Même si la mission Insight s’est terminée en décembre dernier, les données recueillies par la station sismique à la surface de Mars continuent de porter leurs fruits. L’analyse des ondes enregistrées lors de deux événements sismiques particuliers a ainsi permis de caractériser plus précisément le noyau de la Planète rouge : il serait entièrement liquide et comporterait une part significative d’éléments légers. Des caractéristiques qui le différencient notablement du noyau terrestre.


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    Il y a quelques mois, en décembre 2022, l’atterrisseur Insight poussait son dernier soupir, faute de pouvoir recharger sa batterie, ses panneaux solaires étant entièrement recouverts de poussière. Mais l'analyse des innombrables données collectées par cette petite station sismique, posée à la surface de Mars depuis novembre 2018, n'a cependant pas été interrompue, au contraire !

    Image du sismomètre d'Insight à la surface de Mars, recouvert de poussière. © Nasa, JPL-Caltech
    Image du sismomètre d'Insight à la surface de Mars, recouvert de poussière. © Nasa, JPL-Caltech

    Grâce à l'analyse des ondes sismiquesondes sismiques enregistrées par l'instrument, on connaît ainsi aujourd'hui bien mieux la structure interne de la Planète rouge. Les données d'Insight, et notamment celles collectées au moment d’un fort impact météoritique en décembre 2021, ont en effet permis d'établir plus clairement la structure de la croûtecroûte martienne à grande échelle. Mais ces données ont aussi permis d’investiguer les profondeurs bien au-delà de la croûte de Mars. Pour la première fois, des ondes sismiques ayant traversé le noyau ont été enregistrées, permettant une caractérisation sans précédent des niveaux les plus profonds de la planète. Résultat : le noyau de Mars serait principalement liquideliquide et composé non pas seulement de ferfer, mais d'une part importante de soufresoufre et d'éléments légers. Des observations qui devraient aider à mieux comprendre la formation de la planète et son évolution, en regard de celle de la Terre.

    Écouter les lointains tremblements de Mars pour imager ses profondeurs

    Pour en arriver là, ce n'est pas un, mais deux événements sismiques qui ont été utilisés. Pour avoir une chance que les ondes sismiques voyagent à travers le noyau, il fallait que des événements se produisent à grande distance de la station sismique et que leur magnitude soit suffisante pour être détectée par le sismomètresismomètre. La duréedurée bien plus longue que prévu de la mission a fort heureusement permis l'enregistrement de deux événements présentant ces conditions. Le premier (S0976a) correspond à un séismeséisme de magnitude 4,2. Le deuxième (S1000a) correspond à l'impact météoritique. Sa magnitude a été estimée à 4,1. Les épicentresépicentres des deux événements étaient situés sur l'autre hémisphère par rapport à Insight.

    Vue d'artiste du trajet des ondes sismiques à travers le noyau de Mars avant d'être enregistrées par Insight. © Nasa, JPL et Nicholas Schmerr, CC by-nc-sa
    Vue d'artiste du trajet des ondes sismiques à travers le noyau de Mars avant d'être enregistrées par Insight. © Nasa, JPL et Nicholas Schmerr, CC by-nc-sa

    Dans les deux cas, le sismomètre a ainsi pu détecter l'arrivée d'ondes dites SKS. Or, ce type d'ondes sismiques est bien connu sur Terre. Ce sont elles qui ont permis de déterminer la nature liquide du noyau externe de la Terre. Les ondes S sont en effet des ondes cisaillantes. De fait, elles ne peuvent se propager dans les milieux liquides. Mais les ondes SKS désignent des ondes qui voyagent sous forme d'ondes cisaillantes dans le manteaumanteau et d'ondes compressives (P) dans le noyau liquide avant de ressortir dans le manteau à nouveau sous forme d'ondes S. Leur détection par Insight est donc la confirmation que Mars possède bien un noyau liquide.

    Un noyau totalement liquide ?

    D'ailleurs, contrairement à la Terre, qui possède un noyau externe liquide et un noyau interne solidesolide, le noyau de Mars serait, lui, principalement, voire totalement, liquide. « Pour le moment, nous n'avons recueilli aucun indice laissant supposer l'existence d'une graine solide au cœur de Mars », explique Jessica Irving de l'Université de Bristol, première auteure de l'étude publiée dans la revue PNAS. « Nous ne disposons actuellement que de deux événements sismiques, qui n'ont pas permis d'imager le centre exact de la planète. Il est possible qu'il existe un très petit noyau solide que nous n'avons pas encore pu voir grâce aux signaux sismiques. » Les données sismiques révèlent néanmoins que si la planète possède une graine solide, celle-ci doit nécessairement avoir un rayon inférieur à 750 kilomètres (contre 1 221 kilomètres pour la Terre). Le noyau liquide aurait quant à lui une épaisseur de 1 799 à 1 814 kilomètres (contre 2 300 kilomètres pour la Terre). La nature liquide du noyau martien avait déjà été proposée, mais les nouveaux résultats suggèrent qu’il serait légèrement plus petit que ce que l’on supposait. Il serait également un peu plus dense que ce que proposaient les précédentes études. La vitessevitesse de propagation des ondes sismiques dépend en effet de la densité du milieu, elle-même intrinsèquement liée à sa composition.

    Une composition bien différente du noyau terrestre

    Les vitesses des ondes sismiques ayant traversé le noyau suggèrent ainsi que celui-ci n'est pas composé que de fer liquide, mais contiendrait une part substantielle d'éléments légers et notamment du soufre en grande quantité ainsi qu'un peu d'oxygèneoxygène, de carbonecarbone et d'hydrogènehydrogène. La fraction en éléments légers dans le noyau de Mars serait d'ailleurs deux fois plus importante que celle du noyau externe de la Terre. Cette composition pourrait notamment expliquer l'absence de noyau solide, « les éléments légers abaissant la température à laquelle le noyau peut se maintenir à un état totalement liquide », explique Jessica Irving.

    Comparaison de la structure interne entre la Terre, Mars et la Lune. Sur Terre, le noyau se compose d'une partie interne solide et d'une partie externe liquide. Sur Mars, aucun indice ne suppose pour l'instant l'existence d'un noyau solide. Il pourrait être entièrement liquide. © Irving et al., 2023, <em>PNAS</em>, CC by 4.0
    Comparaison de la structure interne entre la Terre, Mars et la Lune. Sur Terre, le noyau se compose d'une partie interne solide et d'une partie externe liquide. Sur Mars, aucun indice ne suppose pour l'instant l'existence d'un noyau solide. Il pourrait être entièrement liquide. © Irving et al., 2023, PNAS, CC by 4.0

    Ces différences de composition et de structure du noyau entre la Terre et Mars pourraient permettre de mieux comprendre la formation interne des planètes du Système solaireSystème solaire. Il est possible en effet que les planètes situées les plus loin du centre de la nébuleusenébuleuse solaire originelle, comme Mars, aient incorporé au moment de leur formation plus d'éléments volatils légers. « Une détermination plus précise de la quantité de ces éléments est cependant nécessaire pour mieux comprendre quelles différences entre la Terre et Mars résultent du matériel accrété lors de leur formation et lesquelles sont liées aux processus physiquesphysiques en jeux lors de la différenciation planétaire », expliquent les auteurs dans l'étude.

    Un impact sur le champ magnétique martien

    La différence de structure interne entre les deux planètes pourrait également avoir joué un rôle sur l'habitabilité des deux mondes. Alors que sur Terre, l'existence d'un noyau interne solide et externe liquide a permis l'établissement d'un champ magnétique protégeant durablement la surface de la planète de l'action nocive des vents solairesvents solaires et lui permettant de garder son eau, la structure du noyau martien n'y aurait pas été favorable. La planète aurait cependant bien possédé un champ magnétique durant sa jeunesse avant qu’il ne décroisse graduellement, rendant Mars alors hostile à la vie. Cette évolution pourrait être en lien avec la structure entièrement liquide du noyau.

    Les données recueillies par Insight continuent d'être analysées. « Les enregistrements sismiques pourraient encore renfermer de très nombreuses informations, ajoute Jessica Irving. Combinés à d'autres résultats scientifiques, comme de nouvelles mesures des propriétés des alliages de fer sous haute pression et température, ils pourraient permettre de mieux contraindre les conditions de la formation de Mars et des autres planètes du Système solaire. »

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