plus efficaces que les gros détecteurs actuels pour démontrer l'existence d'une nouvelle physique.


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    Cela fait plus de 30 ans que l'on tente de déceler directement les particules de matière noirematière noire avec des détecteurs enterrés sous des montagnes, souvent dans d'anciennes mines. La raison en est qu'il faut s'isoler le plus possible des particules du rayonnement cosmique qui relèvent du modèle standard de la physique des hautes énergies, elles pourraient produire des événements dans les détecteurs que l'on pourrait prendre pour ceux que peuvent causer les particules décrites par une nouvelle physique. La matière noire ne devant presque pas interagir avec la matière normale, en particulier du point de vue de la force électromagnétique ; elle doit être beaucoup plus pénétrante et donc, encore bien présente en profondeur sous la surface de la Terre alors que, par exemple, les protons, les noyaux d'hélium et les électrons tueurs du rayonnement solairerayonnement solaire auront été stoppés.

    Notons tout de suite que les rayons cosmiquesrayons cosmiques ne sont pas le seul bruit de fond possible. Ce serait une très mauvaise idée par exemple d'installer des détecteurs de particules de matière noire dans une mine d'uraniumuranium où, pour le moins, les roches encaissantes seraient assez riches en éléments radioactifs.


    Une présentation de la chasse aux Wimps avec le détecteur Lux contenant du Xénon. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © National Science Foundation

    Il y a essentiellement deux types de détecteurs envisagés. Les détecteurs, dits cryogéniques, qui sont des cristaux semi-conducteurssemi-conducteurs refroidis à des températures inférieures à 100 mK ; ils détectent l'énergie déposée lorsqu'une particule de matière noire heurte le noyau d'un atomeatome dans un réseau cristallinréseau cristallin qu'elle fait donc vibrer, ce qui l'échauffe. Viennent ensuite, les détecteurs avec liquideliquide noble, c'est-à-dire avec du xénonxénon ou de l'argonargon liquide, ils dépistent les scintillations produites par une collision de particules dans ces liquides.

    Nous ne savons pas quelles massesmasses peuvent avoir les particules de matière noire, en supposant qu'elles existent bien, ni à quel point elles peuvent quand même interagir avec la matière. Pour diverses raisons théoriques, on pense que ces particules peuvent faire partie d'une classe appelée les Wimps, acronyme de Weakly Interacting Massive Particles. Elles seraient donc assez massives, plus qu'un proton, et donc avec une masse allant, selon l'unité d'énergie habituelle pour les masses, de 1 GeVGeV à 1 Tev ( 1.000 Gev) environ.

    Moins la particule a une probabilité d'interagir avec une particule de matière normale (Weakly Interacting signifiant faiblement interagissant en anglais), plus il faut une masse importante de matière dans une cible plongée dans un flux constant de matière noire pour obtenir une détection. C'est ce qui explique que les masses des détecteurs, dans les expériences menées sans succès dans les laboratoires souterrains, ne cessent d'augmenter depuis des années comme on peut s'en convaincre en citant les noms de Xenon, CDMS (Cryogenic Dark Matter Search).

    Des paléodétecteurs vieux de plus d'un milliard d'années

    Il existe pourtant une autre stratégie qui avait déjà été étudiée il y a plus de 20 ans et qui reprend vie depuis quelques temps comme le prouvent au moins deux articles récemment publiés sur arXiv par une équipe de chercheurs essentiellement suédois et polonais. Il s'agit d'utiliser ce qu'ils appellent des paléodétecteurs.

    L'idée de base est simple. Au lieu de chercher à détecter l'effet des WimpsWimps en augmentant le taux des événements au moyen d'un accroissement de masse, on utilise un détecteur de petite taille qui aurait fonctionné pendant des centaines de millions d'années au moins. Les Wimps énergétiques sont en effet capables de créer des défauts dans la structure des cristaux qu'elles peuvent traverser. On peut alors voir des traces de trajectoires de quelques micronsmicrons de longueur pour quelques nanomètresnanomètres de diamètre.

    Ces traces sont caractéristiques et, bien que difficiles à détecter au microscopemicroscope, leur accumulation au cours des temps géologiques pourrait aider à compenser ce défaut. Les premières tentatives en ce sens ont été faites en étudiant des cristaux de micas mais l'influence du bruit de fond d'éléments radioactifs avait conduit à abandonner cette voie de recherche.

    Toutefois, les physiciensphysiciens pensent maintenant que l'on aurait de meilleures chances d'avoir un signal sortant clairement du bruit de fond, en utilisant des échantillons d'évaporitesévaporites, plus précisément de halite (du sel gemme). Ils ont été ramenés lors de forages à plus de 10 km de profondeur et seraient donc âgés de plus d'un milliard d'années. Ces évaporites seraient naturellement très pauvres en éléments radioactifs.

    Découvrir suffisamment de traces serait tout de même fastidieux et il serait judicieux, comme ils le proposent, de mettre à contribution l'IAIA pour analyser les images prises automatiquement en grand nombre au microscope. Rappelons que pour la mission Stardust, des milliers d'internautes avaient été mis à contribution pour chercher des poussières interstellairespoussières interstellaires en examinant les traces dans l'aérogelaérogel du collecteur de la sonde, photographiées au microscope.

    Un centimètre cube de sel gemme de l'archéenarchéen pourrait contenir des centaines, voire des milliers, de traces du passage des particules de matière noire. La sensibilité d'un paléodétecteur pourrait surtout être supérieure à celle des détecteurs actuels qui fonctionnent depuis seulement quelques années.